26 may 2017 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Éditorial (5/2017)
Les sondages, ces mal-aimés
Dans le contexte de l’élection présidentielle de notre grand voisin, on aura vraiment entendu tout et n’importe quoi concernant les sondages. «Les sondages se sont trompés, ils sont faux, on ne peut pas leur faire confiance… la preuve: ils n’avaient prévu ni l’élection de Donald Trump, ni le Brexit !». Et de tels propos, on ne les tient pas qu’au Café du Commerce. J’ai même entendu dire que si les résultats sont conformes aux sondages, c’est par pur hasard !
Eh bien non, les sondages ne se trompent pas ! Parce que les sondages ne sont pas une prévision. Ils sont une technique de mesure instantanée d’un échantillon choisi de la population. En d’autres termes, il s’agit d’une photographie à un instant «t» et non pas d’une vidéo portant sur la durée. On ne va tout de même pas dire d’un photographe qu’il s’est trompé parce que le paysage qu’il a photographié a changé la semaine suivante !
Les instituts de sondages utilisent des méthodes basées sur la statistique, une branche des mathématiques qui consiste à analyser des données et à les traiter pour les rendre compréhensibles par le grand public, ainsi que par différents acteurs qui les utilisent – parfois abusivement – comme composante d’aide à la décision. La statistique a donc pour tâche d’extraire des informations pertinentes d’une liste d’éléments difficiles à interpréter (les opinions, dans le cadre des sondages).
La statistique – et donc les sondages d’opinion – sont indissociables de certains paramètres tels que dispersion, variance, écart-type, médiane, variables aléatoires, intervalle de confiance, courbe de Gauss, etc. Si ces notions plutôt absconses sont familières aux spécialistes, il en est une que tout le monde comprend et qui est souvent occultée: celle d’erreur relative.
En effet, toute mesure, si elle veut être rigoureuse, doit être accompagnée d’une marge d’erreur. Si, par exemple, la distance mesurée entre deux points est de 2,5 m et que l’on n’indique pas de marge d’erreur, on ignore si elle est réellement comprise entre 2,49 et 2,51 m, entre 2,495 et 2,505 m ou entre 2,499 et 2,501 m, c’est-à-dire si l’erreur relative est de 4 ‰, ± 2 ‰ ou ± 0,4 ‰.
La marge d’erreur est la variation que peuvent présenter les résultats si l’on refait l’enquête. Elle est définie par l’intervalle de confiance, qui mesure le degré de précision que l’on a sur les estimations. C’est ce que l’on appelle plus prosaïquement le pourcentage d’erreur. D’une manière générale, on l’évalue, en fonction des valeurs des paramètres précités, à ± 2 à ± 5 % dans les sondages d’opinions précédant une élection. Et c’est cela que l’on peut reprocher aux instituts de sondages: ils n’indiquent pas de marge d’erreur, d’où les critiques concernant les enquêtes effectués avant le Brexit et l’élection américaine, critiques infondées car les résultats se trouvaient bien dans l’intervalle de confiance.

par Michel Giannoni