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08 february 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 12/2015 | Automation

Louis XIV et la supervision informatisée

Quel est le rapport entre Louis XIV et les techniques modernes de supervision? Un coup d’œil dans les coulisses du Château de Versailles peut apporter des éléments de réponse.
Au fil des années, la nécessité de réaliser un plan de développement stratégique sur le long terme a fait son chemin. Un schéma directeur a été défini dès 2003, initialement pour 17 ans. «Ce chantier ambitieux de 400 millions d’euros s’articule autour de trois axes prioritaires», affirme Olivier Robert, responsable du génie climatique et de la GTC (gestion technique centralisée) au service des équipements techniques du château de Versailles. Il précise: «La restauration du site historique et de ses décors, la mise en sécurité et la modernisation des réseaux techniques de l’ensemble du domaine pour prévenir les risques d’exploitation potentiels et optimiser les conditions de conservation, et l’amélioration de l’accueil des publics».
Une première phase de travaux a eu lieu de 2004 à 2012, avec la conduite d’un certain nombre de chantiers. En particulier, la mise en sécurité des réseaux internes de l’Opéra royal, la création de galeries techniques et la réhabilitation du Grand commun. «Transformé en manufacture d’armes à la Révolution, puis en hôpital militaire, ce bâtiment fut restitué par le Ministère de la défense à la fin des années 90. Puis l’idée a germé d’y regrouper tous les services administratifs et d’en faire un pôle énergétique sous la cour intérieure, destiné à la production et à la distribution des énergies de l’ensemble du site.
 
 
Le choix d’une GTC incluant une supervision élargie
Dès 2008, un appel d’offres est lancé pour la mise en place d’une GTC des réseaux d’énergie (note: les systèmes de sécurité incendie, de sûreté et les fontaines ont leur propre GTC). Le Grand commun est le cœur de ce dispositif: il abrite au sous-sol tous les réseaux primaires, tels que chauffage, électricité, climatisation, serveurs informatiques et de téléphonie, reliés à l’aile sud via une galerie technique de liaison enterrée sous la voie publique. L’investissement est important, mais indispensable à la vie du domaine, chaque bâtiment étant jusqu’alors doté d’installations techniques hétérogènes toutes incompatibles, équipées de superviseurs propres à chaque opérateur de réseau.
Pour faciliter l’exploitation au quotidien, il fallait donc concevoir un système commun permettant à tous les équipements de communiquer, en l’occurrence un outil ouvert, capable de fédérer et d’intégrer différents types de marques et de protocoles. Le choix d’intégrer à la GTC une supervision élargie répond à plusieurs objectifs, comme le fait remarquer Olivier Robert: «Nous souhaitions que les techniciens puissent voir depuis leur poste, sans se déplacer, ce qui se passe sur l’ensemble du site. L’activité de surveillance des équipements techniques est très soutenue, d’où la nécessité d’une supervision de tous les sous-systèmes du site, intuitive et facile à maîtriser». D’autres critères ont pesé dans le choix de la solution, comme la possibilité de dupliquer facilement des composants d’un projet à l’autre.
 

Plan du sous-sol du Grand commun.
 
Une solution ouverte orientée objet
Spécialiste en contrôle de procédés et en automatisation, la société française Basis Automation (Noisy-le-Grand) a remporté le marché avec la solution Wonderware System Platform. Avant de concevoir le système de pilotage à l’échelle du site, l’absorption d’un volume important de données était nécessaire.
«Le défi était double», rappelle Thierry Fromageau, directeur opérationnel chez Basis. «Reprendre les données existantes, très disparates pour les faire migrer dans un système central d’hypervision cohérent tout en s’adaptant aux contraintes d’un bâtiment historique en exploitation constituait un défi de taille. Trois ans et demi ont été nécessaires pour obtenir toutes les informations, avant même de pouvoir démarrer le projet».
Afin de répondre au cahier des charges élaboré par l’OPPIC (Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture), avec l’appui de bureaux d’étude, Basis a développé pour l’application une bibliothèque d’objets prenant en compte l’ensemble des processus et métiers. Des objets standards et personnalisables animent des vues synoptiques de supervision, permettant à chaque opérateur de bénéficier d’IHM détaillées parfaitement compréhensibles. Thierry Fromageau déclare: «Auparavant, il existait un seul écran de supervision pour l’éclairage de la galerie des glaces et des cours. Aujourd’hui, il est possible via l’écran d’accueil en 3D de naviguer du général au particulier dans tous les niveaux du château, y compris les combles».
 
Pôle énergétique du Grand commun.
 
