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14 july 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE

La sûreté des centrales nucléaires suisses

La sûreté nucléaire doit être vérifiée sans relâche. Tel est le fondement de la culture suisse de la sécurité. Grâce aux milliards investis dans la prévention, les centrales nucléaires suisses résisteraient sans dommage, ni pour la population, ni pour l’environnement, à un évènement extrême comme celui survenu à Fukushima. C’est ce qu’affirme le Forum nucléaire suisse dans son bulletin d’information «La sûreté des centrales nucléaires».
Depuis la mise en service des centrales nucléaires de Beznau 1 (1969), Beznau 2 (1971), Mühleberg (1972), Gösgen (1979) et Leibstadt (1984), le parc nucléaire suisse assure quelque 40 % de la production d’électricité de notre pays de façon fiable, économique et respectueuse de l’environnement. Depuis la mise en service de la centrale de Leibstadt, la production de ce parc a encore augmenté, grâce à des élévations de puissance, à un faible taux de défaillances et à une réduction de la durée des arrêts de maintenance, pouvant atteindre 20 %. Les quelque cinq milliards de kilowattheures supplémentaires ainsi générés chaque année correspondent à la production d’une centrale nucléaire de taille moyenne.
 
Prévention et entretien: dans les centrales nucléaires suisses, l’existence d’une culture très développée de la sûreté est une réalité concrète qui peut être démontrée. (Photo: KKG)
 
Les fruits de la prévention et du soin apporté aux installations
Au cours des quelque 200 années-réacteur que totalisent à ce jour les centrales nucléaires suisses, aucune situation menaçante pour l’homme ou pour l’environnement ne s’est jamais produite. Ce n’est pas seulement une question de chance. Ces bons résultats sont le fruit de la prévention et du soin apporté aux installations, les systèmes de protection nécessaires ayant été mis en place il y a plusieurs décennies déjà.
L’objectif de la politique suisse en matière de prévention est de faire en sorte que si un accident grave se produisait dans une centrale nucléaire (une probabilité extrêmement faible), il puisse être maîtrisé de telle manière que ni la population ni l’environnement ne subissent d’atteinte grave due à la radioactivité.

La sûreté: une astreinte permanente
En Suisse, la sûreté des installations nucléaires est une astreinte permanente aussi bien pour les exploitants que pour l’autorité de surveillance. Les installations sont expertisées régulièrement par plusieurs entités indépendantes: l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), les assurances ainsi que les organisations internationales effectuant des examens par des pairs. En Suisse, les exploitants sont tenus par la loi de rééquiper en permanence leurs centrales conformément à l’état de la technique. Tous les dix ans, la sûreté de ces dernières est soumise à un examen exhaustif tenant compte d’évènements très improbables, comme des catastrophes naturelles extrêmes.
Ce processus de contrôle permanent a été introduit en Suisse dès les années 1970, peu après la mise en service des premières centrales nucléaires.
Au cours des décennies écoulées et en particulier après l’accident nucléaire de Three Mlle Island en 1979, les exploitants ont procédé à des modernisations se chiffrant en milliards de francs.
Selon I’IFSN, la culture de la sûreté qui prévaut en Suisse a, par exemple, permis de multiplier par cent le niveau de sûreté des deux plus anciennes centrales nucléaires du pays (Beznau et Mühleberg) depuis leur construction à la fin des années 1960.
 
Après des décennies de vérifications, de modernisations et de rééquipements, les centrales nucléaires suisses ont atteint un niveau de sûreté extrêmement élevé. Elles sont donc bien préparées pour l’exploitation à long terme.
 

Les différences fondamentales avec Fukushima
Grâce à cette approche, les cinq centrales nucléaires suisses disposent, depuis de nombreuses années, des systèmes de protection qui, s’ils avaient été présents à Fukushima, auraient évité l’accident. En voici la liste:

  • Les analyses de sécurité sont passées en revue périodiquement sur la base des données techniques et scientifiques les plus récentes. Elles tiennent compte, notamment, d’évènements naturels extrêmement rares, tels que les séismes et les crues susceptibles de survenir tout au plus une fois tous les 10’000 ans.
  • Les risques liés aux crues ont été pris en compte dès la phase de conception des centrales. Des études effectuées en 2009 ont confirmé l’essentiel des hypothèses et conclusions de l’époque.
  • Toutes les centrales nucléaires suisses disposent de systèmes diversifiés et redondants de refroidissement de secours, qui permettent notamment d’évacuer la chaleur résiduelle après un arrêt d’urgence du réacteur. Depuis la fin des années 1970, elles sont en outre équipées de postes de commande d’urgence bunkérisés, à l’épreuve aussi bien des séismes et inondations de grande ampleur, que des chutes d’avion et des attaques terroristes. Même si de tels évènements se produisaient, ces postes de commande resteraient opérationnels, fournissant l’eau et l’électricité nécessaires au refroidissement en cas de défaillance de tous les autres systèmes.
  • Cela fait également des décennies qu’ont été installés des systèmes éliminant l’hydrogène avant qu’il puisse exploser. Les rééquipements effectués comprennent la pose de systèmes de dépressurisation filtrée de l’enceinte de confinement.
  • Indépendants et tolérants aux pannes, ces systèmes permettent, dans des cas d’urgence extrême, de relâcher dans l’environnement, par la cheminée, une partie de la vapeur présente dans l’enceinte de confinement, en filtrant plus de 99 % des substances radioactives qu’elle contient. En cas d’urgence absolue (défaillance simultanée des groupes diesel de l’alimentation électrique de secours et du poste de commande d’urgence), des dispositifs permettent de dissiper la chaleur résiduelle dans l’atmosphère sur le long terme, de manière passive et indépendante de l’alimentation électrique.
  • La prévention des situations d’urgence comprend un plan d’urgence permettant d’empêcher les accidents graves ou du moins d’en atténuer fortement l’impact. Des simulations de situations d’urgence incluant des scénarios d’accidents particulièrement graves sont effectuées plusieurs fois par année sous la surveillance des autorités.

