Ce que coûtera à l’avenir un vol climatiquement neutre

Image: Pixabay CC0
Le transport aérien est actuellement responsable d’environ quatre pour cent du réchauffement climatique. Comme la demande de vols devrait continuer à augmenter, les chercheurs et les gouvernements cherchent des solutions pour rendre les vols climatiquement neutres d’ici 2050 au plus tard. La plupart des experts s’accordent à dire que les billets d’avion deviendront plus chers. Mais de combien ? La question de savoir quelle est la meilleure technologie pour décarboniser le transport aérien est également controversée. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’EPF de Zurich et de l’Institut Paul Scherrer et publiée dans la revue spécialisée Nature Communications estime désormais que les billets d’avion pourraient coûter environ 50 % plus cher que le prix actuel des billets si les carburants synthétiques remplaçaient le kérosène fossile dans le monde entier d’ici 2050.
«Cette hausse potentielle doit être considérée dans le contexte où les prix des billets d’avion ont baissé de plus de 40% au cours des 25 dernières années", explique Anthony Patt, professeur de politique climatique à l’EPFZ et l’un des auteurs de l’étude. "Si cette tendance se poursuit, les vols climatiquement neutres coûteraient à peu près le même prix qu’un billet d’avion aujourd’hui vers 2050».
Deux approches technologiques
Les auteurs de l’étude comparent deux approches pour réduire les effets néfastes de l’aviation sur le climat. Dans la première approche, les avions continuent de voler avec du kérosène à base de pétrole. Le gaz à effet de serre CO2 émis est toutefois retiré de l’atmosphère, par exemple en le filtrant directement dans l’air et en le stockant dans le sol. La spin-off Climeworks de l’EPFZ a mis cette technologie sur le marché il y a quelques années déjà.
Dans la deuxième approche, les compagnies aériennes remplacent de plus en plus le kérosène par du carburant synthétique, sans devoir modifier les turbines et les avions. Ce carburant est produit soit à partir de CO2 et d’hydrogène produit de manière durable, soit par un réacteur solaire à partir de lumière solaire et d’eau. Cette dernière technologie a été développée à l’EPF de Zurich et mise sur le marché par la spin-off Synhelion de l’EPF.
Les carburants synthétiques sont moins chers
Les chercheurs montrent que les carburants synthétiques représentent la voie la plus avantageuse si le trafic aérien continue d’augmenter. La raison : l’impact climatique de l’aviation ne se limite pas à l’émission de CO2. «En raison des traînées de condensation et d’autres effets non liés au CO2, tels que les particules de suie ou les oxydes d’azote libérés, l’effet du trafic aérien sur le climat peut être jusqu’à trois fois plus important que l’effet du seul CO2 émis», explique Nicoletta Brazzola, premier auteur
Les carburants synthétiques ont un avantage décisif : ils brûlent plus proprement que le kérosène fossile et provoquent nettement moins d’effets nocifs non CO2. De ce fait, il faut également compenser moins de CO2 que pour un avion ravitaillé en kérosène, ce qui est plus avantageux selon les chercheurs : si on mise sur le kérosène et la compensation, les billets d’avion coûteraient environ 55 à 75 pour cent de plus qu’aujourd’hui. Avec les carburants synthétiques, l’augmentation n’est que de 45 à 60 pour cent.
Un chemin semé d’embûches
Selon l’auteur de l’étude, Mme Brazzola, le chemin vers la neutralité climatique des vols ne sera toutefois pas facile. «Pour parvenir à une aviation climatiquement neutre, nous devons développer massivement les énergies renouvelables, produire de grandes quantités d’hydrogène vert et mettre en place une infrastructure pour le transport et le stockage du CO2», explique la chercheuse de l’EPFZ. Selon les chercheurs, le coût réel de la production de carburants synthétiques à l’avenir dépendra surtout de la disponibilité d’une quantité suffisante d’énergie renouvelable à des prix avantageux. Ils ne voient donc pas la production de carburants synthétiques en Europe.
«Nous nous basons sur des chaînes de production mondiales pour les carburants synthétiques, et non sur des chaînes européennes. Ce marché mondial rend les énergies renouvelables nécessaires à la production de ces carburants beaucoup moins chères», explique le professeur Patt de l’ETH. Par exemple, de grandes installations d’énergie solaire pourraient être construites dans des régions ensoleillées d’Afrique du Nord ou dans la péninsule arabique. En outre, d’autres pays présentent un potentiel considérable en matière d’énergies renouvelables, notamment les États-Unis, l’Afrique du Sud, le Chili et l’Australie.
Le CO2 et le kérosène doivent devenir plus chers
La question décisive pour Patt est de savoir si la quantité de kérosène durable augmentera assez rapidement, car actuellement le marché est encore très petit. Pour le professeur de l’ETH, les bonnes conditions politiques générales sont déterminantes à cet égard : ainsi, une loi est en vigueur dans l’UE depuis 2025, selon laquelle deux pour cent de carburant durable doivent être ajoutés au kérosène fossile dans un premier temps. D’ici 2050, cette part devrait passer à 70 pour cent. En Suisse, une réglementation similaire doit entrer en vigueur en 2026. «Ces mesures vont dans la bonne direction et devraient être développées. En outre, le prix du CO2 devrait également augmenter pour rendre le kérosène fossile plus cher et donc moins attractif», conclut Patt.
Source : www.myscience.ch