Subscriptions
for enrichment
24 august 2012 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (8/2012)

La confirmation du modèle standard
«Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?», s’interrogeait Leibnitz. La découverte tant attendue de la particule dispensatrice de masse pourrait bien apporter un élément de réponse au questionnement philosophique du mathématicien allemand. Certes, les scientifiques restent prudents, le grand collisionneur de hadrons a révélé l’existence d’une particule possédant toutes les caractéristiques du boson traqué depuis près d’un demi-siècle, mais ils n’osent à peine l’appeler par son nom. Et pourtant. Aucune voix discordante n’a été entendue dans la communauté scientifique. La découverte faite dans le plus grand laboratoire de physique des particules du monde sera certainement l’une des plus importantes du XXIe siècle. Elle a lieu cent ans après l’énoncé de la théorie de la relativité, ce monument de la physique qui a permis de prédire l’expansion de l’Univers, les ondes gravitationnelles ou encore les trous noirs.
Cette découverte est une nouvelle illustration de la puissance de la pensée scientifique qui, au-travers des siècles, a réussi à construire des théories basées sur l’observation, le raisonnement et le calcul, et qui ont permis de prédire des événements bien avant leur découverte. C’est ainsi que, grâce à la loi de la gravitation universelle énoncée par Newton en 1687, l’astronome français Alexis Bouvard a pu prévoir l’existence et la position de Neptune, en constatant des perturbations inexpliquées de l’orbite d’Uranus. En 1846, l’astronome allemand Johann Gottfried Galle observa la dernière planète du Système solaire, 25 après la prédiction de Bouvard.
Il en va de même de la découverte du neutrino. Son existence a été postulée en 1930 par Wolfgang Pauli pour expliquer la désintégration bêta, qui ne semblait pas respecter les lois de conservation de l’énergie. Elle fut confirmée expérimentalement - 25 ans plus tard, elle aussi - par les physiciens américains Frederick Reines et Clyde Cowan, au cours d’une réaction nucléaire. Les exemples sont multiples, l’histoire du proton, du neutron, de l’électron ou du quark relevant également d’hypothèses précédant une preuve expérimentale.
Au-delà de l’enthousiasme suscité par l’évènement, la découverte du boson de Higgs est avant tout une confirmation du modèle standard de la physique, qui décrit les interactions et les particules élémentaires constituant la matière, et dont toutes les prédictions ont désormais été vérifiées. Que reste-t-il donc à découvrir? Si le modèle standard a trouvé sa cohérence, il n’explique pas tout. L’astrophysique a encore bien des problèmes à résoudre. Elle est à la recherche d’autres particules, qui pourraient nous révéler la nature de la matière sombre assurant la cohésion des galaxies, mais dont on ignore tout. Quant à l’énergie noire responsable de l’expansion accélérée de l’Univers, elle reste encore un profond mystère.
par Michel Giannoni