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28 august 2017 | La Revue POLYTECHNIQUE

Décolletage et taillage dans l’Arc jurassien

Edouard Huguelet

Les «Journées de la presse du décolletage» ont permis aux participants de visiter trois entreprises de décolletage de l’Arc jurassien, à savoir: Boillat Décolletage à Loveresse, MPS Décolletage (à Court) et Tectri (à Court également), ainsi que le fabricant de semi-profilés métalliques Baoshida Swissmetal à Reconvilier et le constructeur de machines Tornos à Moutier.
Boillat Décolletage SA, appelée aussi Boillat Technologies, sise à Loveresse, est une entreprise familiale de 50 collaborateurs fondée en 1962, active dans le décolletage de précision. Elle produit des composants et des sous-ensembles pour des secteurs aussi divers que l’automobile, l’automatisation, le secteur médical, l’horlogerie, le secteur dentaire, la connectique, l’aérospatial, l’aéronautique ou l’hydraulique.

De par la diversité de son appareil de production composé de machines à cames, de centres de décolletage CNC Tornos, Star, Citizen et Miyano, cette société est en mesure de proposer une large gamme de pièces allant de 0,5 à 51 mm de diamètre, dans des matériaux aussi divers que l’acier inoxydable, l’acier doux, le titane, l’aluminium, le laiton, le maillechort, le bronze, ainsi que diverses matières synthétiques.
Jacques Boillat, directeur de la société précise: «Depuis quelques années, nous investissons fortement dans les équipements de production. Actuellement, le nombre de machines CNC dépasse celui des machines à cames traditionnelles et une orientation se dessine vers la production de composants de précision toujours plus complexes, précis et à haute valeur ajoutée. Aujourd’hui, les marchés du secteur médical et de l’automobile représentent ensemble 70 % de notre chiffre d’affaires et l’horlogerie, autrefois prédominante, n’en représente plus que 2 %». Il ajoute: «La croissance du chiffre d’affaires a été de 15 % en 2016 et les chiffres pour le premier trimestre de cette année confirment la continuité de cette progression. Des projets d’acquisition en outils de production sont actuellement en cours».
 
Dans un atelier de Boillat Décolletage à Loveresse.
Des centres de tournage CNC chez Tectri.
 
 

Des machines à cames, des machines CNC et une installation photovoltaïque
MPS Décolletage SA, propriété de MPS Micro Precision Systems SA à Bienne, est un partenaire du groupe industriel Faulhaber, spécialiste allemand des micromoteurs. MPS Décolletage a unifié plusieurs sociétés dans un bâtiment moderne et fonctionnel, d’une surface de 3400 m2. L’entreprise, implantée à Court, occupe actuellement 35 collaborateurs. Elle met non seulement l’accent sur un parc de machines important, réalisant le décolletage et le décolletage-taillage de composants jusqu’au diamètre de 42 mm, constamment complété par l’adjonction de nouvelles unités de production à commande CNC, mais également sur le plan écologique, à témoin une vaste installation photovoltaïque de 1000 m2 fournissant en moyenne 165 MWh/an.
Frédéric Chautems, directeur de l’entreprise, précise: «Notre société a divisé son parc de plus de cent machines par secteurs d’activité et elle a investi l’an dernier dans un nouvel îlot de production avec l’acquisition de cinq décolleteuses CNC supplémentaires. De nouveaux investissements sont actuellement en cours, pour la fabrication de pièces d’horlogerie et de mécatronique». À noter qu’un important parc de décolleteuses traditionnelles à cames tourne à plein régime, dédié à la production de pièces de précision en grandes séries. La production à flux tendu, la gestion visuelle, ainsi que l’amélioration continue des techniques de production font partie de la vision de la direction.
 
Un atelier de décolletage traditionnel chez MPS. Moyens de production CNC chez MPS.
 
 

Décolletage, usinage complet et assemblage
Située à Court, Tectri SA est une société familiale fondée en 1998, qui occupe à ce jour plus de 40 collaborateurs. Cette entreprise est spécialisée dans l’usinage des pièces tournées et entièrement usinées en métal et en matières synthétiques. Ses procédés d’usinage, basés sur la production en série, sont rationnels et automatisés. Un parc de machines composé de tours à poupée mobile ou fixe, comportant jusqu’à onze axes, ainsi que des centres d’usinage verticaux à cinq axes, permettent la réalisation rationnelle de pièces complexes et précises avec un minimum d’opération de reprise.
«Notre production, caractérisée par une haute précision, respecte les normes spécifiques en vigueur dans les techniques de pointe, telles que le matériel médical, l’aéronautique et la métrologie. Le système de gestion de la qualité est certifié conforme aux normes ISO 9001:2008 et ISO 13485:2012 pour les produits médicaux», affirme Gilbert Bouduban, président de la société, actuellement dirigée par son fils Fabien. Outre le décolletage proprement dit (jusqu’au diamètre 60 mm), l’entreprise réalise aussi l’usinage complet de composants de dimensions plus importantes, jusqu’au format cubique de 250 mm. Tectri réalise également l’assemblage d’ensembles microtechniques, pouvant inclure les compléments électroniques.

