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25 february 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (2/2013)

Le mercure et le bisphénol A mis au pilori
Deux substances ont subi, ces derniers mois, les foudres du législateur: le mercure au plan mondial, le bisphénol A chez nos voisins.
Le 19 janvier, la première convention internationale sur le mercurea été adoptée à Genève par les délégués de 140 pays.Elle devrait permettre de réduire la production et l’utilisation du «vif argent»et même d’aboutir à la suppression pure et simple de son extraction, dans un délai de 15 ans.
Seul élément chimique liquide avec le brome, ce métal, qui a la particularité de posséder 38 isotopes, s'accumule dans l’organisme, où il attaque les reins, le cerveau et le système nerveux. Ses vapeurs et ses composés organiques - le méthylmercure notamment, qui se concentre dans la chair des poissons - sont particulièrement dangereux.
Quelque 3000 tonnes de mercure sont utilisées tous les ans pour l’extraction de l’or, la synthèse du chlore et de la soude caustique. Les centrales à charbon, deuxième source mondiale d’émissions de vapeurs mercurielles, en dégagent annuellement plus de 500 tonnes. Quant aux réserves mondiales de ce métal, elles sont estimées à 600'000 tonnes.
Les délégués à la convention ont également adopté une liste de produits contenant du mercure, devant être supprimés en 2020 au plus tard. Celle-ci comprend notamment des piles, ampoules basse consommation, instruments de mesure, pesticides et produits cosmétiques. L’accord entrera en vigueur lorsque cinquante Etats au moins l’auront ratifié. Ils pourront le signer en octobre 2013 à Minamata, en hommage aux habitants de cette ville japonaise touchés par une très grave contamination ayant fait des milliers de victimes, due aux rejets d'oxyde de mercure utilisé comme catalyseur dans la synthèse de l'acétaldéhyde.
Le 13 décembre dernier, le Parlement français a voté une proposition de loi interdisant le bisphénol A dans les contenants alimentaires, dès 2013 pour ceux destinés aux bébés et début 2015 pour les autres.A l’appui de cette décision, figurent les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CEA et de l’université Paris-Diderot, qui ont démontré pour la première fois en laboratoire, les méfaits du bisphénol A sur la reproduction masculine humaine. Leur étude prouve que de très faibles doses déjà, de l’ordre de celles rencontrées dans la population en général, entraînent des altérations du développement des organes sexuels, en inhibant la production de testostérone.
Les chercheurs ont remarqué que la sensibilité de l’espèce humaine au bisphénol A est environ trente fois supérieure à celle des rongeurs utilisés dans les tests toxicologiques. Ils considèrent que ce perturbateur endocrinien n’est pas étranger au doublement des cas de cancer testiculaire constatés au cours de ces trente dernières années, ainsi qu’à la chute de 30 % de la production spermatique observée entre 1989 et 2005. En Suisse, les autorités sont encore en train d’y réfléchir…
 
Par Michel Giannoni