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12 june 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 06/2013 | Research

La forme mathématique Gömböc

La découverte en 2007 de la forme Gömböc par les scientifiques hongrois Gábor Domokos et Péter Várkonyi a permis de résoudre une vieille énigme. Les mathématiciens discutaient, débattaient et s’efforçaient depuis longtemps de prouver son existence à l’aide d’équations mathématiques. Le logiciel Maple, un moteur puissant de calculs, a joué un rôle important dans la création de cette forme, en identifiant les caractéristiques convexes de celle-ci.
Un Gömböc est un objet homogène tridimensionnel convexe qui, posé sur une surface plane, n’a qu’un point stable et un point instable d’équilibre. Cette forme n’est pas unique; elle possède d’innombrables variantes, proches pour la plupart de la sphère, et toutes avec des tolérances de forme très strictes (inférieures à 0,1 mm par 10 cm). La solution la plus célèbre présente une partie supérieure aiguisée, comme illustré sur l’image. Vladimir Arnold, un scientifique russe, en avait subodoré l’existence, mais il fallut une décennie pour la prouver de façon irréfutable et créer la forme.

Si l’on place un Gömböc sur une surface plane, posé sur son point d’équilibre stable, il restera dans la même position. «En le déstabilisant un peu, il reviendra en position de repos au même point d’équilibre stable», explique Gábor Domokos, co-inventeur du Gömböc. S’il est posé sur un point de non-équilibre, il se mettra systématiquement à tourner jusqu’à ce qu’il ait atteint sa position d’équilibre stable. Pour tout dire, le magazine Wired et le Livre Guiness des records, le qualifie de première forme homogène au monde à redressement automatique. En outre, la revue Natural History démontre que le secret réside dans les mathématiques de sa forme. De plus, le New York Times a qualifié cette découverte comme l’une des meilleures idées de l’année».
 
 
Un long travail de recherche
L’invention du Gömböc est l’aboutissement d’un long travail de recherche et le logiciel Maple, un moteur de calcul mathématique, a joué un rôle non négligeable dans cette découverte. On savait que cette forme était un objet convexe mono-monostatique, un objet tridimensionnel qui, en raison de sa géométrie, n’avait qu’un équilibre possible en position debout. Gábor Domokos et Péter Várkonyi identifièrent une famille d’objets à deux paramètres, présentant tous la caractéristique mono-monostatique voulue. Tous, cependant, n’étaient pas convexes. Le logiciel Maple fut utilisé pour identifier les caractéristiques convexes et démontrer ainsi l’existence de la forme. Le processus passait par une grande quantité de calculs mathématiques complexes et précis, rendus possibles par la puissance de calcul de ce logiciel. «La géométrie finale du Gömböc devait être déterminée avec une grande précision. Autrement dit, les détails étaient critiques et nous ne pouvions pas nous permettre d’en manquer», souligne Gábor Domokos. «Grâce au logiciel Maple, les calculs ont pu être plus approfondis et plus sûrs; sa puissance permet de calculer et d’explorer des détails très sensibles».
Evoquant l’engouement pour le Gömböc et l’attention qu’il a reçue de la part de la communauté mathématique et scientifique internationale, Gábor Domokos a déclaré: «La beauté du Gömböc réside dans sa simplicité absolue. Il est tellement simple que des élèves du secondaire peuvent le comprendre, tout en offrant potentiellement un impact fort sur les sciences et plusieurs applications dans la nature. Et pourtant, la réponse nous a échappé pendant 2000 ans».
 
Des simulations de carapaces de tortues
En transposant leur découverte dans l’univers des sciences naturelles, Gábor Domokos et Péter Várkonyi ont trouvé une application unique du Gömböc parmi les tortues. Ils ont réalisé une étude approfondie sur ces reptiles, au moyen de modèles tridimensionnels complexes de carapaces, simulées par le logiciel Maple. A l’aide de ces modèles, ils ont découvert que sur les 200 espèces de tortues répertoriées dans la nature, deux sont pourvues de carapaces en forme de Gömböc. Autrement dit, ces tortues possèdent un atout unique, en ce sens qu’elles se comportent comme le Gömböc, tout en ayant la capacité de se redresser automatiquement.
Pour n’importe quelle tortue, le retournement sur le dos est une position vulnérable et dangereuse. Les mâles sont connus pour faire basculer leurs rivaux sur le dos afin les empêcher de se défendre. En conséquence, toute tortue capable de se remettre sur le ventre, par gravité, sans effort musculaire, bénéficie d’un avantage unique. «C’est la forme Gömböc de leur carapace qui leur donne cette capacité. Voilà un exemple classique de l’évolution qui trouve une forme optimale de survie», observe Gábor Domokos.
 
Des simulations de galets
Poursuivant ses recherches, Gábor Domokos se consacre actuellement à l’étude de la forme des galets de plage. Ses recherches, menées avec Gary Gibbons de l’Université de Cambridge, tentent de décrire la forme des galets et l’évolution de celle-ci. Ils s’efforcent également de comprendre l’interaction entre les galets dans leur évolution collective. Gábor Domokos a pu étudier, à l’aide du logiciel Maple, un système d’équations différentielles intégrables. Grâce à la résolution de tels systèmes, il acquiert des connaissances uniques, qui auraient pu lui échapper. Il étudie également l’équilibre des frottements et des collisions dans les processus d’abrasion, qui se traduit par ce qu’on appelle les ratios de galets dominants, phénomène pour lequel les galets d’une zone géographique donnée présentent des caractéristiques générales similaires. Gábor Domokos utilise le logiciel Maple pour déterminer les coefficients de frottement critique, responsables de l’émergence de ratios de galets dominants.
La compréhension des formes existantes dans la nature est d’une importance grandissante, aussi bien sur terre qu’au-delà. Récemment, le robot Curiosity de la NASA a retransmis des images de la surface de Mars, montrant un ancien lit de rivière. La grosseur et la forme des cailloux indiquent la présence d’eau sur Mars il y a des milliards d’années et, en étudiant l’image de la roche, les scientifiques seront en mesure d’en apprendre davantage sur la taille et le débit des rivières disparues.
Comme Gábor Domokos poursuit ses recherches sur les formes mathématiques et la découverte des phénomènes naturels et scientifiques reposant sur ces formes, le logiciel Maple continuera de jouer un rôle important dans ses recherches. «Maple est simple et puissant, c’est mon outil de calcul préféré», confie Gábor Domokos. «Nous sommes entourés de formes géométriques, mais notre cerveau n’est pas programmé pour les comprendre. Les objets comme le Gömböc ouvrent un nouveau langage pour comprendre de telles formes».
 
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