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24 june 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE

Espace & Particules (6-7/2016)

Le fond d’ondes gravitationnelles
Suite à la détection, le 14 septembre 2015, de l’onde gravitationnelle émise par la fusion de deux trous noirs – et qui a permis de confirmer l’existence de ces objets célestes –, les astrophysiciens s’attendent à la découverte, grâce à l’exploitation des résultats des interféromètres Ligo aux Etats-Unis et Virgo en Italie, d’autre événements de fusion d’astres denses, tels que des trous noirs et des étoiles à neutrons.
Selon les théoriciens, la fusion de ces astres dans l’Univers devrait créer un faible fond d’ondes gravitationnelles provenant de toutes les directions du cosmos, que les instruments situés sur Terre ou en orbite pourraient détecter d’ici quelques années, grâce à l’augmentation de leur sensibilité. L’analyse des données les plus récentes des interféromètres précités prédit que ce fond d’ondes gravitationnelles serait dix fois plus fort que ce que les astrophysiciens estimaient auparavant.
 
Le dilaton: une particule hypothétique
Si au bout de deux ans, l’expérience du satellite Microscope, lancé le 25 avril dernier, vérifie la violation du principe d’équivalence, les physiciens sauront que la gravitation est plus complexe que ce qu’Einstein avait pensé. Ils pourront y voir l’effet du dilaton, une particule hypothétique qui n’a encore jamais été observée, parce que son effet diminue au cours de l’évolution de l’Univers. Lorsque celui-ci n’était âgé que de quelques fractions de seconde, l’effet du dilaton sur la matière était aussi intense que celui de la gravitation, mais son couplage avec la matière aurait diminué jusqu’à devenir extrêmement faible. Or, les calculs des théoriciens prédisent que cette particule pourrait entraîner la violation du principe d’équivalence, que la mission «Microscope» pourrait détecter.
Le dilaton aurait pour effet de rajouter à la gravitation, une force qui se couplerait à l’énergie des noyaux des atomes. Il pourrait constituer une première vérification expérimentale de la théorie des cordes.
 
Des muons à l’aide des archéologues
Les muons – des particules ayant les mêmes propriétés physiques que l’électron, mais d’une masse 207 fois plus grande – pourraient venir à l’aide des archéologues, grâce à leurs aptitude de voir à travers les murs. L’institut français HIP (Heritage Innovation Preservation) a lancé un projet d’étude de quatre pyramides d’Egypte, à Gizeh et à Dahchour, recourant à l’imagerie infrarouge, mais aussi à trois techniques différentes pour enregistrer l’ombre des muons engendrés par les bombardements cosmiques à travers l’atmosphère.
La première est proche de la photographie, les muons laissant une trace dans les émulsions chimiques. La deuxième utilise une matière synthétique qui scintille au passage d’un muon. La troisième utilise des amplificateurs électroniques donnant des images en temps réel. Les premières images obtenues sur la pyramide rhomboïdale de Dahchour, où se trouvent des nécropoles royales des IVe et XIIe dynasties, montrent une chambre déjà connue et invalident la présence d’autres chambres de même taille ou plus grandes.
 
Un nouvel instrument pour étudier Sagittarius A*
Gravity, le nouvel instrument du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral, au Chili, vient d’être mis en service. Effectuant de l’interférométrie en infrarouge, il aura pour objectif d’étudier Sagittarius A* (Sgr A*), le trou noir supermassif qui occupe le cœur de la Voie lactée. Ce projet, auquel participent une centaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens, a démarré en 2005.
Gravity est un interféromètre double, dont le principe est de combiner la lumière de quatre télescopes pour obtenir une résolution égale à celle d’un miroir de diamètre équivalent à l’écart qui les sépare. Il pourra simuler, en résolution, un télescope de 200 m de diamètre. Gravity fonctionnera en bande K, entre 2 et 2,5 µm. Cette longueur d’onde, le proche infrarouge, a été choisie, notamment, parce que Sagittarius A* est un objet très sombre, inobservable dans le domaine visible. Grâce à sa résolution de 4 millisecondes d’arc, cet interféromètre sera également utilisé pour observer d’autres sources, comme des noyaux actifs de galaxies, des disques et des jets autour d’étoiles en formation ou au sein de micro-quasars.
Les astronomes vont utiliser Gravity pour étudier les caractéristiques de Sgr A*, à proximité de son horizon, afin d’en déduire sa vitesse de rotation, sa masse et son volume – estimé à 4 millions de fois celui du Soleil –, ainsi que sa charge électrique. Ces données permettront de connaître la métrique de l’espace-temps du trou noir. Deux types d’observations seront menées; d’abord, les étoiles les plus proches Sgr A*, en imagerie interférométrique infrarouge, pour déterminer ses caractéristiques. Ensuite l’astrométrie, c’est-à-dire l’étude précise de la position et du mouvement des étoiles, afin de surprendre des épisodes de sursauts, pour étudier la relativité générale en champ très fort.
 
Des milliers de sondes vers Alpha du Centaure
Doté d’un budget initial de 100 millions de dollars, le projet Breakthrough Starshot, porté par le milliardaire russe Youri Milner, avec l’appui de plusieurs scientifiques de renom, dont l’astrophysicien britannique Stephen Hawking et le physicien théoricien Freeman Dyson, a pour objectif d’envoyer des milliers de sondes spatiales d’environ 1 gramme, équipées de voiles solaires, vers Alpha du Centaure, le système stellaire le plus proche de nous, distant de 4,4 années-lumière.
Le faible poids de ces sondes, allié à la puissance de lasers terrestres utilisé pour les propulser (d’une puissance atteignant 100 GW), permettrait à ces objets d’atteindre 20 % de la vitesse de la lumière et ainsi de pouvoir nous retourner, d’ici une vingtaine d’années, des images des exoplanètes orbitant autour d’Alpha du Centaure. S’il fallait utiliser des méthodes de propulsion conventionnelles (propulsion chimique, fission, fusion, fusion matière/antimatière) un tel voyage prendrait plusieurs centaines d’années.
Dirigé par l’ingénieur aérospatial Pete Worden, ce projet fait partie du programme Breakthrough Initiatives, qui comprend également un programme de recherche d’émissions radio ou laser en provenance d’étoiles proches et qui seraient la manifestation de civilisations extraterrestres.
 
Premiers résultats de Lisa Pathfinder
Dans le contexte de la découverte des ondes gravitationnelles, la sonde spatiale Lisa Pathfinder, lancée le 3 décembre afin de vérifier la faisabilité du projet eLISA, dont l’objectif est de mesurer dans l’espace, à l’aide de trois lasers longs d’un million de kilomètres chacun, le passage d’ondes gravitationnelles, a donné ses premiers résultats. À savoir qu’il est possible de maintenir dans l’espace, en chute libre et avec une très grande précision, deux masses de manière à ce que l’écart entre elles ne soit modifié que par le passage d’une onde gravitationnelle.