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25 april 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 02/2016 | Machine tools

Les gros V8 américains

Jim Stokes Workshops Limited est une entreprise britannique spécialisée dans la restauration, la reconstruction et l’entretien de voitures de collection, comme les Alfa Romeo 8C des années 1930, par exemple. Pour reconstruire les moteurs à l’identique, cette société a investi dans trois centres d’usinage verticaux CNC Haas. Jim Stokes, propriétaire de l’entreprise, effectue une comparaison très pertinente entre ces machines et les moteurs, en les appelant «les gros V8 américains, splendides et fonctionnels».
Depuis ses débuts il y a plus de trente ans et en tant que très petite entreprise, Jim Stokes Workshops Ltd (Groupe JSW) n’a cessé de se développer au fil des années, pour compter aujourd’hui cinq unités de production spacieuses implantées sur une zone industrielle de Waterlooville, Hampshire (Royaume-Uni). La société emploie une équipe de cinquante personnes, dont de nombreux techniciens spécialisés dans l’un des plus originaux secteurs de l’ingénierie automobile.

 
À l’instar des tableaux de maîtres
Lorsqu’il a démarré son activité, Jim était certainement considéré comme un rien excentrique. C’était bien avant que les voitures classiques soient très prisées des richissimes collectionneurs, avant qu’elles deviennent des dépositaires «sûrs» du capital mondial, à l’instar des tableaux de maîtres.
À l’époque, Jim était curieusement obsédé par la légendaire Alfa Romeo 8C, construite par la société milanaise entre 1931 et 1939. Le moteur à huit cylindres et son châssis ont été configurés différemment au fil des années, avec des versions pour la route et pour les circuits, selon les goûts de la nouvelle écurie d’Enzo Ferrari, et grâce aussi au travail de l’équipe Alfa. Pilotées par quelques-uns des plus prestigieux noms de la course d’engins motorisés, notamment Tazio Nuvolari, elles participaient aux plus grandes courses, sur le circuit du Mans, par exemple.
Ce que personne ne savait vraiment quand le jeune Jim a entamé ses activités d’ébarbage et de restauration, c’est que la rareté de la 8C et son illustre histoire en feraient l’une des voitures de collection les plus prisées au monde. Les salles de ventes les affectionnent particulièrement pour des enchères qui se montent à des sommes à sept ou huit chiffres.
 
«Old Timer» Alfa Romeo modèle 8C reconstruit à l’identique. À gauche, Paul Gregory (propriétaire du véhicule), à droite, Jim Stokes, patron de l’entreprise homonyme.
 

D’autres modèles tout aussi rares et «exotiques»
Entre temps, le groupe JSW s’est forgé une réputation dans le monde entier, basée non seulement sur son exceptionnel savoir-faire en matière de 8C, mais aussi sur sa connaissance approfondie de modèles tout aussi rares et exotiques, tels que les Aston Martin (voitures de prédilection de James Bond), Ferrari, Jaguar, Lancia, Mercedes et Rolls-Royce, qui transitent par l’entreprise pour une réparation, des contrôles avant et après la courses, et parfois même pour des restaurations complètes.
On sait aussi que la société a construit six répliques minutieuses de la Lancia D50 et une petite Ferrari 156 «nez de requin» jaune, donc des monoplaces classiques remontant respectivement aux années 1950 et 1960. Le détail et l’authenticité des véhicules sont tels qu’ils peuvent obtenir leur certification de la FIA (Fédération internationale de l’automobile), ce qui les autorise à prendre part à des événements strictement contrôlés et réservés aux modèles classiques d’origine.
 
Quatre divisions
Le groupe JSW compte aujourd’hui quatre divisions: «Triple M» qui se consacre aux opérations de fabrication de pièces, «South Shore», spécialisée dans le travail de carrosserie et la fabrication, «Classics by JSW» qui traite davantage de véhicules plus courants et enfin «Jim Stokes Workshops Ltd», qui est la société la plus connue du groupe.
L’atelier d’usinage de «Triple M» possède trois centres d’usinage verticaux CNC Haas: un VF-2, un VF-5 et un VF-6. Les «V8», comme les appelle Jim, permettent à «Triple M» de produire des pièces uniques ou des lots de composants entièrement conformes aux modèles originaux, tels que culasses, blocs-cylindres, soupapes, carters de moteurs, carburateurs, pompes à huile et à eau, ainsi que de nombreuses autres pièces.
«J’aime l’ingénierie américaine et j’apprécie le fonctionnement des machines Haas. Ce sont des machines endurantes et fiables, qui ont fait leurs preuves et nous ont permis de ramener en interne la majeure partie de la fabrication de nos pièces», explique Jim.
 
Usinage de composants sur un centre d’usinage VF-5.
 

Récupérer un précieux collaborateur
L’histoire qui a amené la société à opter pour des machines Haas ne manque pas non plus d’intérêt. Tony Fairbairn, un opérateur travaillant de longue date pour le groupe JSW, avait quitté la société quand une opportunité s’est présentée dans une autre entreprise locale, en l’occurrence dans un secteur industriel tout à fait différent, mais où il travaillait sur plusieurs machines Haas. Comme ce collaborateur manquait réellement au groupe JSW, un plan astucieux a été établi pour le faire revenir.
«Je savais que nous devions mettre à niveau nos machines», se souvient Jim, et d’ajouter: «Je savais aussi que si j’investissais dans des machines Haas, Tony pourrait envisager son retour dans l’entreprise. Je connaissais déjà du monde qui travaillait avec ce genre de machines et je n’avais donc aucune réserve quant à un achat éventuel». Jim souhaitait à long terme réaliser autant d’usinage que possible au sein même de l’entreprise. «Au tout début, ma philosophie était de tout fabriquer sur place», explique-t-il. «Mais après avoir travaillé dix-huit heures par jour et sept jours par semaine pendant cinq ans, j’ai compris que je ne pourrais pas continuer à ce rythme. Alors, vous donnez le travail à des sous-traitants, mais vous réalisez rapidement qu’ils ne font pas ce que vous souhaitez». Et alors Tony, tel Zorro, est revenu.
 