Principales rénovations et principaux rééquipements de sûreté effectués dans les centrales nucléaires suisses depuis leur mise en service.
 
Les accidents nucléaires et les enseignements pour la Suisse
1979: Three Mile Island
Les mesures de prévention usuelles dans les centrales nucléaires occidentales ont fait leurs preuves lors de l’accident survenu le 28 mars 1979 dans la tranche 2 de la centrale nucléaire américaine de Three Mile Island, près de Harrisburg, en Pennsylvanie. Bien qu’une partie du combustible présent dans le réacteur ait fondu suite à un problème technique et à une erreur de manipulation du personnel, il n’y a pas eu de rejets radioactifs dans l’environnement dépassant les normes en vigueur. La tranche 1, qui n’a pas été touchée par l’accident, est toujours en service.
On a ainsi assisté à une répétition de ce qui avait été observé dans le réacteur expérimental souterrain de Lucens en 1969: la fonte partielle du cœur du réacteur n’a causé de dommages ni à l’équipe d’exploitation, ni à l’environnement.
Les réacteurs de Three Mile Island (réacteurs à eau sous pression) sont comparables à ceux des centrales nucléaires suisses. L’analyse des causes et du déroulement de l’accident a conduit à toute une série de rééquipements en Suisse. En font partie l’amélioration de l’affichage dans les salles de commande et l’installation de dispositifs qui, en cas d’accident grave avec endommagement du cœur, éliminent au fur et à mesure l’hydrogène susceptible de se former, l’empêchant ainsi d’exploser.

1986: Tchernobyl
Le 26 avril. 1986 s’est produit un grave accident dans la tranche 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, dans l’ancienne URSS. Il était consécutif à de graves défauts dans la conception du réacteur, un RBMK de type soviétique, et à une culture de la sûreté extrêmement déficiente. Ces lacunes ont eu pour conséquence qu’une négligence grossière de l’équipe d’exploitation a provoqué une brusque montée en puissance du réacteur, puis sa destruction.
Le graphite utilisé pour assurer la fission nucléaire dans ce type particulier de réacteur a pris feu. L’incendie lié à la combustion du graphite a duré plusieurs jours, provoquant le dégagement d’importantes quantités de substances radioactives qui se sont échappées par le toit, pour ensuite être transportés par le vent sur de longues distances.
Les réacteurs suisses ne sont pas du tout construits comme les réacteurs RBMK. Les lois de la physique font qu’un accident comme celui survenu à la centrale de Tchernobyl est tout simplement impossible en Suisse. Par conséquent, du point de vue de la sûreté technique, il n’y a guère d’enseignements à tirer de cette catastrophe. Elle confirme néanmoins l’importance que revêtent une solide formation du personnel et une culture de la sûreté autorisant des analyses critiques régulières.

2011: Fukushima
L’accident survenu à la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daiichi a été provoqué par une terrible catastrophe naturelle. Après un tremblement de terre extrêmement violent dont l’épicentre se trouvait dans le Pacifique, de gigantesques tsunamis ont submergé l’installation, qui était mal protégée contre ce risque pourtant connu depuis des siècles au Japon.
D’importantes masses d’eau ayant pénétré dans les étages inférieurs de la centrale, l’alimentation électrique est tombée en panne, si bien que les cœurs des réacteurs des tranches 1, 2 et 3 n’ont pas été suffisamment refroidis. Malgré ses efforts, l’équipe de quart n’a pas réussi à empêcher la fonte desdits cœurs, laquelle a entraîné la formation d’hydrogène, qui a fini par exploser. Les toits de trois des bâtiments des réacteurs ont été détruits.
Les réacteurs de Fukushima (réacteurs à eau bouillante) sont comparables à ceux des centrales nucléaires suisses. Notre pays ayant su, dès les années 1980, tirer les enseignements nécessaires des accidents graves survenus précédemment, Fukushima n’a guère apporté de connaissances nouvelles. Un des changements importants intervenus a été la création d’un dépôt pour équipements de secours dans un ancien bunker de l’armée, d’où ils peuvent en tout temps être héliportés vers un site d’intervention.

Forum nucléaire suisse
3000 Berne
Tél.: 031 560 36 50
www.forumnucleaire.ch