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17 septembre 2020 | Sécurité Environnement | Environnement

Un nouveau sursis pour le kakapo de Nouvelle-Zélande

Georges Pop

L’oiseau le plus surveillé du monde a failli disparaître en 2019, victime d’une maladie pulmonaire d’origine fongique. Une mobilisation sans précédent des milieux ornithologique et vétérinaire a cependant permis de sauver le kakapo de Nouvelle-Zélande, seul perroquet qui ne vole pas et dont on croyait l’espèce éteinte, jusqu’à la découverte de quelques adultes il y a une cinquantaine d’années.
L’année dernière, l’Aspergillus fumigatus, un champignon responsable d’infections sévères chez les humains et chez les oiseaux, a bien failli anéantir la maigre et fragile population de kakapos de Nouvelle-Zélande. Cet étrange perroquet en voie de disparition fait l’objet de mesures de protection rigoureuses depuis plusieurs décennies. Ces oiseaux au plumage vert et jaune, délicatement parfumé, peuvent atteindre une taille de 60 cm et peser jusqu’à 4 kg. Les kakapos vivent à l’état sauvage mais sont tous munis d’un transmetteur radio, leurs nids étant étroitement surveillés et leur reproduction méthodiquement assistée.
 
Au pic de la maladie, dix-neuf oiseaux ont été hospitalisés qu’il a fallu nébuliser pendant 30 minutes, deux fois par jour. (© Auckland Zoo)
 
 

Des oiseaux aux caractéristiques uniques
Les kakapos ne sont pas seulement rares, mais aussi très singuliers : ce sont les seuls perroquets qui ne volent pas. Ils ne se reproduisent que tous les trois à six ans lorsque le rimu (Dacrydium cupressinum), un grand arbre indigène lui aussi menacé de disparition, lâche en abondance sur le sol ses baies riches en vitamine D. « Nous n’en sommes pas sûrs, mais la baie de rimu est un super aliment. Nous l’associons à la fertilité et à la bonne santé des kakapos », explique Andrew Digby, un ancien astronome britannique devenu biologiste au Département néo-zélandais de la Conservation (DOC).
Avant l’arrivée des colons européens en Nouvelle-Zélande, le seul prédateur du kakapo était l’Aigle de Haast, le plus grand rapace connu à avoir existé, disparu au XVe siècle. Les nouveaux-venus introduisirent sur l’archipel, volontairement ou non, des rats, des hermines et des chats. Le gros perroquet indigène, qui en cas d’agression s’immobilise dans l’espoir de passer inaperçu, fut exterminé. Lorsque dans les années 70 quelques individus isolés furent découverts par hasard, le DOC lança un vaste programme de préservation qui a failli tourner court à cause de l’Aspergillus.

 
La plupart des poussins kakapo, très vite mis en quarantaine, ont été épargnés par l’Aspergillus fumigatus. (© Auckland Zoo)
 
 

La bataille contre l’infection pulmonaire
À la fin de l’été 2019, en février dans de l’hémisphère sud, grâce au Programme de reproduction du DOC, les 147 kakapos recensés avaient procréé plus de 80 poussins ; un nombre record, compte tenu des risques de consanguinité et de la relative infertilité de l’espèce. C’est alors qu’un premier poussin mourut, suivi de deux autres et de deux femelles adultes. « La maladie n’avait jamais été vue chez ces oiseaux. Il fut très difficile de la diagnostiquer », confie James Chatterton, directeur du service vétérinaire du zoo d’Auckland, en première ligne dans la bataille contre le champignon.
Au cours des semaines qui suivirent le premier décès, les vétérinaire du zoo d’Auckland, avec le renfort de nombreux collègues venus du monde entier, évacuèrent et scannèrent 51 perroquets, soit près d’un quart de la population totale de l’espèce. Sur 21 oiseaux infectés, l’aspergillose en tua neuf, avant d’être identifiée, puis contrecarrée. Il s’avéra nécessaire d’utiliser des nébuliseurs adaptés à la taille des oiseaux pour introduire un traitement antifongique dans leurs voies respiratoires.


Une période « très intense »
« Au pic de la maladie, nous avions dix-neuf oiseaux à l’hôpital. Il a fallu nébuliser chacun d’eux pendant 30 minutes, deux fois par jour, avec seulement deux nébuliseurs. Nous avons dû analyser leur sang deux fois par semaine, pour nous assurer que nous ne provoquions pas de lésions hépatiques avec les produits utilisés. Et il fallait encore les peser, les nourrir deux fois par jour, les laver et installer de nouveaux enclos pour les individus en quarantaine», rapporte dans la presse néo-zélandaise James Chatterton, qui évoque une période « très intense ».
Finalement, l’opération a non seulement permis de sauvegarder la plupart des individus menacés par la maladie, mais aussi, en préservant les poussins, de faire croitre la population de kakapos qui a atteint 211 perroquets à la fin 2019. Selon les équipes en charge de la survie des oiseaux, la menace d’une extinction brutale ne sera cependant écartée que lorsque le seuil des 500 individus aura été franchi.

James Chatterton
Directeur des Services vétérinaires
Zoo d’Auckland
info@aucklandzoo.co.nz
www.aucklandzoo.co.nz