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26 september 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE

Éditorial (9/2016)

Deux découvertes majeures en physique des particules
Lors de la XXVIIe Conférence annuelle Neutrino qui s’est tenue à Londres du 4 au 9 juillet, deux collaborations internationales ont dévoilé des informations majeures sur le neutrino, cette particule mystérieuse qui pourrait expliquer bien des énigmes de l’Univers.
Insensible à la force électromagnétique, à l’interaction forte et à la gravité, le neutrino – la plus légère des particules élémentaires – n’est affecté que par l’interaction faible, si bien qu’il ne réagit que très peu avec la matière. Les neutrinos sont donc particulièrement difficiles à détecter, même si des dizaines de milliards d’entre eux traversent chaque seconde notre corps. Ces particules fantômes, réparties en trois familles, ont l’étonnante capacité de passer de l’une à l’autre en oscillant, comme l’ont démontré Arthur B. McDonald et Takaaki Kajita, prix Nobel de physique 2015.
Pour expliquer certaines anomalies constatées dans leurs expériences, les physiciens eurent recours, dans les années 1990, à une quatrième famille – les neutrinos stériles –, qui n’interagiraient pas du tout avec la matière. Or, l’équipe américaine d’IceCube, le détecteur qui tente de capter au fond des glaces du pôle Sud, des flux de neutrinos provenant des régions le plus éloignées de l’Univers, vient formellement d’exclure l’existence de neutrinos stériles. Aux États-Unis, l’expérience MINOS (Main Injector Neutrino Oscillation Search) du Fermilab a confirmé cette absence. Néanmoins, certaines recherches effectuées près de réacteurs nucléaires – qui sont également des sources intenses de neutrinos –, ainsi que la collaboration SHIP (Search for Hidden Particles) au CERN, ont révélé des anomalies qui pourraient être expliquées par l’existence de neutrinos stériles.
Une autre nouvelle d’importance a été dévoilée lors de la conférence de Londres. Les chercheurs de l’expérience T2K (Tokai to Kamioka) au Japon, ainsi que les Américains de l’expérience NOvA du Fermilab – une collaboration réunissant plus de 200 scientifiques de 38 institutions – auraient constaté un écart dans le comportement d’un neutrino et de son antiparticule. Cet écart pourrait révéler des différences autres que la charge, entre particules et antiparticules, contrairement à ce que prévoit la théorie. Cette découverte apporterait une explication à l’un des grands mystères de l’Univers, à savoir pourquoi l’antimatière, produite lors du Big Bang dans la même proportion que la matière, a complètement disparu.
Toutefois, les indices relevés par les expériences japonaise et américaines, ainsi que ceux rapportés par l’équipe d’IceCube, ne sont pas statistiquement significatifs. La nature de la relation entre neutrino et antineutrino fait encore débat. Selon certaines théories, il s’agirait de deux entités différentes, selon d’autres, d’une seule et même particule. Les neutrinos sont donc encore loin d’avoir révélé tous leurs secrets.
 
par Michel Giannoni