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23 september 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 06/2014 | Biotechnology

Rééduquer le système immunitaire

Anokion, une jeune pousse de l’EPFL, a développé une méthode permettant de rééduquer les globules blancs. Elle pourrait être appliquée contre les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques et de nombreuses autres pathologies. Des investisseurs privés injectent plus de 27 millions d’euros dans la jeune entreprise.
Quel est le point commun entre la sclérose en plaque, le diabète de type 1 ou le rhume des foins? Toutes ces pathologies sont dues à une réponse anormale du système immunitaire. Les globules blancs détruisent les cellules de leur propre hôte ou sur-réagissent à des éléments extérieurs. Au Parc de l’innovation de l’EPFL, la jeune pousse Anokion est en train de développer l’une des technologies les plus prometteuses pour traiter les affections immunes. Des premiers essais sur l’être humain sont prévus en 2017.

Mais le champ d’application ne s’arrête pas là – de nombreux médicaments composés de protéines, contre l’hémophile ou certains cancers, notamment, ont été recalés parce qu’ils déclenchent des réactions immunitaires. Ces effets secondaires pourraient être contrés par la technique d’Anokion. Un groupe d’investisseurs dans le domaine pharmaceutique a reconnu ce potentiel et injecté 33 millions de francs suisses (27 millions d’euros) dans la jeune entreprise.
 
Comment annihiler la réponse immunitaire indésirable
La technologie d’Anokion tire parti d’un comportement encore mal compris des globules blancs. En effet, les «soldats du système immunitaire» tendent à s’apaiser en présence de cellules qui meurent de manière naturelle, à la fin de leur cycle de vie. Or leurs cousins, les globules rouges, meurent en masse; en moyenne, 200 milliards d’entre eux chaque jour, soit autant de messages calmants.
Les chercheurs ont mis au point une technique permettant d’accrocher aux globules rouges une protéine responsable de l’emballement du système immunitaire. Un peu à l’image du chien de Pavlov, qui associe le moment du repas et le son d’une clochette, les globules blancs associent la protéine «ennemie» et les milliards de messages apaisants lancés quotidiennement par les globules rouges en fin de vie. La réponse immunitaire indésirable est réduite à zéro.
En 2012, le laboratoire de Jeffrey Hubbell à l’EPFL était ainsi parvenu à guérir totalement des rats souffrant d’un diabète auto-immune de type 1. Publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ces travaux avait fait grand bruit.
«Cette technologie consiste à administrer des protéines, antigènes auto-immunes ou protéines-médicaments, d’une manière telle que le système immunitaire les accepte comme appartenant au corps de la personne», explique Jeffrey Hubbell. «Nous sommes extrêmement fiers que des fonds d’investissement leaders dans le domaine biotechnologique aient reconnu la valeur de notre approche et qu’ils nous apportent les moyens financiers pour aller de l’avant», ajoute-t-il.
 
Maîtriser la réponse des globules blancs
Anokion a pour mission de commercialiser cette découverte. Pour l’heure, les chercheurs se sont penchés sur un type spécifique de globule blanc, les lymphocytes T. Ceux-ci sont impliqués dans nombre de maladies immunes, les plus connues étant la sclérose en plaques et le diabète de type 1.
Mais le potentiel de cette technologie va bien au-delà. Des protéines-médicaments sont utilisées pour le traitement du cancer ou de maladies génétiques, comme l’hémophilie. Malgré leur efficacité, ces molécules sont identifiées comme étant des corps étranger par le système immunitaire, après quelques administrations seulement, et détruites. En d’autres termes, le corps finit par neutraliser le médicament qui a pour mission de le soigner.
La technique d’Anokion pourrait permettre d’administrer le médicament sur le long terme, en apprenant au système immunitaire à ne pas s’y attaquer. De plus, de nombreuses autres molécules ont été recalées en phase de test, précisément parce qu’elles entraînaient des réactions immunes. Les chercheurs pensent que nombre de ces médicaments pourraient être réhabilités, si l’on parvenait à maîtriser la réponse des globules blancs pendant le traitement.
Anokion prévoit de procéder aux essais sur l’être humain en 2017. Dans un premier temps, les scientifiques comptent tester leur technologie en association avec un médicament connu pour entraîner des réponses incontrôlables du système immunitaire.
 
Stefan Kontos, directeur scientifique Anokion
Tél. 078 630 89 66
stephane.kontos@epfl.ch
 
Jeffrey Hubbel, professeur EPFL
Tél.: 021 693 96 81
jeffrey.hubbell@epfl.ch