25 february 2016 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Éditorial (2/2016)
La neuvième planète
Nos connaissances des objets qui constituent le Système solaire ne cessent de s’enrichir. Au-delà des huit planètes que des sondes spatiales ont déjà visitées, la ceinture de Kuiper, située à une distance de 40 à 150 unités astronomiques (UA)1, est composée de milliers de petits corps et d’au moins trois planètes naines, dont Pluton. À des distances encore plus lointaines, le nuage d’Oort est un ensemble de milliards d’objets orbitant entre 20’000 et plus de 100’000 UA.
Pour compléter cet inventaire, deux chercheurs du California Institute of Technology (Caltech), Chad Trujillo et Scott Sheppard estiment, d’après leurs calculs, que la présence d’une planète géante encore inconnue, expliquerait des incohérences récemment constatées dans le Système solaire. En effet, certains astres de la ceinture de Kuiper ont des orbites anormales, présentant des configurations problématiques. Or, une planète d’une masse dix fois supérieure à celle de la Terre, expliquerait ces étranges comportements. Son périhélie serait d’une centaine d’unités astronomiques et son aphélie d’un millier d’UA. Elle mettrait dix à vingt mille ans pour faire le tour du Soleil.
Simple spéculation ? Souvenons-nous, c’est en constatant, par le calcul, des anomalies de l’orbite d’Uranus, qu’Urbain Le Verrier postula l’existence de Neptune, qui fut ensuite découverte par Johann Galle en 1846. De la même manière, Clyde William Tombaughdécouvrit Pluton en 1930, en recherchant un corps céleste permettant d’expliquer les perturbations orbitales de Neptune, que Percival Lowell avait constatées au début du XXe siècle.
L’hypothèse d’une planète inconnue n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’astronomie. L’existence d’un astre hypothétique, formant avec le Soleilun système binaire, a été proposée en 1984 par Richard Muller, de l’université de Berkeley. Son nom, Némésis est tiré de la mythologie grecque. Cette étoile aurait permis d’expliquer les extinctions de masse, qui surviendraient tous les 27 millions d’années. Némésis perturberait l’orbite d’objets du nuage d’Oort et les placerait sur une trajectoire de collision avec la Terre. Toutefois, des données géologiques et astronomiques récentes invalident cette théorie.
Avec Nibiru, «planète de la fin du monde», la légende remonte à l’astrologiebabylonienne. Ce fantasme a été repris par les mouvements New Age, qui associent les différentes ères au passage de Nibiru près de la Terre. Des hurluberlus affirment même qu’elle dévastera notre planète à la fin février 2016. J’espère que ce ne sera pas avant la parution de ces lignes !
La découverte des chercheurs du Caltech va-t-elle relancer la traque d’une nouvelle planète ? Bien que leurs arguments soient convaincants, seule une observation directe permettra de vérifier leur hypothèse. Aussi les chercheurs vont-ils braquer leurs télescopes vers cette éventuelle inconnue.

par Michel Giannoni
1 L’unité astronomique (UA) est basée sur la distance Terre-Soleil. Elle vaut 149’597’870,700 km. Une année-lumière est égale à 63’241 UA.