11 septembre 2017 |
La Revue POLYTECHNIQUE 06/2017 |
Entraînement
Comment choisir un moteur électrique
Edouard Huguelet
Cet article est inspiré du cours «Critères pour le choix d’un moteur électrique)» organisé par la FSRM. Il s’agit d’un nouveau cours d’un jour qui a pour enseignant Sébastian Gautsch, docteur en microtechnique de l’Université de Neuchâtel, responsable de stages et enseignant à l’EPFL et à la HES de Bienne (techniques d’entraînement).
Après un rappel des lois de mouvement (parcours, vitesses, accélérations) et des notions de couple (inertie, rappel du théorème de l’inertie), couple réduit, inertie réduite), le cours aborde les principes de fonctionnement des diverses formes de moteurs électriques, pour aboutir à leurs critères de dimensionnement, en tenant compte de la cinématique du système entraîné, du mode d’entraînement (entraînement direct, réducteur) et des systèmes de mesure de rétroaction (codeurs). Le support de cours est issu de celui utilisé à la HES de Bienne par l’auteur, pour l’enseignement des systèmes d’entraînement micromécaniques. Cet article est un aperçu de ce cours, mais n’entre pas dans les développements mathématiques.
Quelques rappels
Les couples de forces tendent à mettre un système en rotation, le centre de gravité demeurant inchangé. Le moment d’inertie d’un solide est caractérisé par sa masse et sa géométrie. Il quantifie également la résistance à sa mise en rotation, en l’occurrence dans le cas d’un axe cylindrique, à son accélération angulaire.
Intervient la notion de «jerk» (en physique, le vecteur d’à-coup, plus communément appelé «jerk» aux États-Unis ou «jolt» en Grande-Bretagne, est la dérivée du vecteur accélération par rapport au temps, soit la dérivée troisième par rapport au temps du vecteur position). L’à-coup est donc un vecteur défini par trois fonctions temporelles – typiquement ses trois composantes selon les axes x, y et z en coordonnées cartésiennes.
Les systèmes sont rarement à entraînement direct (moteur - élément en rotation). Le plus souvent, le moteur sera muni d’un réducteur de vitesse (ou d’un mécanisme multiplicateur) et les éléments entraînés en aval sont fréquemment des dispositifs comportant des transformations de mouvement, d’où l’intervention de rapports de transmission et l’étude cinématique. S’y ajoute le rendement total (pertes de puissance dues aux frottements) entre l’entrée et la sortie du système. Il s’agit donc, en tenant compte de tous ces facteurs, de déterminer le couple nécessaire à l’arbre de sortie du moteur, dit «couple réduit».
Un cas spécial et qui concerne tout particulièrement l’industrie des machines et la robotique, est celui de l’entraînement par vis à billes, qui est un organe de machine transformant le mouvement de rotation en mouvement linéaire. Là le diamètre, le pas de la vis, le rendement global de l’élément vis-écrou à circulation de billes et de l’élément entraîné, sont à prendre en considération.
Enfin, l’influence de la température est aussi déterminante. En effet la résistance des conducteurs du rotor (pour le cuivre 0,004/°C) croît avec l’échauffement du moteur, dissipé selon la Loi de Joule. La plupart des fabricants de moteurs proposent des tables numériques comportant toutes les données et bases de calcul nécessaires à l’intégration de moteurs dans des systèmes.
Les différents types de moteurs
Les moteurs à courant continu
Le champ magnétique du stator (partie fixe) est constant, car alimenté par une tension électrque continue. Plusieurs bobinages sont disposés à la suite les uns des autres sur la partie mobile (rotor). Les moteurs à courant continu peuvent fonctionner sur toute la gamme de vitesses et leur utilisation est simple.
En revanche, le collecteur possède une durée limitée de bon fonctionnement et les balais de contact doivent fréquemment être changés… lorsque la conception du moteur le permet. Deux types de matériaux sont utilisés pour les collecteurs: graphite/cuivre (bon marché mais usure rapide, ils peuvent transmettre des courants importants) ou en métaux précieux (solution coûteuse, longue durée de bon fonctionnement, mais ne supportent pas de grandes intensités de courant).
Les moteurs électriques à courant continu les plus répandus sont à aimant permanent avec rotor en fer. Ils sont peu coûteux, mais possèdent une inertie importante et ne sont pas adaptés à de trop fortes variations de vitesse. Le champ magnétique est induit par des aimants permanents et le rotor est constitué d’une structure en fer sur laquelle sont enroulés les bobinages. Le collecteur agit sur des contacts placés à l’axe du rotor.
Les moteurs à courant continu avec rotor sans fer fonctionnent sans à-coups, même à faible vitesse. Les pertes de fer sont par définition inexistantes, la magnétisation est constante et le rendement est élevé (supérieur à 90 %). Le moment de rotation est proportionnel au courant du moteur. Plus l’aimant est fort, plus le moteur est puissant. En outre ils sont compacts et conviennent à des applications à haute dynamique. Les temps de démarrage typiques se situent dans la fourchette de 5 à 50 ms. Des vitesses de plusieurs milliers de tr/min peuvent être atteintes.
Éclaté d’un moteur à courant continu sans balais maxon DCX avec réducteur de vitesse à engrenage planétaire.
