15 february 2019 |
La Revue POLYTECHNIQUE
Un diamant pour recharger les drones civils en vol
Un petit diamant industriel de quelques millimètres de côté pourrait permettre aux drones civils d’être rechargés en vol au moyen d’un laser. Grâce à ses propriétés, la puissance du faisceau lumineux est conservée sur une longue distance et peut alimenter des cellules photovoltaïques situées sur l’appareil. Inoffensif pour la santé, ce système peut également servir à la transmission d’énergie et de données vers des satellites.
Les missions des drones se diversifient, leurs formes se perfectionnent, leur maniabilité se précise, mais leur point faible reste leur autonomie. Les appareils à rotors, utilisés notamment pour des missions de surveillance dans des zones difficilement accessibles ou dangereuses, sont les plus mal lotis. Très gourmands en énergie, leurs moteurs leur imposent un retour au sol après une quinzaine de minutes.
LakeDiamond, une société d’essaimage de l’EPFL, a mis au point un système permettant de prolonger le temps passé en l’air sans alourdir l’appareil, grâce à une alimentation à distance par un laser orienté, ainsi qu’à un système de suivi, vers des cellules photovoltaïques placées sous le drone. Cette invention vient d’être incluse dans les projets soutenus par le Swiss Space Office, le programme spatial national de la Suisse.
Le système mis au point par LakeDiamond propulse un laser d’une longueur d’onde de 1,5 µm, pour qu’il parcoure une grande distance, tout en conservant sa puissance. |
Un puissant laser parfaitement inoffensif
Cette idée a certes fait son chemin depuis quelques années dans plusieurs laboratoires de la planète, notamment aux États-Unis, mais grâce à son diamant industriel et son procédé de nano-structuration, LakeDiamond, rend possible l’utilisation d’un laser de forte puissance émettant à une longueur d’onde ne présentant aucun risque, ni pour la peau, ni pour les yeux – une condition indispensable si l’on entend utiliser ce système pour des drones civils. Le système mis au point par la jeune pousse située au Parc d’innovation de l’EPFL, propulse un laser d’une longueur d’onde de 1,5 µm, pour qu’il parcoure une grande distance, tout en conservant sa puissance.
Contrairement à son apparence, un faisceau laser standard n’est pas si rectiligne qu’il y paraît. Au cours de sa trajectoire, il connaît une légère divergence, induisant une perte de densité qui augmente avec la distance. «Les systèmes développés par d’autres entreprises ou laboratoires, souvent pour des applications militaires, ont donc pris le parti d’utiliser des lasers plus puissants, mais aussi plus risqués pour la santé, en raison de la longueur d’onde utilisée», note Pascal Gallo, PDG de LakeDiamond.
L’entreprise a donc fait le choix inverse: transformer le rayon émis par une simple diode de faible intensité, en un faisceau laser de grande qualité, d’un diamètre plus grand et dont les rayons sont parallèles sur une distance plus importante. Il peut ainsi conserver ses propriétés sur plusieurs centaines de mètres.
Une alimentation à distance par un laser vers des cellules photovoltaïques, ainsi qu’un système de suivi, permettent d’alimenter un drone en plein vol. |
Un record du monde pour un composant optique hors pair
Cette avancée technologique est possible grâce à un système particulier de laser où la lumière d’une diode est propulsée sur un «booster», composé d’une partie réfléchissante, d’un élément optique et d’une petite plaque de métal destinée à récupérer la chaleur. Ce procédé n’est pas nouveau, mais la puissance du faisceau à la sortie, de plusieurs dizaines de watts, l’est. Le secret réside dans le petit carré de diamant, devenu un composant optique hors pair pour ce genre d’application. Le système détient en effet un record du monde pour une opération continue dans une longueur d’onde située au milieu de l’infrarouge: plus de 30 W en mode fondamental. «Cela correspond à environ 10’000 pointeurs laser», souligne Pascal Gallo.
Un diamant déposé en phase vapeur
La transparence et la conductivité thermique de ce petit joyau de laboratoire, ainsi que la structuration de sa surface sont le fruit de plus de dix ans de recherches. Le procédé de dépôt en phase vapeur, d’après lequel il est fabriqué, permet de maîtriser sa pureté et sa reproductibilité. Afin d’exploiter toutes les qualités de ce minuscule carré de carbone, sa surface est nano-structurée selon un savoir-faire développé au Laboratoire de Niels Quack à l’EPFL.
Grâce à la qualité du matériau et au traitement subi, le diamant laisse passer la chaleur vers une petite plaque de métal qui l’évacue, alors que ses propriétés optiques réfléchissent la lumière de manière à former un faisceau laser puissant. «Pour augmenter la puissance, pour la recharge d’un drone plus gros, par exemple, ces lasers peuvent facilement être placés en parallèle», souligne Nicolas Malpiece, responsable de la transmission d’énergie chez LakeDiamond.
Quid lorsque le drone est derrière un obstacle ?
Ce dispositif de recharge à distance fonctionne en laboratoire, mais devra subir encore quelques améliorations et développements avant d’alimenter les drones du quotidien. Notamment, que se passe-t-il lorsque le drone se trouve derrière un obstacle et est ainsi découplé de sa base d’alimentation ?
Plusieurs systèmes sont à l’heure actuelle envisagés. Une petite batterie de secours pourrait prendre le relais ou, par exemple, pour des missions de surveillance en zone dangereuse, le drone ressortirait de l’endroit où il se trouve et viendrait se mettre à une distance ad hoc de sa base pour «faire le plein».
Ce système de transmission d’énergie est intéressant également pour d’autres domaines d’application. Il peut, par exemple, être utilisé pour la recharge et la transmission de données vers des satellites. Le développement du système est d’ailleurs inclus dans un programme de soutien du Swiss Space Office qui a débuté le 1er novembre et court sur deux ans.
LakeDiamond SA
EPFL Innovation Park
Tél. 024 524 10 18
Mobile 078 878 78 26
www.lakediamond.ch