30 may 2018 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Espace & Particules (5/2018)
Une carte en 3D de notre galaxie
Le satellite européen Gaia, qui scrute les sources lumineuses de la Voie lactée depuis son poste d’observation situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, a livré sa deuxième moisson de données, d’une ampleur sans précédent. Elle concerne 1,69 milliard de sources – des étoiles pour la plupart – et permet de dessiner une véritable carte animée en 3D de la galaxie.
Cette mission de l’Agence spatiale européenne, à laquelle participe l’Université de Genève (UNIGE), a été lancée en fin 2013 dans le but de cartographier la Voie lactée et de déterminer la position, le mouvement et la distance des étoiles qui s’y trouvent, ainsi que leurs propriétés physiques et la variabilité intrinsèque de lumière. Un demi-millier de scientifiques et d’ingénieurs répartis sur tout le continent européen collaborent à ce projet. En répertoriant des étoiles jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’années-lumière de nous, il offre une cartographie précise d’une grande partie de notre galaxie, en répertoriant pour chaque étoile des caractéristiques telles que sa position exacte dans le ciel, sa distance à la Terre, la vitesse radiale à laquelle elle s’éloigne ou s’approche.
Ces données, désormais accessibles à toute la communauté scientifique, ainsi qu’aux amateurs et au grand public, permettront à la science de progresser dans de nombreux domaines. Elles aideront, par exemple, à calibrer plus précisément l’échelle des distances dans l’Univers, en précisant l’un de ses échelons de base, les céphéides, ces étoiles variables qui enflent et se contractent à un rythme régulier, et sur lesquelles l’équipe genevoise est spécialisée. La Suisse, et en particulier l’UNIGE, est responsable de l’analyse «variabilité» dans le cadre du Consortium Gaia Data Processing and Analysis Centre.
Hayabusa 2 va rejoindre Ryugu
Lancée fin 2014, la sonde japonaise Hayabusa 2 (le «faucon pèlerin» en japonais) est sur le point de rejoindre Ryugu, un astéroïde dont l’orbite est proche de celle de la Terre. La sonde entamera, courant juin, une phase d’approche qui la placera sur une orbite à 20 km de l’astéroïde. S’en suivra une mission d’exploration d’un an et demi qui permettra au vaisseau spatial d’envoyer une série d’atterrisseurs et d’impacteurs, dans le but de rapporter des échantillons sur Terre. L’astéroïde Ryugu est de type C, c’est-à-dire qu’il est susceptible de contenir des matières organiques. Le retour sur Terre de la capsule d’échantillons du sol est prévu vers 2020.
En juin 2010, Hayabusa 1 est revenue sur Terre après s’être posée sur Itokawa, un géocroiseur de 500 m de long situé à quelque 350 millions de kilomètres de notre planète. La capsule de 20 kg qui a atterri dans le désert australien de Woomera, contenait quelques poussières prélevées sur l’astéroïde, auquel elle avait rendu une visite de dix-neuf mois.
ESPRESSO s’installe au Chili
Les chasseurs d’exoplanètes disposent désormais d’un nouvel instrument de haute précision avec lequel ils espèrent découvrir rapidement de petites planètes rocheuses. Installé sur le VLT (Very Large Telescope) de l’Agence spatiale européenne dans le désert d’Atacama au Chili, ESPRESSO – acronyme d’«Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanets and Stable Spectroscopic Observation» –, un spectrographe à ultra haute résolution, qui a été mis au point par un consortium dirigé par un professeur de l’Université de Genève, a observé sa première étoile. C’est la première fois qu’un instrument collecte la lumière des quatre télescopes de 8 m de diamètre du VLT.
Ce chasseur d’exoplanètes permet de mesurer de minuscules variations de la vitesse des étoiles, révélatrices de la présence d’une planète. Il est le successeur de HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) qui pouvait atteindre une précision de 1 m/s sur la mesure des vitesses radiales des étoiles alors qu’ESPRESSO pourra, quant à lui, atteindre une précision de quelques centimètres par seconde.
Transféré en septembre 2017 de Suisse au Chili, ESPRESSO est en phase de test jusqu’en septembre 2018. Il est installé sous terre, dans une cuve à vide à l’intérieur de deux enceintes d’isolation thermique pour le protéger des perturbations extérieures. Cet ensemble est situé sous une plate-forme où se dressent les quatre gigantesques télescopes de 430 t chacun du VLT. Chacun est doté d’un miroir principal mesurant 8,2 m et pesant 23 t. La lumière des étoiles est captée par leurs miroirs puis passe sous terre le long d’un tunnel jusqu’à ESPRESSO.
Pour rechercher des exoplanètes, le spectrographe utilise la technique de la vitesse radiale, C’est observant les oscillations de l’étoile provoquées par une planète, que le spectrographe espère en détecter. Il observera une étoile à des milliers d’années-lumière avec une précision lui permettant d’analyser des variations infimes sur la vitesse des étoiles qui, elles, se déplacent à plusieurs dizaines de kilomètres par seconde. Il pourra mesurer la masse et la taille de planètes, connaître leur densité, savoir si elle est rocheuse et surtout si elle a de l’eau, et peut-être de la vie.
Bien que conçu et développé pour la chasse aux petites planètes, ESPRESSO aura d’autres applications. Il sera l’outil le plus puissant qui existe pour tester l’invariabilité des constantes de la physique, du Big Bang à nos jours. D’infimes variations ont été prédites par certaines théories, mais sans avoir été observées.
Incertitude sur la durée de vie du neutron
Le neutron, l’un des constituants du noyau atomique, est soumis à une désintégration radioactive. Au sein du noyau, il peut subsister très longtemps sans jamais se désintégrer, mais lorsqu’il est à l’état libre, il se transforme en un proton avec l’émission d’un électron et d’un antineutrino, au bout d’un quart d’heure environ. Or, une expérience menée au laboratoire Los Alamos aux Etats-Unis confirme un écart de près de 10 secondes – largement supérieur aux incertitudes de mesure – entre deux méthodes expérimentales. Certains théoriciens ont suggéré que la différence était due à un phénomène de transformation de certains neutrons en des particules inconnues à ce jour, et que cela aurait eu des effets divergents sur les résultats des différentes expériences.
Cette incertitude sur la valeur de la durée de vie du neutron est embarrassante pour les scientifiques qui cherchent à comprendre l’Univers. En effet, la désintégration du neutron est l’un des exemples les plus simples d’interaction faible, l’une des quatre forces fondamentales. Or, pour vraiment comprendre l’interaction faible, il faut connaître avec précision la durée de vie du neutron.