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25 april 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (4/2019)

Le sixième sens dévoilerait ses secrets
Le sixième sens se réfère à des perceptions extrasensorielles, ne provenant pas des cinq sens physiologiques que sont le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue et le toucher. Jusqu’à présent, on l’assimilait à une intuition de nature irrationnelle, ressentie spontanément, davantage développée chez les femmes que chez les hommes. Pour certains neuroscientifiques, des informations sensorielles seraient captées par notre cerveau à un niveau inconscient.
Par ailleurs, de nombreux animaux sont sensibles au champ magnétique, qu’ils utilisent pour s’orienter ou pour migrer. C’est le cas des pigeons, des tortues, des cerfs ou des chiens, ou encore de certaines bactéries. Bien qu’ayant fait l’objet de plusieurs études, ce sixième sens, appelé «magnétoréception», n’avait jusqu’alors jamais été documenté chez l’être humain.
Or, une équipe de l’Institut de technologie de Californie (Caltech), menée par le géophysicien Joseph Kirschvink, vient de démontrer, dans une étude parue le 18 mars dans la revue eNeuro, que l’activité cérébrale de l’homme varie sous l’effet d’une rotation du champ magnétique.
Pour ce faire, les chercheurs ont placé une trentaine de personnes dans une pièce de deux mètres de côté, dont les parois étaient parcourues par des fils électriques, afin de générer des champs magnétiques de faible intensité. Il s’agissait d’isoler les participants dans une cage de Faraday, les soustrayant à toute activité électromagnétique extérieure.
Les chercheurs ont ensuite mesuré la fréquence de l’activité électrique du cerveau. Quand une personne ferme les yeux et se détend, par exemple, les oscillations de son cerveau – les ondes alpha– passent de 7,5 à 12,5 Hz. Les expérimentateurs ont alors créé un champ magnétique variable à l’intérieur de la pièce. Et ils ont noté chez certaines personnes qui n’avaient rien remarqué de manière consciente, que l’amplitude de ces ondes chutait quand le champ magnétique changeait de sens, comme si leur cerveau détectait un stimulus. L’expérience a été effectuée au moyen d’un champ magnétique imitant celui de la Terre, d’une intensité de 35 µT, orienté de 60° vers le bas, comme celui existant en Californie.
Pendant une heure, les participants ont subi une série de modifications aléatoires du champ magnétique. Un casque d’électroencéphalographie enregistrait les réactions de leur cerveau. Les chercheurs ont alors constaté que lorsque le champ tournait du nord au sud – comme si l’on changeait d’hémisphère –, un tiers des cerveaux présentaient une baisse de l’activité des ondes alpha. Ce phénomène pourrait s’expliquer par des travaux de ­Joseph ­Kirschvink datant de 1992, mentionnant la découverte de petits cristaux de magnétite dans le cerveau humain, tout comme il en existe dans le bec des pigeons.
Si ces résultats sont confirmés, il s’agirait d’une première, qui montrerait que notre cerveau et celui des animaux ne sont pas aussi éloignés qu’on pourrait le penser.
 
par Michel Giannoni