Confiance prudente pour 2023 dans l’industrie
Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP)
Le secteur secondaire aborde l’exercice 2023 avec assurance, en dépit de la pression multifactorielle exercée sur les activités, selon le baromètre industriel de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP). La stabilisation de l’activité industrielle à un haut niveau de fonctionnement s’accompagne pourtant de difficultés à maintenir des résultats opérationnels satisfaisants, notamment en raison d’effets liés à l’inflation globale ou à la force du franc suisse. « Si le volume d’affaires des derniers mois semble appelé à se maintenir au cours du premier trimestre pour la plupart des entreprises, les prévisions d’investissement révèlent une réduction qui pourrait annoncer des effets systémiques au sein d’un tissu industriel composé d’entreprises complémentaires et interdépendantes. Cette réduction traduit de ce fait une certaine prudence pour les prochains mois» analyse Patrick Linder, directeur de la CEP. