Analyse avancée des fragments d’obus de la Seconde Guerre mondiale
Cedric Favre, basé sur les travaux de Jean-Loup Gassend
Les éclats d’obus constituent une source essentielle pour l’archéologie des conflits, permettant de reconstituer la dynamique des combats et d’identifier les armements utilisés. Cette étude approfondit les techniques d’analyse de fragments retrouvés dans les Alpes-Maritimes, où les affrontements de 1944 entre les forces alliées et allemandes ont généré une abondance de vestiges matériels. L’approche combine une analyse typologique et balistique des débris avec une étude contextuelle des positions stratégiques. L’objectif étant d’établir une corrélation entre les fragments d’obus et les événements militaires documentés, contribuant ainsi à une lecture plus fine des opérations de guerre dans cette région.
Introduction
Depuis le début du XXe siècle, les obus d’artillerie et de mortier ont été les armes responsables du plus grand nombre de pertes militaires lors des conflits symétriques impliquant des nations industrialisées, notamment durant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Lors des grandes batailles, l’artillerie a parfois été employée en quantités si massives, que le paysage des zones de combat et a été profondément altéré. Même lors d’affrontements de moindre envergure, plusieurs centaines d’obus pouvaient être tirés en quelques heures, la plupart explosant en produisant des centaines, voire des milliers d’éclats meurtriers (figure 1). Ainsi, les fragments d’obus constituent les artefacts les plus fréquemment retrouvés sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale, certains étant encore visibles à la surface du sol près de quatre-vingt ans après les combats.
Pour un observateur non averti, ces fragments peuvent sembler de simples morceaux de métal déchiquetés et tordus. Cependant, lorsqu’ils sont correctement examinés, ils révèlent une quantité considérable d’informations sur l’obus dont ils proviennent, notamment son type, son calibre et sa nationalité, ainsi que d’autres détails cruciaux pour l’analyse et la compréhension d’un champ de bataille.
Étant donné la diversité des pays ayant produit un nombre quasi illimité de modèles d’obus au cours du siècle dernier, une étude exhaustive de ces munitions pourrait remplir une bibliothèque entière. L’objectif de cet article n’est donc pas de dresser une description détaillée de chaque type d’obus existant, mais plutôt de proposer un guide pratique destiné à aider les archéologues à interpréter les fragments d’obus qu’ils peuvent rencontrer au cours de leurs recherches.
Cet article se propose de présenter les principes généraux relatifs à l’anatomie et au fonctionnement des obus d’artillerie et de mortier de la Seconde Guerre mondiale – des règles similaires s’appliquant à ceux de la Première Guerre mondiale. Il poursuit avec une analyse des types de fragments les plus couramment retrouvés sur le terrain et des informations que l’on peut en tirer. Ces principes sont illustrés par des exemples concrets de fragments datant d’août et septembre 1944, découverts sur les champs de bataille des Alpes-Maritimes, dans le sud de la France. Ces vestiges proviennent des combats ayant opposé la First Airborne Task Force alliée, larguée en Provence le 15 août 1944, aux troupes d’occupation allemandes de la 148e Division de réserve, qui furent ensuite remplacées par la 34e Division d’infanterie à la mi-septembre 1944 (Burhans, 1947).
Anatomie d’un obus
Les obus peuvent être tirés soit par des canons (obus d’artillerie), soit par des mortiers (obus de mortier). Les canons sont des armes lourdes à culasse, conçues pour projeter des projectiles à grande vitesse sur des distances de plusieurs kilomètres. À l’inverse, les mortiers sont des armes beaucoup plus légères, chargées par la bouche, conçues pour être transportées par l’infanterie et permettant de tirer sous des angles compris entre 45° et 90°, sur des distances nettement plus courtes que celles des canons.
Pour l’étude pratique des fragments d’obus datant de la Seconde Guerre mondiale, les obus d’artillerie peuvent être décomposés en trois éléments principaux : le corps, la ceinture et la fusée (figure 2). Les obus de mortier présentent une structure similaire, mais ils se distinguent par l’absence de bande de rotation, remplacée par des « bandes de contrôle des gaz », ainsi que par un empennage complet muni d’une cartouche d’amorçage.
Les sections suivantes détaillent les fonctions de ces différents composants, le type d’éclats qu’ils génèrent lors de l’explosion et les informations que l’on peut en tirer pour l’analyse des champs de bataille.
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Casque, découvert en 2006 dans un charnier de soldats allemands à Villeneuve-Loubet, en France.
Il illustre les effets meurtriers d'un éclat d'obus.
Un fragment a traversé le côté droit du casque avant de ressortir par le côté gauche, causant la mort du soldat qui le portait.

Figure 1.
Collection de l’auteur