Une stratégie pour éradiquer le moustique tigre
La Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) a élaboré une stratégie pour éradiquer le moustique tigre, considéré comme l’une des espèces invasives les plus redoutées. Une de ses équipes se prépare à relâcher dans deux communes tessinoises des moustiques mâles, préalablement stérilisés par irradiation, entre les mois de mai et d’octobre prochains. Le procédé pourrait entraîner un déclin de la population de cet insecte asiatique qui peut transmettre le virus Zika, ceux de la dengue et du chikungunya, ainsi qu’une vingtaine d’autres agents pathogènes.
Originaire du Sud-Est asiatique, le moustique tigre (Aedes albopictus) est présent dans le canton du Tessin depuis plus de 20 ans. Au cours de ces dernières années, cet insecte invasif, qui constitue une menace pour la santé publique, s’est propagé dans les cantons du Valais, de Vaud et de Genève. Au début du mois de janvier, les chercheurs de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI) ont annoncé avoir élaboré une stratégie pour endiguer cette invasion. Ils envisagent de relâcher des moustiques tigres mâles, préalablement stérilisés par irradiation, dans deux communes de leur canton, Melide et Morcote, entre les mois de mai et d’octobre prochains. En s’accouplant avec des mâles stérilisés – cinq à dix fois plus nombreux que les non stérilisés –, les femelles deviendraient stériles à leur tour, ce qui provoquerait un déclin de la population de ce moustique.

Signalé pour la première fois en Inde à la fin du XIXe siècle, le moustique tigre est désormais présent sur tous les continents, à l’exclusion de l’Antarctique. Jusqu’ici, tous les efforts pour enrayer sa progression ont été vains. © DR
Dans les eaux stagnantes
En Suisse, le moustique tigre se reproduit dans les étangs naturels ou les flaques d’eau, après de fortes pluies, mais surtout dans les zones urbaines et suburbaines, dans les jardins et les espaces verts. La femelle pond ses oeufs sur des surfaces solides, à quelques millimètres au-dessus des eaux stagnantes laissées par l’homme, dans les soucoupes qui supportent les pots de fleurs, les récipients abandonnés, ainsi que dans les gouttières mal vidées. Les oeufs du moustique peuvent survivre plusieurs mois en absence d’eau. Il convient de noter que les moustiques mâles ne piquent pas et meurent après environ deux semaines. Signalé pour la première fois en Inde, à la fin du XIXe siècle, cet insecte est désormais présent sur tous les continents, à l’exclusion de l’Antarctique. Jusqu’ici, tous les efforts pour enrayer sa progression ont été vains.
Tant qu’il n’y a pas d’épidémie, le moustique tigre ne constitue pas un grand risque sanitaire, même si sa piqûre provoque des démangeaisons, avec un gonflement ressemblant à une cloque, parfois entourée d’un halo rouge. Cependant, dans certains cas, cette piqûre peut provoquer une forte réaction allergique. Par ailleurs, l’Aedes albopictus est un vecteur potentiel de certaines maladies virales exotiques, comme la dengue, le chikungunya ainsi que la virose Zika. Il peut les transmettre d’une personne à l’autre en piquant un individu contaminé, puis une autre personne.
Le chikungunya
Le chikungunya est une maladie la plus souvent bénigne. Elle entraîne des symptômes comme une grande fatigue, ainsi que des douleurs articulaires aiguës qui peuvent persister pendant plusieurs semaines. Alors que les formes sévères de chi - kungunya n’étaient qu’exceptionnellement décrites dans les zones historiques d’endémie, en Afrique et en Asie, une épidémie survenue en 2005 sur l’île de La Réunion a permis de découvrir des formes neuro - logiques graves. Il s’agit de méningoencéphalites et d’atteintes des nerfs périphériques, principalement chez les personnes âgées ou au système immunitaire affaibli, ainsi que chez des nouveau-nés infectés in utero lors de l’infection de la mère. La prise en charge médicale est exclusivement symptomatique.
La dengue
La dengue est très souvent une maladie asymptomatique. Dans 25 à 60 % des cas, elle se manifeste cependant par des symptômes proches de ceux de la grippe, comme une forte fièvre, des frissons, des maux de tête, des vomissements, des douleurs articulaires associées à des éruptions cutanées, ainsi qu’une grande fatigue. Chez certains patients, pour des raisons mal élucidées, le tableau clinique de la maladie peut évoluer selon deux formes graves : la dengue hémorragique, qui représente environ 1 % des cas, ainsi que la dengue avec syndrome de choc, qui est mortelle. Il n’existe pas de traitements spécifiques. Seul un vaccin est commercialisé.
La virose Zika
Le virus Zika provoque, quant à lui, une maladie la plus souvent bénigne. Dans certains cas, l’infection peut toutefois se manifester par des symptômes de type grippal, comme des maux de tête, des courbatures, une grande fatigue ou des éruptions cutanées. Elle peut également provoquer une conjonctivite, des douleurs oculaires, voire des oedème aux membres. Chez le foetus, le virus transmis par la femme enceinte pourrait être à l’origine d’une malformation sévère, la microcéphalie, responsable d’un retard mental irréversible. Il n’existe actuellement ni vaccin, ni traitement spécifique de la virose Zika. Les seuls traitements disponibles sont symptomatiques.
Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les personnes touchées par l’une ou l’autre de ces maladies, en Suisse, ont toutes été infectées lors d’un voyage.
Une première suisse
Relâcher des mâles stériles dans la nature pour enrayer la progression de cet insecte potentiellement dangereux serait une première en Suisse. Cependant, la méthode a déjà été testée en France, notamment, où soixante-quatre dépar - tements sont infestés par l’Aedes albo - pictus. L’été dernier, une expérience pilote a été réalisée dans la commune de Prades-le-Lez, dans le département de l’Hérault, où 40 000 moustiques mâles stériles ont été largués sur une zone contaminée à l’aide de drones. Les scientifiques qui ont organisé l’opération ont évoqué des résultats encourageants. Ils attendent toutefois le résultat des analyses définitives avant de valider ce procédé. La Haute école spécialisée de la Suisse italienne souhaite, à son tour, tester cette méthode. Elle a déposé une demande d’autorisation auprès de l’OFSP.
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À propos de la Haute école spécialisée de la Suisse italienneLa Haute école spécialisée de la Suisse italienne (Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana - SUPSI) est l’une des neuf hautes écoles spécialisées reconnues par la Confédération. De par sa dimension intercantonale, elle réunit dans le canton du Tessin des écoles spécialisées à Lugano-Trevano (Canobbio), Locarno, Manno, Lugano-Besso, Stabio, Verscio, ainsi qu’à Brigue, en Valais et à Landquart, dans les Grisons. Sur ses divers sites, la SUPSI fédère la Haute école spécialisée à distance de Suisse, l’École de physiothérapie, le Conservatoire de la Suisse italienne et l’Académie de théâtre Dimitri, le Département de la formation et de l’apprentissage, le Département d’économie d’entreprise, santé et social, le Département des technologies innovantes, ainsi que le Département de l’ingénierie de l’environnement et du design. Fondée en 1997, elle compte aujourd’hui quelque six mille étudiants, dont près d’un tiers venus de l’étranger. |