Des abonnements
pour l'enrichissement
05 août 2024 | La Revue POLYTECHNIQUE | 1-Non classifié(e)

Attribuer le prix Nobel à une IA qui aurait fait de grandes découvertes ?

Source : Sciences et Avenir N° 925, par Jean-Gabriel Ganascia

L'océanographe Klaus Hasselmann montre la médaille du prix Nobel de physique 2021 qu'il vient de recevoir.

Photo : Stefanie Loos / POOL / AFP

En 1972, Nicholas Negroponte, un tout jeune professeur d’architecture au MIT, aux États-Unis (il avait à peine 29 ans) qui se passionnait pour l’utilisation de l’intelligence artificielle, fit un canular : il envoya à des personnalités politiques, à des journalistes et à des prix Nobel une lettre pour leur demander ce qu’ils pensaient de l’attribution du prix Nobel à une machine qui aurait fait de grandes découvertes. À l’époque, bien peu répondirent à cette question avec le sérieux que méritait le sujet.

Cinquante ans plus tard, en 2022, la foire annuelle du Colorado (États-Unis) décerna le premier prix de son concours des beaux-arts à un tableau au titre français, Théâtre d’opéra spatial, réalisé au moyen du programme Midjourney qui recourt à des techniques d’intelligence artificielle.

Dès lors, la question posée il y a un peu plus d’un demi-siècle par Nicholas Negroponte devient brûlante : pourquoi ne donnerait-on pas le prix Nobel ou la médaille Fields à un programme d’intelligence artificielle qui aurait grandement contribué à l’avancement des sciences ou effectué une œuvre remarquable, par exemple écrit un cycle romanesque ? Certains rétorqueront que la médaille Fields récompense un mathématicien de moins de 40 ans et qu’il est difficile d’avoir l’âge d’une machine, encore que cela puisse faire débat. Quant au prix Nobel, on l’attribue à des personnes ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité, par leurs inventions, leurs œuvres ou leurs travaux en faveur de la paix. D’aucuns ironiseront que l’on pourrait récompenser les machines. Toutefois, l’utilisation répandue de l’article indéfini dans l’expression “des IA” suscite le doute.

Et si, si l’on accepte l’idée de décerner le prix Nobel à une machine, pourquoi ne la distinguerait-on pas de la Légion d’honneur si elle avait rendu des services éminents à la nation, par exemple si elle avait contribué à déjouer des attentats terroristes ? Et, dans cette éventualité, ne faudrait-il pas aussi envisager de la lui retirer au cas où elle se montrerait indigne ? Mais, là, peut-être serait-il trop tard…