25 march 2020 |
La Revue POLYTECHNIQUE 03/2020 |
Éditorial
Éditorial (3/2020)
L’hydrogène est aussi un métal
Rien d’étonnant à cela, pourrait-on dire, puisqu’il figure comme premier élément de la colonne IA du tableau périodique, celle des métaux alcalins. Et pourtant, en raison de ses propriétés chimiques, notamment de son aptitude à former des liaisons covalentes, l’hydrogène a toujours été considéré comme un non-métal.
Bien que son existence ait été prédite en 1935 par le physicien hongrois Eugene Wigner, l’hydrogène métallique n’avait jusqu’à ce jour, malgré plusieurs tentatives et bien des controverses, jamais pu être produit en laboratoire, ceci en raison des énormes pressions nécessaires à sa formation. Ce serait aujourd’hui chose faite, comme l’affirme une étude des physiciens Paul Dumas du synchrotron Soleil, Paul Loubeyre et Florent Occelli du CEA, publiée dans la revue Nature.
Il a fallu pour y parvenir, comme le prévoient les simulations numériques, soumettre d’abord ce gaz à la pression gigantesque de 450 GPa, soit 4,5 millions de fois la pression atmosphérique. Or, les meilleurs dispositifs utilisés – notamment les cellules à enclume servant à la synthèse du diamant – ne pouvaient jusqu’alors atteindre que 400 GPa. Au-delà de cette valeur, les contraintes mécaniques sont telles que le cristal se brise. Pour réussir à dépasser ce seuil, Paul Loubeyre a sculpté une pointe de diamant à l’aide d’une technique d’usinage par faisceaux d’ions focalisés, ce qui lui a permis d’atteindre des pressions de l’ordre de 600 GPa.
Mais il fallait encore prouver que l’hydrogène se métallise réellement, c’est-à-dire que sa structure prend la forme d’une sorte de treillis dans lequel les électrons se déplacent librement. À cet effet, les physiciens ont mesuré son spectre d’absorption dans l’infrarouge, en utilisant le rayonnement synchrotron de l’accélérateur Soleil. Et ils ont constaté qu’au-delà de 425 GPa, l’hydrogène devient opaque, ce qui prouve qu’il est bien devenu un métal. En diminuant la pression, il retrouve alors ses propriétés d’origine.
Mais pourquoi, outre d’en faire une curiosité de laboratoire, vouloir « métalliser » l’hydrogène ? D’une part, une meilleure compréhension de son comportement dans des conditions extrêmes pourrait contribuer à accroître le rendement du procédé de fusion nucléaire du réacteur ITER. D’autre part, et c’est un nouveau défi pour les chercheurs, la théorie prévoit l’existence d’une forme d’hydrogène métallique métastable, qui ne retournerait que difficilement à son état normal lorsqu’il est décompressé, ce qui ouvrirait des perspectives extraordinaires en vue d’une utilisation industrielle. Enfin, l’hydrogène métallique pourrait être employé comme carburant. Neuf fois plus dense que dans sa forme normale, il pourrait produire une énergie considérable et serait cinq fois plus efficace que le mélange d’hydrogène et d’oxygène liquides qu’utilisait la navette spatiale.
Rien d’étonnant à cela, pourrait-on dire, puisqu’il figure comme premier élément de la colonne IA du tableau périodique, celle des métaux alcalins. Et pourtant, en raison de ses propriétés chimiques, notamment de son aptitude à former des liaisons covalentes, l’hydrogène a toujours été considéré comme un non-métal.
Bien que son existence ait été prédite en 1935 par le physicien hongrois Eugene Wigner, l’hydrogène métallique n’avait jusqu’à ce jour, malgré plusieurs tentatives et bien des controverses, jamais pu être produit en laboratoire, ceci en raison des énormes pressions nécessaires à sa formation. Ce serait aujourd’hui chose faite, comme l’affirme une étude des physiciens Paul Dumas du synchrotron Soleil, Paul Loubeyre et Florent Occelli du CEA, publiée dans la revue Nature.
Il a fallu pour y parvenir, comme le prévoient les simulations numériques, soumettre d’abord ce gaz à la pression gigantesque de 450 GPa, soit 4,5 millions de fois la pression atmosphérique. Or, les meilleurs dispositifs utilisés – notamment les cellules à enclume servant à la synthèse du diamant – ne pouvaient jusqu’alors atteindre que 400 GPa. Au-delà de cette valeur, les contraintes mécaniques sont telles que le cristal se brise. Pour réussir à dépasser ce seuil, Paul Loubeyre a sculpté une pointe de diamant à l’aide d’une technique d’usinage par faisceaux d’ions focalisés, ce qui lui a permis d’atteindre des pressions de l’ordre de 600 GPa.
Mais il fallait encore prouver que l’hydrogène se métallise réellement, c’est-à-dire que sa structure prend la forme d’une sorte de treillis dans lequel les électrons se déplacent librement. À cet effet, les physiciens ont mesuré son spectre d’absorption dans l’infrarouge, en utilisant le rayonnement synchrotron de l’accélérateur Soleil. Et ils ont constaté qu’au-delà de 425 GPa, l’hydrogène devient opaque, ce qui prouve qu’il est bien devenu un métal. En diminuant la pression, il retrouve alors ses propriétés d’origine.
Mais pourquoi, outre d’en faire une curiosité de laboratoire, vouloir « métalliser » l’hydrogène ? D’une part, une meilleure compréhension de son comportement dans des conditions extrêmes pourrait contribuer à accroître le rendement du procédé de fusion nucléaire du réacteur ITER. D’autre part, et c’est un nouveau défi pour les chercheurs, la théorie prévoit l’existence d’une forme d’hydrogène métallique métastable, qui ne retournerait que difficilement à son état normal lorsqu’il est décompressé, ce qui ouvrirait des perspectives extraordinaires en vue d’une utilisation industrielle. Enfin, l’hydrogène métallique pourrait être employé comme carburant. Neuf fois plus dense que dans sa forme normale, il pourrait produire une énergie considérable et serait cinq fois plus efficace que le mélange d’hydrogène et d’oxygène liquides qu’utilisait la navette spatiale.

par Michel Giannoni