La reconstruction des moteurs
Il arrive que le garage du groupe JSW contienne plusieurs véhicules Alfa 8C, appartenant généralement à des collectionneurs prestigieux, mais peu loquaces, ou à des chefs d’entreprise très connus qui ont réussi. Un gagnant de la course des «24 heures du Mans», Paul Gregory, fait partie des habitués de l’atelier.
«Le propriétaire de cette voiture, comme de nombreux autres, ne ferait jamais de course avec le moteur d’origine, car il est trop précieux d’un point de vue historique. Nous fabriquons donc un moteur de remplacement en respectant toutes les spécifications du modèle original. Nous pouvons le faire non seulement avec les moteurs, mais également avec les transmissions et les essieux, peu importe. Aussi, si vous voulez mener la vie dure à tout ce matériel, vous pouvez le faire sans endommager les composants du véhicule d’origine. Et tout l’usinage est réalisé sur des machines Haas».
Sur les trois machines-outils CNC présentes sur le site, le modèle VF-5 a une broche tournant à 10’000 tr/min, alors que les VF-2 et VF-6 sont équipés d’une broche tournant à 7500 tr/min. Deux des machines sont en outre dotées d’une table rotative originale constituant le quatrième axe numérique.
«Nous disposons actuellement de la plupart des performances et capacités d’usinage dont nous avons besoin. Nous devons fabriquer de très grands blocs pour les moteurs AC et, à cet effet, nous avons donc besoin sur les machines d’une course longitudinale de quelque 1,6 m. Le centre d’usinage VF-6 est parfait pour cela. Il dispose de nombreux outils (magasin à 24 + 1 postes), et aussi d’un quatrième axe, que nous utilisons lorsque nous faisons travailler la machine la nuit pour fabriquer des pièces, telles que les porte-fusées. Pendant la journée, nous utilisons le reste du banc en usinage pendulaire pour effectuer d’autres travaux. En ce moment, par exemple, nous produisons des blocs-cylindres réalisés en deux moitiés symétriques. Nous pouvons en fait produire 95 % de nos pièces de moteurs en utilisant uniquement quatre axes, car le travail d’usinage n’est pas particulièrement complexe».
 
Centre d’usinage Haas VF-5 dans l’atelier de Jim Stokes.
 

Aussi pour les production cinématographiques
Une petite partie de l’activité du groupe JSW est consacrée à la production de pièces pour des sociétés cinématographiques. L’entreprise a ainsi récemment reconstitué la section arrière de la Ford Mustang utilisée dans «Fast & Furious 6», film ayant enregistré 788 millions d’entrées. «On nous avait demandé de fabriquer l’arrière en aluminium parce que la société cinématographique souhaitait qu’elle s’écrase comme une canette de bière lors d’un violent impact. Nous avons fini par la réaliser en cinq versions», explique Jim.
«Nous recevons aussi beaucoup de commandes et projets d’individus fortunés du monde entier. Il n’est pas rare que des clients nous demandent s’ils peuvent se poser en hélicoptère à proximité de l’entreprise. Et nous devons aussi parfois aller sur place si la voiture ne peut venir à nous. Nous sommes alors heureux d’envoyer, si nécessaire, nos employés dans le monde entier».
Les machines Haas produisent aussi des pièces pour la division du groupe «Classics by JSW». C’est là que l’entreprise restaure, répare et reconstruit des voitures de collection à des prix plus «abordables», notamment des Porsche 911, des MG et même les modestes Morris Minor. Les machines Haas sont alors utilisées pour fabriquer des composants qui ne sont plus disponibles sur le marché des pièces de rechange.
 
Un atout: la polyvalence
Jim Stokes parle avec franchise et spontanéité de l’utilité et de la polyvalence des machines-outils du constructeur californien: «Je peux accepter un travail, le faire sur n’importe quelle machine Haas et j’obtiendrai un résultat identique en termes de qualité et de répétabilité», affirme-t-il. Et Jim de préciser: «La commande CNC de chaque machine est absolument identique d’un modèle à l’autre. Sans oublier l’avantage selon lequel, si vous savez utiliser une telle machine, alors vous êtes capable d’utiliser toutes les autres».
L’insistance de Tony Fairbairn (le revenant) à faire investir JSW dans des machines Haas était réellement fondée. «Il est retourné dans notre société et occupe désormais le poste de responsable de l’atelier des machines», précise Jim, qui conclut: «Avec le temps, nous avons l’intention de remplacer progressivement chaque ancienne machine de notre atelier par une Haas, avec peut-être des machines à cinq axes numériques. Car au final, le potentiel de notre activité repose assurément dans l’atelier des machines. Nous avons plusieurs projets en cours et si tous parviennent à terme, il se pourrait que les deux ou trois prochaines années soient époustouflantes» !
 
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