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22 march 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE

Des poussières d’étoile plus vieilles que le Soleil

Georges Pop

Le récent examen d’une météorite tombée en Australie en 1969 a montré la présence de poussières d’étoiles formées il y a 7 milliards d’années. Ces poussières sont ainsi devenues, aux yeux des chercheurs, la plus ancienne matière solide jamais découverte sur Terre. Leur formation est antérieure à celle du Soleil, qui est estimée à 4,6 milliards d’années. 
La météorite de Murchison est une chondrite carbonée du groupe CM2, tombée le 28 septembre 1969 près du village australien qui lui a donné son nom, à une centaine de kilomètres au nord de Melbourne. Après sa traversée dans l’atmosphère, puis son impact, plus de 100 kg de fragments avaient été retrouvés, dont le plus lourd pesait 7 kg. Leur analyse avait révélé, notamment, la présence en son sein d’acides aminés, de purines et de pyrimidines ; autant de « briques » essentielles à l’apparition de la vie, qui avaient alors contribué à sa célébrité dans le milieu scientifique.
 

Un fragment de la météorite de Murchison dans un tube à essai, lors de son analyse. (© Field Museum)

 
Les vestiges d’une supernova
On sait désormais que la composition isotopique de certains constituants de cet objet sont issus de l’agonie, puis de la mort d’une étoile massive, qui a fini son existence en supernova de type II. Dans un article publié en janvier dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), Philipp Heck, cosmochimiste, conservateur de la collection de météorites du musée Field d’histoire naturelle de Chicago, révèle être parvenu, en examinant Muchinson, à identifier les plus anciens grains présolaires connus à ce jour. Formés de carbure de silicium, ils avaient été prélevés de la météorite australienne il y a une trentaine d’années, mais leur âge précis n’avait encore jamais pu être déterminé.
Dans ses conclusions, le chercheur constate que certains de ces grains de poussière astrale sont vieux de 7 milliards d’années. Cependant, une majorité d’entre eux sont plus récents, leur âge étant estimé entre 4,6 et 4,9 milliards d’années. L’abondance de poussières datant de cette époque laisse supposer qu’il y a eu, en ce temps-là, un pic de mortalité astrale dans la Voie lactée, suivi d’un pic de formations de nouvelles étoiles.

La méthode : broyage et mesures
Pour parvenir à ce résultat, Philipp Heck rapporte qu’il s’est penché, avec son équipe, sur une trentaine d’échantillons rocheux extraits de la météorite. Il les a broyés, puis dissous dans de l’acide, afin d’isoler les grains solaires qui, eux, résistent à ce traitement. « C’est un peu comme si l’on brûlait la botte de foin pour trouver l’aiguille », écrit le chercheur dans son compte-rendu.
Les scientifiques ont ensuite mesuré l’exposition de ces grains aux particules de haute énergie des rayons cosmiques : « Certaines particules interagissent avec la matière et finissent par former de nouveaux éléments. Plus la matière est exposée aux rayons cosmiques, plus de nouveaux éléments se forment. C’est comme un seau exposé à l’eau de pluie, lors d’un orage. En supposant que les précipitations soient constantes, la quantité d’eau contenue dans le seau indiquera sa durée d’exposition. C’est ainsi qu’en mesurant la quantité de nouveaux éléments produits par les rayons cosmiques dans un grain, il est possible de savoir combien de temps il a été exposé à ces particules, puis d’en déduire son âge. »

 

Les grains de poussière trouvés sur la météorite de Murchison sont des vestiges d’une supernova de type II. (© astroengine.org)
 

Des poussières jadis présentes sur Terre
Philipp Heck relève encore qu’il faut quelque 2 milliards d’années pour que ce type de poussière se forme. Une étoile ne peut en produire qu’à la fin de sa vie. Il est certain qu’il en existait sur Terre, lors de sa formation. Le volcanisme et les chaleurs intenses ont cependant fini par détruire ces vestiges d’un astre mort. En revanche, explique-t-il, « les astéroïdes sont des roches inertes, qui n’ont pas évolué depuis leur formation dans la nébuleuse solaire. C’est cela qui a permis la découverte de ces poussières si anciennes ».
Pour l’anecdote, on peut encore noter que, lors de la pulvérisation des fragments de la météorite, le broyat a dégagé « une odeur de beurre de cacahuète pourri », selon la doctorante Jennika Greer, co-auteure du rapport. Les chercheurs attribuent ces effluves aux composés organiques présents dans la météorite. Le phénomène n’est pas inédit. En septembre 2007, une météorite s’était totalement désintégrée lors de son impact dans les Andes péruviennes. L’objet avait creusé un grand cratère qui émettait une forte odeur de choux de Bruxelles. Des policiers et des paysans, accourus sur les lieux, avaient souffert de nausées, de vomissements et de problèmes digestifs.

Philipp Heck
Professeur associé
Musée Field d’histoire naturelle de Chicago
prheck@fieldmuseum.org
Tél. +1 312 922 9410