Une architecture fonctionnelle pour une exploitation en temps-réel facilitée
Le déploiement de la plate-forme Wonderware s’appuie sur une architecture de système à plusieurs niveaux. L’application a été distribuée sur sept postes de supervision, installés par secteurs d’exploitation et dédiés à chaque métier, dont un en supervision-développement. Ces postes sont connectés à deux serveurs de supervision redondants situés sur deux sites différents, l’un prenant automatiquement le relais de l’autre en cas de défaillance. L’interface avec le terrain est assurée par un réseau sécurisé de cinq postes concentrateurs recueillant les informations des équipements de chaque bâtiment. Et Thiery Fromageau de préciser: «L’intelligence du processus est à ce niveau: la supervision permet d’avoir une vue d’ensemble des installations (vues en plans et en coupe des bâtiments), et surtout, de remonter les informations». Tous les événements qui se produisent sont enregistrés en temps réel par les serveurs de supervision et directement accessibles depuis le poste d’hypervision situé dans les locaux du PC central.
En cas d’anomalies ou d’alarmes, il est désormais possible de savoir avec précision où le problème se situe, de quoi il s’agit et de garder l’enregistrement de toutes les données. «Avec la solution d’hypervision de GTC Wonderware, l’information transmise est beaucoup plus pertinente et détaillée qu’auparavant», constate Olivier Robert. «Cela permet d’anticiper davantage, si bien que le délai de rétablissement de service en cas de panne a considérablement baissé».
 
Chauffage.
 
La souplesse d’une solution évolutive dans le temps
Aujourd’hui, le schéma directeur est entré dans sa deuxième phase (2012-2022). Après un long développement, l’application d’hypervision est opérationnelle, offrant un réel gage de réactivité et de sécurité dans la gestion des installations. La société Basis assure désormais la maintenance, avec cinq postes à demeure. Un cahier des charges abouti a été élaboré en étroite collaboration avec l’EPV (association des entreprises du patrimoine vivant). Il constitue une base de travail solide pour les différents prestataires de marchés, spécialistes dans leurs métiers mais peu compétents en hypervision.
«Les appellations des réseaux ont été normalisées sur tout le site et des critères ont été définis, permettant de choisir, sur la base de standards adéquats, l’outil capable de s’interfacer entre le terrain et les serveurs opérationnels d’exécution. Ce travail a nécessité beaucoup de rigueur car il s’agit d’un projet de longue haleine découpé en plusieurs lots, faisant l’objet de marchés séparés selon les métiers», concluent Olivier Robert et Thierry Fromageau.
En dehors du gain de temps sur les interventions et de la baisse des coûts d’exploitation et de maintenance, le principal bénéfice de la solution est son évolutivité. De nouvelles fonctions pourront être ajoutées, au fur et à mesure des besoins, sans stopper l’exploitation. Autre bénéfice: la possibilité de mettre le système à contribution pour obtenir des informations énergétiques permettra, à terme, d’optimiser les consommations. Un réel atout de développement pour le site, à l’aune des enjeux liés au développement durable.
 
Le Château de Versailles
Dans le paysage touristique de la France, le Château de Versailles (IIe de France) fait figure de fleuron majeur. Le Nôtre, Le Vau, Le Brun, Mansart…, des architectes, sculpteurs, ornemanistes et paysagistes de renom se sont succédé pour l’embellir, contribuant à faire de la résidence privilégiée de la monarchie française, de Louis XIV à Louis XVI, un chef d’œuvre de l’architecture classique du XVIIe siècle au rayonnement international. Les touristes affluent en masse pour visiter ce lieu de prestige classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979. Chaque année, ils sont six millions à parcourir ce site étendu! Arrivé aux abords de la Place d’armes jouxtant l’entrée et des deux bâtiments concomitants (Grande écurie et salle du Jeu de paume), le visiteur ne parvient pas à embrasser l’ensemble d’un seul regard: château, Trianon et parc s’allongent à perte de vue sur des kilomètres. Pour l’Établissement public de Versailles (EPV), exploitant du domaine, et les 800 agents qui officient là chaque jour, l’immensité du site constitue un véritable défi en termes de gestion et de sécurité, tout en posant l’éternelle et délicate équation entre tourisme de masse et préservation du patrimoine.
 
 
Le Château de Versailles en chiffres
  • Un patrimoine de 200’000 m² réparti en 120 bâtiments
  • 850 hectares de parc, entourés de 20 km de murs et parsemés de 200’000 arbres, 50 fontaines, et 620 jets d’eau
  • Le château s’étend sur 67’121 m². On y dénombre 700 pièces, 15’000 m² de planchers, 67 escaliers, 2153 fenêtres et 352 cheminées. Les toitures couvrent une surface de 11 hectares
  • A l’intérieur sont exposés quelques 6000 peintures, 15’000 gravures, 2100 sculptures et 5000 objets d’art
  • 16,5 MWh de chauffage et 1400 MWh d’électricité ont été consommés en 2013.
 
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