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26 september 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 08/2016 | Automation

Industrie 2025: le grand défi de l’industrie suisse

Edouard Huguelet

Basé sur le concept «Industrie 4.0» énoncé pour la première fois lors de la Foire de Hanovre 2011, l’initiative «Industrie 2025» vient d’être lancée par quatre acteurs majeurs de l’industrie suisse: Swissmem, asut, Electrosuisse et SwissTnet.
À l’origine, projet du Gouvernement fédéral allemand, puis essaimée dans le monde entier à la vitesse de l’éclair, la vision «Industrie 4,0» a pour but d’aboutir à une numérisation des procédés manufacturiers. Pourquoi 4.0 ? Il s’agit, en fait, d’une division (forcément arbitraire) de l’épopée de l’évolution des techniques, «Industrie 1.0» s’appliquant à la mécanisation, «Industrie 2.0» à la production de masse grâce notamment à l’énergie électrique, «Industrie 3.0» à l’automatisation et «Industrie 4.0» à la numérisation, dans l’optique de la fabrication intégrée (Smart Factory – l’usine futée).
 
Source: www.plmportal.org
 
Informer, informer et encore informer!
Cette nouvelle approche industrielle avait, en fait, déjà pris forme à la fin du XXe siècle, avec pour objectif la numérisation des processus jusqu’ici analogiques et la mise au point de systèmes dits «cyber-physiques». En lieu et place de produire en masse et de créer des stocks, il est dès lors possible de fabriquer avec souplesse des produits à la demande ou en fonction de critères d’utilisation particuliers.
«Industrie 4.0» est donc le symbole de l’âge de la révolution numérique.
Si l’industrie «MEM» (industrie des machines, des équipements électriques et des métaux) est a priori concernée, c’est bel et bien en raison de son importance, car il s’agit du plus grand employeur industriel suisse (320’000 salariés, dont 20’000 apprentis) et d’un secteur d’activité qui réalise un tiers des exportations helvétiques, avec 63 milliards de francs. Le marché indigène n’est pas négligeable, avec 18 milliards.
Reprenant le thème «Industrie 4.0», les quatre associations concernées, à savoir Swissmem, asut, Electrosuisse et SwissTnet, ont donc relevé le défi sous la forme d’une action appelée «Industrie 2025». Il ne s’agit pas simplement d’un slogan clamé haut et fort, mais du démarrage d’une série d’actions concrètes. Ce programme s’est doté de structures et d’un directeur, Urs Reimann en l’occurrence, qui tient les rènes de l’initiative depuis avril de cette année. La tâche principale selon ses propres termes, c’est: «Informer, informer et encore informer». À la question «pourquoi ce chiffre 2025?», il répond: «Parce qu’en 2025 le but sera atteint et alors nous ne serons plus nécessaires».
La récente «Journée de l’Industrie», placée sous le thème: «En route vers l’avenir numérique» et mise sur pied par Swissmem, s’est tenue à Zurich le 30 juin dernier. Elle a réuni quelque 1600 participants, l’un des intervenants n’étant autre que le président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann. Il s’agit d’un tremplin pour marquer le démarrage de la stratégie «Industrie 2025». Plusieurs industriels n’ont d’ailleurs pas attendu cet événement pour se lancer dans l’arène ! En effet, les résultats d’une enquête menée il y a trois ans par Swissmem sont éloquents: 82 % des entreprises participantes estiment que la numérisation leur procure des avantages, 76 % de ces entreprises sont entrées en action. La moitié des entreprises estiment que le plus grand potentiel se situe au niveau de l’accroissement de la productivité, alors que 42 % d’entre elles évoquent l’amélioration de la qualité des produits et prestations, ainsi que le renforcement de la fidélisation de la clientèle.
Pour être encore plus concret, selon un communiqué de Swissmem, 373 des entreprises ayant participé à l’étude ont réalisé (ou du moins démarré ou planifié) 1225 projets, 58 % de ceux-ci étant le fait de PME industrielles.
 
L’usine intelligente du futur.

Source: Texas Instruments
 
Industrie 2025: tueuse d’emplois?
Il y a lieu de remarquer qu’au niveau de la formation continue, cet effort concernera tout le monde: aussi bien les cadres et les employés, que la direction générale de l’entreprise. Il ne s’agit pas de «tuer» les emplois. En fait, les tâches monotones, dangereuses, malsaines ou répétitives seront réalisées de façon automatisée. Par la formation continue, les emplois seront revalorisés et déplacés vers des occupations professionnelles plus motivantes, concernant, par exemple, la gestion et la supervision des systèmes, la conduite d’ensembles automatisés, la maintenance prévisionnelle ou autres activités à forte valeur ajoutée, tout ceci sans oublier l’innovation.
Selon Hans Hess, président de Swissmem, «il faut des investissements ciblés dans la formation continue, afin de pouvoir faire face aux défis du monde numérisé». Il ajoute: «De nouvelles connaissances jointes à une longue expérience constituent la formule à succès de la numérisation». Pour illustrer cette tendance, , précisons que l’effectif des salariés de l’industrie suisse de la transformation s’est accru de 669’896 en 2003 à 688’250 fin 2015. (Source: Panorama Swissmem 2016).
 
Un phénomène inéluctable
Concrètement, l’initiative «Industrie 2025» apporte un appui aux entreprises industrielles (cf. www.industrie2015.ch). Son objectif est de sensibiliser les entreprises aux enjeux de la numérisation, de les mettre en réseau et d’encourager la mise en œuvre des solutions numériques en tenant néanmoins compte du fait que chaque cas est particulier. Outre des manifestations professionnelles, telles que celle du 30 juin dernier, une antenne centrale sera prochainement établie en Suisse pour répondre aux questions liées à «Industrie 4.0».
La numérisation étant inéluctable, la question est de savoir si le concept est à la portée des PME. Une première réponse se trouve dans l’édition 2/2016 du magazine Swissmem Network, dont le fil conducteur est précisément «Industrie 2025». En fait, il ne s’agit pas de plans sur la comète ni d’une contrefaçon de «2001 – Odyssée de l’espace» de Stan Kubrick. En effet, nombre d’entreprises – parmi lesquelles une majorité de PME – sont déjà très avancées dans la numérisation de leurs systèmes de production et la façon d’y parvenir diffère fortement d’un entreprise à l’autre. Il n’y a pas de recette magique !
Selon l’étude internationale «2016 Global Industry Survey» menée par pwc (PricewaterhouseCoopers), dans la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), le taux d’intégration numérique est actuellement de 32 %. Au terme des cinq prochaines années, il devrait atteindre 71 %. Une large proportion des entreprises participantes a estimé que leur taux de mise en œuvre numérique va doubler d’ici 2020 et la grande majorité d’entre elles suppose que les coûts de production vont subir d’importantes réductions. La moitié des participants à l’étude pointent du doigt le manque de culture numérique, en précisant qu’il s’agit du principal défi, ce qui met en évidence un besoin massif de formation continue.
 
Rester dans le concret
L’appui aux entreprises est donc nécessaire pour éviter certains pièges, choisir de bonnes recettes et rester dans le concret. Urs Reimann déclare: «Nous allons réunir des entreprises intéressées et des experts ayant une expérience pratique, nous conseillerons les entreprises au niveau de leurs propres stratégies et serons présents dans les médias». Pour terminer, précisons encore que dans le domaine de l’innovation, la Suisse n’a pas à rougir; elle est en tête des nations innovatrices, suivie par la Suède, le Danemark et la Finlande (source: «Innovation Union Scoreboard 2014»). Le nombre de professionnels engagés à plein temps dans la recherche et développement approche les 50’000.