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25 february 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE 02/2020 | Éditorial

Éditorial (2/2020)

L’ADN, futur centre de données pour l’humanité
Avec l’essor de l’Internet des objets, de l’informatique en nuage et du commerce électronique, le volume des données générées par l’humanité est colossal – et sa progression exponentielle. Selon certaines sources, il pourrait atteindre 175 zettaoctets (175 x 1021 octets) en 2025, alors qu’il n’était « que » de 33 zettaoctets en 2018. Pour le traiter, les centres de données consomment énormément d’énergie, affichant une empreinte carbone considérable. Aux États-Unis, ils représentent 2 % de la consommation totale d’électricité.
Face à ces défis, il est urgent de trouver de nouvelles solutions pour le stockage de ces informations ; et depuis peu, les recherches s’orientent vers l’ADN. Car cette macromolécule contient des dizaines de milliers de gènes, déterminant chacune de nos caractéristiques, comme notre physionomie ou notre personnalité. Elle est l’équivalent naturel des disques durs et autres serveurs.
Le stockage dans l’ADN consiste à encoder des données binaires et à les convertir en données quaternaires – les lettres A, C, G, T, représentant les quatre principaux composants de l’ADN, les bases nucléiques adénine, cytosine, guanine et thymine. Il faut ensuite synthétiser des molécules d’ADN appropriées, puis, pour récupérer les données, décoder la séquence A, C, G, T pour retrouver celle d’origine, composée des bits 0 et 1.
Selon les experts, un système basé sur l’ADN pourrait sauvegarder un milliard de fois plus d’informations que les équipements électroniques traditionnels. En effet, un gramme d’ADN permettrait de stocker 215 pétaoctets (215 x 1015 octets) de données. On pourrait donc sauvegarder toutes les données créées par l’humanité dans le coffre d’une voiture ! Et autre avantage, l’ADN peut les conserver en parfait état pendant des centaines de milliers d’années, comme le prouvent les découvertes paléontologiques.
Dans ce contexte, la société de biotechnologie française DNA Script, spécialisée dans la synthèse d’ADN, vient de recevoir un financement du gouvernement des États-Unis pour mettre au point une technologie de stockage des données dans cette molécule. En partenariat avec des chercheurs du Massachusetts Institute of ­Technology, de l’université Harvard et de la société Illumina Inc. à San Diego, un spécialiste du séquençage et du génotypage, elle dispose de quatre ans pour développer une machine capable d’encoder dans une molécule d’ADN, un téraoctet (1012 octets) de données, pour une dépense maximale de mille dollars. Car à l’heure actuelle, les coûts élevés et des temps de traitement qui peuvent s’avérer très longs, sont les principaux points faibles de cette technologie.
Il faudra donc attendre encore quelques années pour que les premiers supports de stockage reposant sur la molécule qui transmet l’information génétique héréditaire, soient commercialisés. Pour des applications grand public, il faudrait compter quinze à vingt ans.
 
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par Michel Giannoni