Source: maxon motor ag
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Les moteurs EC
Pour les moteurs EC (EC pour «Electronic Commutation»), appelés également moteurs à courant continu sans balais (ou moteurs brushless), une commutation électronique pilotée par un microcontrôleur est nécessaire. Elle génère les caractéristiques de fonctionnement, notamment les vitesses, accélération et décélération. N’ayant pas de collecteurs, ces moteurs ont une durée de bon fonctionnement élevée, typiquement 20’000 heures. Ils peuvent tourner à grande vitesse, certains modèles allant jusqu’à 50’000 tr/min. Leur coût est en revanche important et ils sont destinés à des applications exigeantes. Une variante consiste en des moteurs à rotor extérieur: le rotor est en forme de cloche et le stator est à l’intérieur, ce qui confère une inertie importante au rotor. Deux constructeurs notamment (AXEM et maxon), proposent ce genre de moteurs sous une forme plate, discoïdale. L’inertie du rotor est importante.
Les moteurs pas-à-pas
Les moteurs pas-à-pas sont alimentés, au moyen d’un circuit de découpage, par une tension modulée (impulsions rectangulaires, à une seule phase ou avec des phases décalées – jusqu’à cinq phases), chaque phase correspondant à des bobines alimentées séparément. De ce fait, la vitesse du moteur est conditionnée par sa fréquence d’alimentation. Ce ne sont pas des moteurs rapides et ils dépassent rarement les 3000 tr/min.
La valeur du pas est définie par un angle (1,8°, par exemple, ou par le nombre de pas par tour - 200 pas par tour, par exemple). Ces moteurs sont utilisés pour des applications de régulation à boucle ouverte. De ce fait, pour des applications de positionnement, pour éviter le glissement et conserver une bonne synchronisation, il est recommandé de dimensionner le moteur en appliquant un coefficient de sécurité, en général de 1,3. En effet, pour certaines vitesses, la résonance peut faire perdre des pas. Des couplages élastiques peuvent amortir cet effet.
Ces moteurs sont peu délicats, ont une longue durée de vie et ne nécessitent aucun entretien. Ils sont réalisés selon trois principes différents: à réluctance variable, à aimant permanent et hybrides (combinant les deux principes précédents). Les moteurs hybrides ont une résolution angulaire pouvant aller jusqu’à 0,72° par pas.
Les moteurs linéaires
Ces moteurs sont de plus en plus utilisés dans la conception d’entraînements de machines-outils, évitant le besoin de conversion de mouvement circulaire en mouvement linéaire nécessité par les systèmes d’entraînement par vis à billes, d’où une cinématique simplifiée et la possibilité d’obtenir des accélérations et des vitesses de translation plus importantes.
Le principe du moteur linéaire est le même que celui d’un servomoteur EC. Dans ce dernier, le rotor à aimants permanents (qui n’a donc plus besoin du balai pour capter le courant nécessaire à sa magnétisation, d’où son nom) est entraîné en rotation par le champ magnétique en provenance du bobinage du stator. Pour le moteur linéaire, le chemin magnétique linéaire, constitué d’aimants permanents, sert de base au mouvement de la bobine, laquelle se présente sous la forme d’une piste rectiligne.
La rétroaction
Différents systèmes permettent la mesure de position, à savoir les codeurs numériques qui peuvent délivrer jusqu’à 200’000 incréments par tour, les codeurs avec sortie sinusoïdale, dont la résolution atteint 1’000’000 incréments par tour, ainsi que les codeurs absolus, sous forme de disques comportant des divisions. Dans ce cas, le positionnement est transmis sous forme d’une valeur numérique (code) univoque sur toute la plage de résolution du codeur. Ils peuvent être mono-tour et multi-tours.
Les modes de régulation peuvent être à boucle ouverte ou à boucle fermée. Dans ce dernier cas, les valeurs sont mesurées périodiquement ou en continu sur l’organe entraîné et réintroduites dans le contrôleur, ce qui évite tout décalage entre consigne et état. Dans le cas particulier des machines-outils, les systèmes de mesure de positionnement linéaire ou angulaire sont réalisés, par exemple, sous la forme de règles rectilignes ou circulaires finement graduées sur lesquelles agissent des capteurs optiques qui assurent en continu la transmission au contrôleur des valeurs de positionnement.
Un mot sur l’enseignant
Sebastian Gautsch, docteur en microtechnique de l’Université de Neuchâtel, est actuellement responsable du programme de stages à l’EPFL. Il enseigne les notions de microsystèmes MEMS (microsystèmes électromécaniques) à l’EPFL et les techniques d’entraînement dans l’automatisation à la HES de Bienne. Par le passé, il a dirigé les activités de recherche dans le domaine des outils en nanoscience au sein du Laboratoire des capteurs, actionneurs et microsystèmes (SAMLAB) du CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique).
Un mot sur la FSRM
La FSRM – Fondation suisse pour la recherche en microtechnique a été formellement créée le 9 mai 1978 par la Confédération, les cantons, des villes, des associations professionnelles et 24 entreprises. C’est une fondation de droit privé. Sa mission consiste à promouvoir la microtechnique et ses applications. En 1984, ses laboratoires ont été transférés, ainsi que les chercheurs, au CSEM nouvellement créé. Désormais, sous la houlette de Marcel Écabert, le virage est pris pour une orientation vers la formation continue et la gestion événementielle, par exemple, en 1996, l’organisation du «World Micro Machine Summit» à Montreux. Les cours pour l’industrie ont démarré en 1997. Actuellement dirigée par Philippe Fischer, la fondation compte une dizaine de collaborateurs.
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