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03 octobre 2014 | La Revue POLYTECHNIQUE 08/2014 | Électronique

Analyse de la gigue à l’aide d’un oscilloscope

Mathias Hellwig

La gigue peut nuire considérablement au bon fonctionnement des systèmes numériques. Elle doit donc être soumise à des analyses et à des caractérisations détaillées. L’oscilloscope R&S®RTO, avec l’option analyse de gigue R&S®RTO-K12, s’avère être un outil particulièrement convivial.

La gigue (jitter) est un phénomène présent dans les circuits numériques. Elle se produit notamment sur les signaux d’horloge. Les signaux numériques étant généralement plus robustes et moins sensibles aux perturbations que les signaux analogiques, la tendance à des débits de données de plus en plus élevés représente un défi pour l’intégrité du signal. Cela est mis en évidence notamment dans les cartes de circuits imprimés. Pour des raisons de coûts, le concept éprouvé de circuits électroniques avec des cartes imprimées de type FR4 est conservé. Cependant, leur matériau, ainsi que les connecteurs et les trous d’interconnexion, influencent les caractéristiques de transmission. Cet impact n’est plus négligeable à partir de débits supérieurs à 1 Gb/s. Une analyse détaillée des signaux permet d’identifier rapidement les éventuels problèmes.

Pour de nombreux protocoles d’interface, comme PCIe, SATA, USB et DDR, par exemple, des taux de données toujours plus élevés ont été mis en œuvre sur plusieurs générations. L’analyse de gigue sur de tels signaux n’est pas seulement limitée aux signaux de données, elle inclut également des signaux d’horloge encapsulée ou de référence.
 
Capacités d’analyse de la gigue dans les domaines temporel et fréquentiel
L’analyse de la gigue peut être réalisée tant dans le domaine temporel que fréquentiel. Rohde & Schwarz propose, avec le R&S®RTO et des bancs de mesure de bruit de phase comme le R&S®FSUP, des solutions appropriées pour les deux domaines. De par leur concept, les oscilloscopes réalisent les mesures dans le domaine temporel. Ils sont de préférence utilisés pour l’analyse de gigue sur des circuits dont la conception et les tests fonctionnels se déroulent également dans le domaine temporel. Les bancs de mesure de bruit de phase, en revanche, sont, par exemple, utilisés pour caractériser des oscillateurs dans le domaine fréquentiel.
La comparaison des deux méthodes (fig. 1) montre généralement une plus grande précision pour les mesures dans le domaine fréquentiel, grâce à une dynamique plus élevée et un intervalle de mesure plus long. Par rapport aux mesures conventionnelles dans le domaine temporel, cette méthode présente l’avantage de pouvoir afficher et analyser des signaux parasites sporadiques. En outre, des signaux non périodiques, comme les signaux de données numériques à horloge encapsulée, peuvent être étudiés.
 

Fig. 1: Comparaison de l’analyse de gigue dans les domaines temporel et fréquentiel.
 

Définition de la gigue et composantes
L’Union Internationale des Télécommunications (UIT) définit la gigue comme des variations rapides des instants significatifs d’un signal numérique par rapport aux positions qu’ils devraient occuper dans le temps. La gigue n’est pas une perturbation mono-causale. La gigue totale (Total Jitter – TJ)peut, en effet, être partagée en différentes composantes (fig. 2), dont une catégorie comprend la gigue aléatoire (Random Jitter – RJ)et l’autre, la gigue déterministe (Deterministic Jitter – DJ). La connaissance des causes et sources de chacune des composantes est essentielle pour une analyse détaillée de la gigue. En effet, dans l’histogramme, c’est-à-dire la représentation graphique de la distribution de fréquence (fig. 3), l’utilisateur n’obtient qu’une vue d’ensemble de la gigue. Cette représentation se compose de la convolution de toutes les fonctions de densité de probabilité des différentes sources de gigue.
 

Fig. 2: Sources de gigue et fonction de densité de probabilité correspondante dans l’histogramme.
 

La gigue aléatoire est illimitée dans sa plage de valeurs. Décrite par des quantités statistiques, comme la valeur moyenne μ et l’écart-type σ, elle montre la fonction de densité de probabilité gaussienne bien connue. Provoquée par le bruit thermique, le bruit de grenaille, ainsi que d’autres effets similaires, la gigue aléatoire peut être décrite comme un bruit de phase des signaux oscillants.
 
La gigue déterministe, en revanche, dispose d’une plage limitée de valeurs; elle ne peut pas être décrite par le bruit de phase. Ces composantes de gigue sont souvent caractérisées par des indications de valeurs de crête. Les composantes de la gigue déterministe comprennent la gigue périodique (PJ, Periodic Jitter), la gigue dépendante des données (DDJ, Data Depending Jitter) et les distorsions du rapport cyclique (DCD, Duty Cycle Distorsions).
 
La gigue périodique est provoquée par des effets de couplage croisé et d’instabilités de PLL, par exemple. Sa fonction de densité de probabilité est différente selon l’origine. Un couplage croisé entre signaux numériques se traduit souvent par une fonction de densité de probabilité consistant en une somme d’impulsions de Dirac, alors que dans le cas de signaux purement sinusoïdaux, cette fonction correspond à la fonction de densité de puissance de Doppler.
 
La gigue dépendantedes données est provoquée par l’interférence entre symboles (ISI, Inter Symbol Interference). La fonction de densité de probabilité correspond à une fonction Dual Dirac symétrique par rapport à l’origine temporelle.
 
Les distorsions du rapport cyclique sont causées par des seuils de décision non optimaux ou par des temps de montée et de descente différents. Elles peuvent être représentées par une fonction de densité de probabilité (Dual Dirac), à l’instar de la gigue dépendante de données.
 
Représentation de la gigue
L’oscilloscope R&S®RTO offre une grande variété d’outils pour l’analyse de gigue. Même sans l’option Jitter Analysis, l’utilisateur peut déjà bénéficier de l’affichage d’histogrammes de courbes en liaison avec la fonction de rémanence (persistance lumineuse). Les traces sont superposées à cet effet et l’histogramme représente la distribution du taux d’occurrence des signaux. Ainsi, l’occurrence de la position temporelle d’un flanc du signal, par exemple, est aisément détectée (fig. 3). Les curseurs et leurs fonctions de mesures automatiques sur l’histogramme permettent de déterminer les caractéristiques statistiques de distribution.
 

Fig. 3: Analyse de gigue sur traces de mesure à l’aide d’un histogramme et du réglage de rémanence.
 

L’option Jitter Analysis R&S®RTO-K12 permet d’automatiser des mesures de gigue, telles que l’évaluation de la gigue périodique et le débit de données, tout en offrant de nombreuses possibilités supplémentaires de représentations. Le R&S®RTO affiche les résultats de mesure dans un tableau, avec des détails statistiques également. De plus, un affichage des résultats de mesure dans l’histogramme est possible.
Les résultats de mesures de gigue peuvent également être représentés sous forme de fonction temporelle (Track) et sur cette base, l’utilisateur peut obtenir le spectre de la gigue par une transformée de la fonction temporelle dans le domaine fréquentiel. L’observation du signal de gigue dans ce domaine offre de nombreux avantages. D’une part, de petites parties déterministes de la gigue, généralement masquées par le bruit, deviennent visibles (fig. 4); d’autre part, l’utilisateur peut, en fonction du niveau et de la courbe de réponse du bruit de fond, évaluer la puissance et les contributions individuelles de bruit.
 
Mesure de la gigue
La figure 5 illustre des mesurandes de gigue importantes – gigue périodique, gigue cycle à cycle et gigue TIE (Time Interval Error) – en relation temporelle avec le signal mesuré. Cet exemple montre un signal d’horloge numérique correspondant à un signal périodique. L’analyse mathématique de ces mesurandes en fonction du signal d’entrée étant assez complexe, le lecteur peut se référer à la bibliographie [1]. Dans le paragraphe suivant, les fonctions de mesure pour la gigue périodique (Period Jitter), la gigue cycle à cycle et la gigue TIE sont présentées et comparées à l’aide d’exemples d’application concrets.
 

Fig. 4: Mesure de la gigue périodique : fonction temporelle (Track), spectre, histogramme et analyse statistique.
 

La fonction de mesure
Avec la fonction de mesure de la gigue périodique, l’utilisateur peut effectuer des analyses approfondies, comme la stabilité d’une source d’horloge. Pour déterminer la gigue périodique, le R&S®RTO crée une référence à partir des différences de temps entre les points de transition successifs du signal. Pour les sources d’horloge simples, comme les oscillateurs à quartz, la fonction temporelle de la gigue périodique apparaît comme une constante avec du bruit superposé (Track 1 dans la figure 4). L’histogramme montre clairement que la moyenne de la mesure correspond à la durée de période nominale (99,999 ns dans la figure 4). La puissance de bruit du signal de bruit de phase (29,4 ps dans la figure 4) correspond à l’écart-type des résultats de mesure. Dans la fonction de mesure Period Jitter, outre cette analyse stochastique, la fonction temporelle peut être utilisée pour la représentation des signaux de modulation. Ceci est particulièrement utile pour l’analyse de signaux radar, par exemple. En général, il convient de noter que cette fonction de mesure ne s’applique qu’aux signaux périodiques.
La fonction de mesure de la gigue cycle à cycle(fig. 5) est très similaire à la fonction de mesure de la gigue périodique. Elle évalue la différence des durées de période consécutives et ne s’applique également qu’aux signaux périodiques. Elle assiste l’utilisateur, par exemple, dans l’analyse de la stabilité des oscillateurs ainsi que dans celle du comportement dynamique des boucles à verrouillage de phase.
La fonction de mesure de la gigue TIEest appliquée à des signaux d’horloge et de données; elle calcule la différence entre la position de transition réelle et la énième position de transition associée idéale (fig. 5). Bien que cela ne corresponde pas à la définition originale de l’UIT, il s’agit d’une définition très répandue de la fonction de mesure des oscilloscopes. Par conséquent, le terme TIE est également employé ci-dessous avec la même signification.
 

Fig. 5: Définition des fonctions de mesure de gigue pour la gigue périodique (Pn), la gigue cycle à cycle (Cn) et la gigue TIE.
 

La fonction de mesure de gigue TIE est utilisée pour caractériser la transmission d’un flux de données numériques avec le signal d’horloge encapsulé. Pour déterminer le TIE, un appareil de mesure doit non seulement évaluer la position actuelle de transition, mais également la position de transition idéale alors encore inconnue. L’oscilloscope offre à cet effet deux méthodes:
La première, la plus simple, consiste à estimer la durée d’une période constante sur la base de la méthode des moindres carrés (LSE – Least Square Estimator). La deuxième est basée sur une boucle à verrouillage de phase (PLL ou CDR – Clock Data Recovery), pour déterminer les positions de transition. Cela est nécessaire étant donné que l’hypothèse implicite de la première méthode, la fréquence constante, n’est pas facilement applicable. En effet, l’horloge encapsulée peut changer lors de l’acquisition, en raison de l’utilisation de techniques d’étalement de spectre (PCIe), par exemple.
Habituellement, les oscilloscopes convertissent la CDR par logiciel. Une CDR basée logiciel calcule la position de transition idéale pour une acquisition unique basée sur les transitions précédentes. Cela veut dire qu’il se produit un temps mort au début de chaque acquisition, la CDR devant d’abord recueillir suffisamment de transitions pour le calcul, avant que les positions idéales de transition puissent être calculées avec une précision suffisante. En conséquence, malgré une grande longueur d’acquisition, seules quelques mesures sont effectuées.
En outre, la précision idéale calculée des positions de transition dépend de la fréquence d’échantillonnage. Si l’utilisateur réduit le taux d’échantillonnage pour augmenter la longueur de l’acquisition, il existe alors un risque de fonctionnement instable de la CDR à base de logiciel [2].
L’oscilloscope R&S®RTO ne connaît pas ce genre de problème, car il est doté d’une CDR intégrée, basée hardware (option R&S®RTO-K13), qui fonctionne toujours à vitesse maximale de manière continue. Cela évite des instabilités et des temps morts au début de chaque acquisition.
 
Conclusion
La gigue dans les systèmes numériques conduit à une limitation significative du débit de données. Elle nécessite, par conséquent, une analyse et une caractérisation détaillées. En raison de sa faible gigue intrinsèque, l’oscilloscope R&S®RTO représente une unité de base haut de gamme pour les mesures de gigue, pouvant atteindre son plein potentiel avec l’option R&S®RTO-K12. Celle-ci offre un ensemble complet de fonctions de mesure pour le développement et les tests de conformité.
L’option supplémentaire Hardware CDR R&S®RTO-K13 est une solution fiable pour la récupération d’horloge. Elle permet d’éviter les faiblesses fondamentales des mises en œuvre purement logicielles.

L’analyse de gigue à l’aide d’un oscilloscope équivaut à un échantillonnage du bruit de phase où la fréquence d’échantillonnage correspond à la fréquence nominale du signal. Les fonctions de mesure utilisées, comme la gigue périodique ou la gigue TIE, sont – du point de vue théorie de signal – des filtres appliqués au signal échantillonné. Étant donné que le taux d’échantillonnage est limité et que le bruit de phase ne l’est pas dans sa bande, des effets de repliement du spectre (aliasing) peuvent se produire.

Références
D. A. Howe; T. N. Tasset, Clock Jitter Estimation based on PM Noise Measurements, Boulder, CO 80305, 2003.
A. M. S. Chatwin A. Lansdowne, Measurement Techniques for Transmit Source Clock Jitter for Weak Serial RF Links, Big Sky, MT: Aerospace Conference, IEEE, 2011.
Jitter Analysis with the R&S®RTO Digital Oscilloscop.Note d’application de Rohde & Schwarz (mot-clé : 1TD03).
 

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