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02 juin 2021 | La Revue POLYTECHNIQUE | Économie

A propos du partenariat entre Blick et EPFL

ASJS Association Suisse du Journalisme Scientifique

Journalisme scientifique ou communication institutionnelle ?

Blick Romandie et l’EPFL s’associent pour une collaboration. Cependant la répartition des rôles est problématique.

Le 20 mai dernier, Blick Romandie et l’EPFL annonçaient conjointement « un partenariat pour le journalisme scientifique ». En effet, dès le mois de juin, l’EPFL mettra à disposition ses articles d'actualité à Blick Romandie qui publiera régulièrement des articles et chroniques des professeurs de l’EPFL. Par ailleurs, une intelligence artificielle sera développée conjointement pour « soutenir le travail journalistique ».

Si l’ASJS salue en principe les initiatives destinées à la diffusion de la science dans la société, le comité directeur se montre toutefois préoccupé par l’amalgame entre une communication institutionnelle et le journalisme scientifique.

Le journalisme scientifique indépendant ne s’élabore pas au sein d’une institution

Le modèle communiqué par l'EPFL et le Média en Ligne Blick Romandie est une violation du tabou pour un média populaire. Ici, ce ne sont pas des journalistes impartiaux qui écrivent sur des travaux scientifiques, mais des représentants d'une université sur leur propre domaine de travail. En effet, cette collaboration ne permet en aucun cas de produire un contenu portant un regard objectif et indépendant sur la science et ses enjeux.

Comme tout autre forme de journalisme, le journalisme scientifique doit pouvoir se développer de manière indépendante et en toute impartialité. Cette initiative n'est donc pas une expansion du journalisme scientifique, comme le décrit Blick, mais plutôt une expansion de la communication institutionnelle de l'EPFL.

Certes, les communications des institutions constituent une matière première inestimable pour notre métier. Mais il est essentiel que cette matière s’affranchisse des lieux de recherche en tant que tels.

Les chroniques de scientifiques… ne sont que des chroniques de scientifiques

Les chroniques scientifiques ne sont pas des articles de vulgarisation scientifique et encore moins d'articles ayant une attitude journalistique, quel que soit le talent des scientifiques suisses.

Il est vrai que la compréhension de la science est essentielle. Cette compréhension est la clé même de l’acceptation de la science dans la société et dans la formation de l’opinion publique.

Mais le journalisme scientifique ne se résume pas à la simple explication de phénomènes scientifiques. La vulgarisation consiste aussi à questionner la science et à la confronter aux interrogations, aux préoccupations et aux critiques du public. Il s’agit donc d’un travail nécessitant forcément des regards distincts et un dialogue constant entre les scientifiques et les journalistes. Une stratégie visant à réunir ces deux rôles dans de simples chroniques de scientifiques ou dans d'autres textes produits par une université, ne peut qu’appauvrir le paysage médiatique suisse.

Le journalisme scientifique mérite une vraie place dans les médias

Selon les annonces faites par le média en ligne et l’Ecole polytechnique, Blick devrait également avoir accès au travail journalistique de l'EPFL.

La question est de savoir ce que l'on entend par là. Une université ne fait pas du journalisme lorsqu'elle décrit son propre travail. Elle n'a pas l'indépendance nécessaire pour le faire. Si les textes du département de la communication devaient être repris sans esprit critique, ce serait très discutable. Il ne serait pas non plus acceptable qu'une grande banque écrive les textes de la section économique d'un journal.

Nous serions très heureux si Blick voulait réellement développer son journalisme scientifique. Pour ce faire, il faudrait toutefois que le journal crée des emplois de journalistes scientifiques et ne se contente pas de reprendre les textes de l'EPFL.

Huma Khamis, Vice-présidente

Martin Amrein, Président

www.science-journalism.ch

A propos de l'ASJS

Fondée en 1974, l’Association suisse du journalisme scientifique (ASJS) est une association professionnelle unissant les anciens et actuels journalistes scientifiques de Suisse. Elle dénombre présentement quelques 320 membres. Quelque 190 sont « membres ordinaires » et sont soit employés par un média reconnu (quotidien, magazine, TV, radio, site internet), soit oeuvrent comme journalistes « libres ». Les autres membres sont dit « extraordinaires » et occupent le plus souvent des postes de communicateurs pour des institutions privées ou académiques.

Les buts de l’ASJS incluent le renforcement d’un journalisme scientifique de qualité, indépendant et transparent dans le paysage médiatique suisse, le développement d’un réseau entre ses propres membres ainsi qu’avec les membres d’associations similaires à l’étranger et, de manière générale, l’encouragement à un échange d’informations valables et utiles entre les journalistes, les scientifiques, les décideurs politiques et le grand public. Pour atteindre ces objectifs, l’ASJS propose à ses membres un site internet (récemment remis à neuf), un bulletin avec des articles décrivant les « bonnes pratiques » en journalisme scientifique, et une newsletter hebdomadaire. Elle organise divers cours de formation continue, séminaires, visites et excursions sur des thèmes de science et de journalisme scientifique. Deux fois l’an, les membres ordinaires de l’ASJS sont éligibles pour une bourse de journalisme scientifique d’investigation pour les aider dans un projet irréalisable autrement. Les membres de l’ASJS sont régulièrement invités, à travers les réseaux de l’association, à participer à des événements de sciences et de journalisme scientifique en Europe et dans le monde.

Gérée par un directoire de journalistes scientifiques de renom, l’ASJS est membre ordinaire de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ). Elle sert d’unique interlocuteur en temps qu’entité concernant les questions de journalisme scientifique en Suisse. Ses membres sont régulièrement impliqués dans des jurys, des comités de festival ou d’événement de journalisme ou de communication scientifique. L’ASJS finance ses activités avec les cotisations de ses membres, le e-commerce (avis sur site internet et newsletter) et avec les donations externes, cela toutefois en appliquant de claires règles pour garantir la totale indépendance d’action de ses membres lors de tous ses événements.