Des matériaux en 2D pour créer de la lumière sur mesure
Dans ce contexte, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Manchester, ont découvert une classe entière de matériaux bidimensionnels, de l’épaisseur d’un ou de quelques atomes, capables, une fois combinés, de former des structures qui permettent l’émission de lumière à la carte, c’est-à-dire de la couleur souhaitée. Cette recherche, publiée dans la revue Nature Materials, représente une étape importante vers la future industrialisation des matériaux bidimensionnels.
Vue artistique d’une jonction de différents matériaux 2D émettant de la lumière. (Photo : Xavier Ravinet) |
Les matériaux semi-conducteurs capables d’émettre de la lumière sont utilisés dans des secteurs aussi divers que les télécommunications, les dispositifs électroluminescents (LED) ou le diagnostic dans le secteur médical.
L’émission de lumière se produit lorsqu’un électron saute à l’intérieur du semi-conducteur, d’un niveau d’énergie supérieur à un niveau d’énergie inférieur. C’est ensuite la différence d’énergie qui détermine la couleur de la lumière émise.
Pour produire de la lumière, la vitesse de l’électron avant et après le saut quantique doit être exactement la même, une condition qui dépend du matériau semi-conducteur considéré. Seuls certains semi-conducteurs peuvent être utilisés pour émettre de la lumière. Le silicium par exemple, ne peut pas être employé pour fabriquer des dispositifs électroluminescents.
« Nous nous sommes alors demandé si l’on pouvait utiliser des matériaux bidimensionnels pour réaliser des structures qui émettent de la lumière ayant la couleur souhaitée », explique Alberto Morpurgo, professeur au Département de physique de la matière quantique de la Faculté des sciences de l’UNIGE.
Les matériaux bidimensionnels sont des cristaux parfaits qui, tout comme le graphène, ont l’épaisseur d’un ou de quelques atomes. Grâce à de récents progrès techniques, différents matériaux bidimensionnels peuvent être empilés les uns sur les autres pour former des structures artificielles qui se comportent comme des semi-conducteurs. L’avantage de ces « semi-conducteurs artificiels » est que les niveaux d’énergie peuvent être contrôlés en choisissant la composition chimique et l’épaisseur des matériaux formant la structure.
« Des semi-conducteurs artificiels de ce genre ont été réalisés pour la première fois il y a seulement deux ou trois ans », explique Nicolas Ubrig, chercheur dans l’équipe du professeur Morpurgo. « Lorsque les matériaux bidimensionnels ont exactement la même structure et que leurs cristaux sont parfaitement alignés, ce type de semi-conducteur artificiel peut émettre de la lumière. Mais cela est très rare », ajoute-t-il. Ces conditions sont si strictes qu’elles laissent peu de liberté pour contrôler l’émission de lumière.
Une autre vue artistique d’une jonction de deux matériaux 2D émettant de la lumière. (Photo : Nicolas Unrig) |
Un grand nombre de semi-conducteurs bidimensionnels connus ont une vitesse électronique nulle dans les niveaux d’énergie pertinents. Grâce à cette diversité de composés, de nombreux matériaux différents peuvent être combinés et chaque combinaison est un nouveau semi-conducteur artificiel émettant de la lumière d’une couleur spécifique. « Une fois que nous avons eu l’idée, il était facile de trouver les matériaux à utiliser pour la mise en œuvre », ajoute le professeur Vladimir Fal’ko de l’Université de Manchester. Les matériaux qui ont été utilisés dans la recherche comprennent différents dichalcogénures de métaux de transition, comme MoS2, MoSe2, WS2 et InSe, par exemple. D’autres matériaux possibles ont été identifiés, qui seront utiles pour élargir la gamme de couleurs de la lumière émise par ces nouveaux semi-conducteurs artificiels.
De la lumière sur mesure pour une industrialisation de masse
« Le grand avantage de ces matériaux 2D, grâce au fait qu’il n’y a plus de conditions préalables à l’émission de la lumière, est d’offrir de nouvelles stratégies pour manipuler cette lumière comme bon nous semble, avec l’énergie et la couleur que l’on souhaite avoir », poursuit Nicolas Ubrig. Cela permet d’imaginer des applications futures au niveau industriel, car cette lumière émise est robuste et il n’y a plus besoin de se préoccuper de l’alignement des atomes.
Cette collaboration entre l’UNIGE et l’Université de Manchester a eu lieu dans le cadre du projet phare européen « Graphene ».
Prof. Alberto Morpurgo
Département de physique de la matière quantique
UNIGE
Tél. 022 379 68 69
Alberto.Morpurgo@unige.ch