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04 october 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 05/2013 | Recherche et développement

De la technologie tout-terrain pour les pays en développement

L’EPFL lance le programme unique de développement «EssentialTech» qui permettra de produire des appareils médicaux adaptés au contexte difficile des pays émergents. Le premier projet phare concerne le développement d’un appareil d’imagerie médicale, en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé au Cameroun.
Les appareillages médicaux ont la vie dure dans les pays en développement. En cause, des réseaux électriques défaillants, des pièces fragiles et coûteuses, ainsi qu’un manque de main-d’œuvre qualifiée pour assurer l’entretien. Pour remédier à ce problème, le Centre Coopération & Développement (CODEV) de l’EPFL lance une initiative ambitieuse. Il s’agit du programme EssentialTech, qui rassemble des entreprises et institutions de recherche du nord et du sud, dans le but de développer de nouvelles technologies adaptées aux besoins des pays en développement. Les chercheurs travaillent à la mise au point d’un dispositif d’imagerie médicale rompu aux conditions les plus difficiles. Un prototype d’alimentation et un circuit de haute-tension, développés conjointement avec la Haute école spécialisé (HES) de Sion et la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD), sont d’ores et déjà en cours d’essais.
 
Klaus Schönenberger (EssentialTech, CODEV, EPFL) présente le prototype de générateur de haute-tension pour l’appareil d’imagerie GlobalDiagnostiX.
 

Plus des deux tiers du matériel médical n’est jamais utilisé
Les chiffres de l’OMS sont préoccupants. Plus de 70 % des dispositifs médicaux de pointe envoyés en Afrique ne sont jamais exploités, faute d’infrastructures adéquates ou de personnel de maintenance. Quand ce matériel peut tout de même être mis en service, instabilités électriques, chaleur ou humidité le rendent souvent inutilisable après quelques mois d’utilisation. «Parfois, nous faisons face à des problèmes aussi triviaux qu’insolubles», explique Klaus Schönenberger, chef du programme EssentialTech. «Par exemple, du matériel qu’on ne peut même pas alimenter, parce qu’il nécessite du courant triphasé, alors que l’hôpital n’est équipé que de courant monophasé standard».
 
Un appareil d’imagerie taillé sur mesure
L’idée à la base d’EssentialTech est simple mais ambitieuse. Il s’agit de revoir de A à Z la conception du matériel. Premier projet phare, un appareil d’imagerie médicale, conçu spécifiquement pour les besoins des pays en développement. Les ingénieurs travaillent à la mise au point d’un bloc d’alimentation et d’un circuit à haute tension pour résister aux variations de tension et aux coupures de courant.
«Les deux tiers de la population mondiale n’ont pas accès aux technologies d’imagerie», explique Klaus Schönenberger. «En combinant radiographie et écographie, l’appareil pourra couvrir 90 % des besoins d’un hôpital de district».
En Suisse, la conception du prototype rassemble plus de vingt ingénieurs autour de l’équipe de l’EPFL. La HEIG-VD et la HES de Sion sont impliquées dans la mise au point des circuits électriques. L’Institut Paul Scherrer (PSI) est chargé du développement de la partie imagerie, tandis que le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) apporte son expertise pratique. Du côté industriel, les chercheurs peuvent compter sur le savoir-faire de l’entreprise suisse alémanique Betschart AG.
Le Cameroun est partenaire dans ce projet. L’EPFL et l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé ont récemment signé la mise sur pied d’un laboratoire conjoint. Des ingénieurs suisses et camerounais, avec le concours de partenaires locaux, vont notamment tester sur place la robustesse de l’appareil d’imagerie et mettre en place une stratégie de déploiement à un prix abordable.
 
La doctoresse Eugénie Ngah, directrice médicale de l’hôpital d’Efok au Cameroun. Les deux appareils d’échographie ne fonctionnent plus, ce qui pose un très grand problème pour le suivi des femmes enceintes.
 

Dépasser les limites de la philanthropie classique
Pour Klaus Schönenberger, une telle entreprise n’est pas sans analogie avec l’industrie spatiale. «Une fois lancé, un satellite doit continuer de fonctionner pendant des années. Il en va un peu de même pour le matériel médical de brousse. Sauf qu’en plus, nous devons tenir compte des paramètres de coût et de production en série».
Le projet EssentialTech se distingue également par sa philosophie. Le but est clairement de mettre en place une chaîne commerciale, où chaque protagoniste puisse y trouver son compte. Un enjeu capital selon Bertrand Klaiber, responsable de la stratégie commerciale au sein du projet: «C’est une situation où la philanthropie classique montre ses limites. Pour assurer la pérennité du système, vous ne pouvez pas dépendre de donations sporadiques, vous devez développer sur place une chaîne de production, de distribution, de formation, ainsi que d’entretien, où chaque acteur est payé pour son travail».
 
Après le secteur médical, l’énergie ou l’assainissement de l’eau
En ce moment, les ingénieurs travaillent également à la mise au point d’une couveuse pour nouveau-nés et envisagent le développement de modules, afin de stabiliser l’alimentation électrique dans les hôpitaux. L’équipe d’EssentialTech est d’ores et déjà en train de décliner le concept dans d’autres domaines cruciaux, tels que la stérilisation de l’eau potable ou l’énergie. Quant au projet d’appareil d’imagerie, il devrait aboutir à un premier prototype complet d’ici deux ans.

À propos du Centre Coopération & Développement
Le Centre Coopération & Développement (CODEV) a pour but de promouvoir et de coordonner les activités de coopération scientifique au sein de l’EPFL.
Les missions principales du CODEV sont les suivantes:
  • favoriser les échanges entre les laboratoires de l’EPFL au profit de projets scientifiques dans les pays du Sud;
  • augmenter les investissements dans les projets de coopération scientifique au développement;
  • jouer un rôle de premier plan dans la direction de projets et de programmes de coopération scientifique;
  • constituer une porte d’entrée pour les partenaires externes souhaitant collaborer avec l’EPFL à des questions de développement dans les pays du Sud.