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20 november 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2018 | Éditorial

Éditorial (11/2018)

Pourquoi aller explorer Mercure ?
Le 20 octobre dernier, la sonde européenne BepiColombo a décollé de Kourou, en Guyane, à destination de la plus petite planète du Système solaire. Elle emporte deux satellites conçus par l’Agence spatiale européenne et son homologue japonaise, pour un voyage de neuf milliards de kilomètres – alors que Mercure ne se trouve qu’à quelque 80 millions de kilomètres de la Terre. Pourquoi un si long parcours ? Afin d’éviter que la sonde fonce tête baissée dans le puits gravitationnel du Soleil et finisse dans la fournaise ! C’est pour cette raison qu’elle suivra le chemin jadis tracé par l’astronome et mathématicien italien Giuseppe Colombo (1920-1984), qui a donné son nom au projet.
L’objectif de la mission est, bien sûr, de mieux connaître la planète la plus proche de notre étoile, mais aussi l’une des moins explorées. Pourquoi possède-t-elle une magnétosphère, qu’est-ce qui explique la présence de cette atmosphère ténue, des glaces détectées dans certains cratères, comment la planète, qui se serait formée au-delà de Mars, a-t-elle migré ? C’est notamment pour répondre à ces questions que les ingénieurs ont dû concevoir des panneaux solaires résistant à des centaines de degrés, ainsi que des refroidisseurs hors normes destinés à évacuer la chaleur des deux satellites qui orbiteront autour d’un astre dont la température oscille entre -180 et 430 °C.
Mais pourquoi dépenser 1,6 milliards d’euros pour aller visiter un monde aussi inhospitalier ? J’en vois trois raisons. La curiosité d’abord. Car la curiosité est dans la nature humaine. D’Alexandre le Grand à Neil Armstrong, en passant par Marco Polo, Christophe Colomb, Vasco de Gama ou Roald Amundsen, l’homme a constamment cherché à aller plus loin, à prospecter des terres inconnues. Et il en sera toujours ainsi.
Ensuite, pour faire progresser la science et les technologies. Depuis le lancement de Spoutnik 1 il y a 61 ans, l’exploration spatiale a eu des retombées gigantesques. Le téléphone portable, la géolocalisation, une météo toujours plus précise, les télécommunications, les panneaux solaires, les nouveaux matériaux résistant à des environnements hostiles, la surveillance de la pollution et des changements climatiques, la connaissance du corps humain dans des conditions extrêmes, n’en sont que quelques-unes. Contrairement à ce qu’en pensent les esprits chagrins, l’exploration spatiale est un domaine particulièrement rentable. Selon les estimations du CNES, un euro investi dans l’espace rapporte 20 euros en retombées économiques.
Enfin, comme il est de plus en plus évident qu’Homo sapiens est incapable de conserver sur Terre, un environnement qui lui permettra de se perpétuer au cours des générations futures, viendra inévitablement le moment où il devra chercher sa survie ailleurs que sur la ­Planète bleue.
 
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par Michel Giannoni