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25 october 2018 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (10/2018)

Une constante qui donne du fil à retordre !
Parmi la cinquantaine de constantes physiques qui régissent la marche de l’Univers, les trois principales, appelées «constantes fondamentales», sont la vitesse de la lumière, la constante de Planck et la constante de gravitation. Cette dernière, nommée aussi «grand G», est la constante de proportionnalité de la loi universelle de la gravitation de Newton. Cette loi, qu’on apprend à connaitre au cours des premières leçons de physique, explique pourquoi la pomme tombe de l’arbre ou les Australiens n’ont pas la tête en bas ! Sa valeur oscille, selon les mesures, entre 6,67 et 6,72 x 10-11 m3kg-1s-2. Il ne faut pas la confondre avec «petit g», la valeur de l’accélération terrestre, plus connue, qui vaut 9,81 m/s2 et se calcule à partir de la loi de la gravitation, alors que grand G, quant à elle, ne peut être que mesurée.
Et c’est là que le bât blesse ! La constante de gravitation a toujours été difficile à évaluer. Cette grandeur, qui permet de calculer l’une des forces les plus élémentaires, à savoir l’interaction entre deux masses en fonction de leur distance, est en fait la plus mal connue des constantes fondamentales. Car les mesures effectuées à différents endroits de la planète donnent des valeurs très disparates, bien supérieures aux incertitudes des mesures.
C’est pour tenter de résoudre ce problème, qu’une équipe chinoise des universités Huazhong, à Wuhan et Sun Yat-sen, à Zuhai, a répété récemment des mesures effectuées en 2009, mais cette fois au moyen de deux instruments indépendants, dans deux salles distinctes et selon deux techniques différentes. Leurs résultats ont été publiés dans la revue �Nature le 29 août dernier.
Avec ces nouvelles tentatives, les chercheurs ont pu améliorer la précision de leurs mesures de près de 15 %, mais elles donnent toujours des valeurs variables – nonobstant les marges d’erreur –, différentes elles aussi des résultats de 2009. Par ailleurs, des mesures effectuées en 2013 au Bureau international des poids et mesures à Sèvres, ne fournissent pas de meilleurs chiffres.
Ces écarts bien mystérieux pourraient être expliqués par la difficulté de la tâche, car la force de gravitation est extrêmement faible. En effet, l’attraction entre deux masses de 1 kg distantes de 1 m, exprimée en newtons, est égale à G, c’est-à-dire qu’elle est quasi imperceptible; impossible en effet, de voir s’attirer les deux pommes posées dans la corbeille à fruits !
Pour mesurer des forces aussi faibles, il faut donc une très grande précision et d’énormes précautions pour éviter tout effet parasite. Ainsi, la présence même des expérimentateurs, le passage d’une voiture ou la proximité d’un cours d’eau peuvent perturber les mesures. Les physiciens sont donc encore loin d’avoir déterminé avec la précision souhaitée, la valeur de la constante qui nous est la plus familière.
 
par Michel Giannoni