24 march 2017 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Espace & Particules (3/2017)
L’année des trous noirs
L’année 2017 sera celle des trous noirs. En effet, dans les mois à venir, les astronomes devraient pouvoir observer le présumé trou noir situé au centre de la Voie lactée. Ceci à l’aide de deux nouveaux instruments, qui devraient permettre de photographier Sagittarius A* (Sgr A*), le trou noir supermassif qui trône au centre de notre galaxie, à 27’000 années-lumière de la Terre.
Pour ce faire, les astronomes misent sur l’interférométrie, une technique qui consiste à mettre en réseau plusieurs télescopes afin d’obtenir la sensibilité qu’aurait un gigantesque instrument impossible à construire. Ainsi, Gravity, conçu par des astronomes européens pour le VLT (Very Large Telescope, sis au Chili), associe des faisceaux de lumière en provenance de chacune de quatre coupoles de 8,2 m de diamètre, pour créer une image correspondant à celle d’un télescope virtuel de 200 m de diamètre. Gravity observera l’environnement immédiat de Sgr A*, avec notamment pour objectif de comprendre quel phénomène est à l’origine de ses sursauts lumineux réguliers, probablement liés au disque de gaz en rotation autour du trou noir.
L’Event Horizon Telescope (EHT), quant à lui, est constitué d’un ensemble de sept télescopes répartis sur toute la planète. Dès ce printemps, il devrait prendre un cliché de Sgr A*, ou plutôt de ses contours, définis par l’horizon des événements, zone au-delà de laquelle aucune information ne peut s’échapper.
Les astrophysiciens attendent aussi de ces deux instruments qu’ils confirment – ou infirment – l’existence même de Sagittarius A*. En effet, les trous noirs prédits par la relativité générale ont une forme bien précise et produisent, via la lumière qui gravite alentour, des signaux très caractéristiques.
L’effet répulsif du vide
Dans une nouvelle cartographie publiée le 1er février dernier dans la revue Nature Astronomy, le groupe de recherche Cosmic Flows, animé par l’astrophysicienne Hélène Courtois, fournit une explication supplémentaire au mouvement des galaxies dans l’Univers proche. Ce mouvement ne résulterait pas seulement de l’attraction gravitationnelle exercée par une région de forte densité, mais également de l’effet répulsif d’une région de faible densité.
Initialement expliqué par l’effet du grand attracteur, une zone d’une demi-douzaine d’amas riches en galaxies, situé à 150 millions d’années-lumière, ce mouvement fut ensuite attribué à l’amas de Shapley situé au-delà, à 600 millions d’années-lumière. Selon ces nouveaux résultats, le déplacement des galaxies résulterait de l’effet conjugué de la concentration de l’amas de Shapley et de la région répulsive nouvellement identifiée. Le vide compterait donc autant que le plein dans le mouvement de la Voie lactée et de ses voisines.
L’énergie sombre serait plus forte que prévu
Une équipe internationale dont font partie Frédéric Courbin et Vivien Bonvin de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, a mis au point une nouvelle méthode de mesure de l’expansion de l’Univers – méthode dite des délais temporels –, selon laquelle sa vitesse d’expansion serait de 6 % plus rapide que ce que pensaient les astrophysiciens. Cette découverte suggère que l’énergie sombre serait plus puissante que prévu. De nature toujours inconnue, l’énergie sombre, contrairement à la gravitation, a pour propriété d’éloigner les corps célestes les uns des autres, expliquant ainsi l’expansion accélérée de l’Univers.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs de la collaboration Holicow ont observé des quasars à l’aide de treize télescopes, dont le télescope spatial Hubble et le télescope suisse Leonhard Euler situé au Chili. Cette découverte apporte de l’eau au moulin du scénario de fin de l’Univers connu sous le nom de «Big Rip» (grande déchirure), selon lequel, dans quelque 22 milliards d’années, toutes les structures, des amas de galaxies jusqu’aux atomes, seront «déchirées» et donc détruites par une expansion de plus en plus violente, laissant un Univers totalement vide.
Une nouvelle confirmation du modèle standard
À l’occasion d’un séminaire qui a eu lieu au CERN, la collaboration LHCb a présenté un résultat exceptionnel pour une désintégration très rare de la particule appelée BS0. Cette observation confirme une nouvelle fois le modèle standard de la physique des particules, lequel, dans la mesure des connaissances actuelles, explique mieux que toutes les autres théories, le comportement des particules fondamentales de l’Univers.
La collaboration LHCb a rapporté l’observation de la désintégration du méson BS0– une particule lourde formée d’un antiquark b et d’un quark s – en deux muons. Cette désintégration est la plus rare jamais observée pour cette particule. D’après les prédictions théoriques, elle devrait avoir lieu environ trois fois sur un milliard de collisions.
La désintégration du méson BS0est considérée depuis longtemps comme un endroit très prometteur pour chercher des failles dans l’armure du modèle standard; en effet, si cette théorie constitue la meilleure description disponible du monde subatomique, elle laisse néanmoins plusieurs questions sans réponse. Par conséquent, les physiciens ont proposé, au fil du temps, diverses alternatives et théories complémentaires. Plusieurs des théories qui imaginent des extensions du modèle standard dans la nouvelle physique, comme la supersymétrie, par exemple, prédisent des valeurs sensiblement plus élevées pour la probabilité de cette désintégration du méson BS0. Par conséquent, l’observation d’un écart significatif par rapport à la valeur prédite par le modèle standard impliquerait la présence d’une nouvelle physique, encore inconnue.
La valeur expérimentale mesurée par la collaboration LHCb pour cette probabilité montre une excellente correspondance avec la valeur prédite par la théorie, et le résultat est confirmé à un niveau de fiabilité très élevé, 7,8 déviations standard; cela signifie que ce résultat est fiable et n’est pas dû au hasard. La collaboration LHCb a obtenu le premier indice de ce phénomène en novembre 2012, avec une signification statistique de 3,5 déviations standard. Trois ans plus tard, en mai 2015, LHCb a obtenu, en travaillant avec la collaboration CMS, la première observation confirmée, avec une signification statistique de 6,2 déviations standard.
Cette nouvelle observation limite la marge de manœuvre pour les autres théories sur la physique au-delà du modèle standard. Toutes les théories candidates devront prouver qu’elles sont compatibles avec cet important résultat.