 
Dans l’atelier de laminage de Baoshida Swissmetal
Un atelier de montage chez Tornos.
 
 

Des barres métalliques de précision
À Reconvilier, la société Baoshida Swissmetal, dernier aléa de l’ex Fonderie Boillat - qui avait passé par les affres de restructurations à répétition, de licenciements, de gestion hasardeuse et de dépôt de bilan -, reprend des couleurs depuis 2013 sous la bannière de son repreneur chinois.
Cette fonderie produisant des semi-fabriqués en alliages cuivreux a été fondée à Reconvilier en 1855 sous le nom de Bueche, Boillat & Cie, dans le but initial d’approvisionner les diverses manufactures d’horlogerie en barres de laiton. Le site de Reconvilier, où se trouve aussi le siège social, est spécialisé dans la production de semi-fabriqués de précision (notamment des barres rondes de grande précision pour le décolletage à la tolérance h5) en alliages cuivreux, alors que le site de Dornach fabrique des produits plus courants, comme des barres profilées.
Les deux sites de production comptent ensemble quelque 200 collaborateurs. «Des alliages spécifiquement élaborés selon les directives des clients peuvent être produits sur demande. Les matières premières sont composées de métaux purs et recyclés, qui sont fondus dans les proportions des recettes prescrites, puis étirés, laminés ou tréfilés jusqu’à l’obtention de barres cylindriques ou profilées aux dimensions, tolérances et états de surface requis», indique un porte-parole de la société.
Les produits de Baoshida Swissmetal ont de nombreuses applications. Ils entrent notamment dans la fabrication de composants pour l’horlogerie et les microtechniques, l’appareillage, l’équipement électroménager, l’automobile, les chemins de fer (les lignes de contact, par exemple), l’électronique et la connectique.
 
Des machines pour le décolletage
Tornos SA, fabrique de machines fondée en 1914, a démarré avec la production de tours automatiques à poupée mobile, destinés initialement à répondre aux besoins d’une industrie horlogère en plein essor, essentiellement pour la production de vis et de pignons. En 1958 sort le premier tour automatique multibroche. En 1978, l’entreprise lance son premier tour à commande numérique, appelé Elector 16. En 1988 est lancé le premier tour CNC multibroches au monde, le modèle CNC 632. Les modèles DECO et MultiDECO à commande CNC sont mis sur le marché en 1996. Plus de 10’000 exemplaires sont installés de par le monde.
Après avoir repris l’entreprise Almac (petits centres d’usinage de précision), Tornos a lancé en 2011 son tour multibroche MultiSwiss 6x14 et en 2013 arrive la petite décolleteuse SwissNano, une machine de haute précision compacte à l’aspect plaisant et insolite.
 
Petit bréviaire du décolletage
Le décolletage est une technique d’usinage mécanique de précision procédant par enlèvement de copeaux, pour la production de pièces de forme générale cylindrique de petites dimensions, usinées sur des machines appelées décolleteuses (ou tours automatiques).
Ces machines sont réalisées en version monobroche ou multibroche. Elles sont commandées par des systèmes à cames ou plus récemment, par des commandes numériques à calculateur (CNC). Elles réalisent l’usinage des pièces à partir de barres en laiton, en acier ou autres métaux et alliages, introduites de façon automatique par des systèmes d’alimentation appelés ravitailleurs de barres.
Les décolleteuses pratiquent non seulement les opérations fondamentales de tournage et de filetage, mais également d’autres, telles que le fendage, le perçage-taraudage, l’alésage, le fraisage et le taillage de dentures, pour aboutir à la réalisation de pièces entièrement usinées, pouvant souvent être fort complexes.
Les décolleteuses exploitent deux principes de base: barres de matière en rotation et outils fixes ou un peu moins fréquemment, matière fixe sous forme de torches et outils en rotation autour de la matière. Le taillage de dentures est principalement effectué sur des machines spécifiques, à partir de pièces décolletées, bien que certaines décolleteuses soient dotées d’une fonction intégrée de taillage de dentures.
Dès ses débuts, l’histoire du décolletage est intimement liée à celle des tours automatiques, qui ont été mis au point, notamment par trois constructeurs de Moutier, dès la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Elles avaient été développées à l’origine pour l’horlogerie, particulièrement pour la production de vis. Ces machines sont intimement liées à la Suisse, au point que leur désignation officielle aux États-Unis est «Swiss-type Lathes», même si elles sont souvent produits ailleurs qu’en Suisse !.
 

(Suite et fin). Le début de cet article a paru dans La Revue Polytechnique No.4, édition d’avril 2017.