Des albatros pour traquer la pêche illégale
Quelque 170 albatros des îles Crozet et Kerguelen ont été munis de détecteurs pour surveiller les bateaux de pêche dans la zone économique exclusive française de l’océan Austral. (© CNRS) |
Le programme « Ocean Sentinel » a été mis sur pied en réaction au déclin démographique alarmant des albatros des îles Crozet et Kerguelen. « Les albatros font partie de la famille d’oiseaux la plus menacée, en particulier par la pêche. Celle-ci utilise des palangres, des grandes lignes mises à l’eau pour pêcher. Comme les albatros suivent les bateaux pour se nourrir des déchets, lorsque les palangres sont mises à l’eau, les oiseaux attrapent les petits poissons qui servent d’appât. Ils se retrouvent accrochés et se noient... », explique l’auteur de l’étude, le naturaliste Henri Weimerskirch, chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC) du CNRS.
Pour détecter les bateaux de pêche qui n’ont pas de système d’identification automatique (AIS), ou qui l’ont désactivé, les albatros ont été équipés d’un système Argos, d’un GPS et un d’un détecteur de radar miniaturisé, unique au monde. Les pêcheurs illégaux ayant forcément besoin d’un radar pour naviguer, lorsqu’un albatros s’approche de leur embarcation, sa balise détecte son signal radar et indique sa position aux scientifiques. Si elle ne correspond pas à celle d’un navire identifié par l’AIS, le bateau est reconnu « suspect ». Selon Henri Weimerskirch, « on peut, grâce à ce dispositif, comparer les bateaux déclarés et ceux qui ne le sont pas. Et savoir ainsi quelle est la proportion de bateaux en pêche illégale. »
Les palangres utilisées par les bateaux de pêche constituent un danger pour les albatros. Les oiseaux attrapent les petits poissons qui servent d’appât. Ils se retrouvent accrochés et se noient. (© Wikipédia) |
Les chercheurs associés à « Ocean Sentinel » font valoir que les albatros sont parfaitement adaptés à ce type de mission ; ils couvrent de larges distances en vol et sont particulièrement attirés par les bateaux de pêche. Les170 albatros équipés de balises durant six mois ont ainsi permis de surveiller plus de 47 millions de kilomètres carrés de l’océan Austral. Les données recueillies se voulaient exclusivement estimatives. Il appartient aux autorités françaises de les utiliser, ultérieurement, à des fins répressives.
Fort du succès de la campagne « Ocean Sentinel », des programmes similaires sont en phase de test en Nouvelle-Zélande et à dans les îles Hawaï. L’expérience acquise avec les albatros des îles Crozet et Kerguelen pourrait servir pour d’autres espèces marines, comme les requins ou les tortues de mer.
Henri Weimerskirch
Naturaliste
Centre d’Études Biologiques de Chizé
79360 Beauvoir-sur-Niort
Tél. +33 (0)5 49 09 78 17
www.cebc.cnrs.fr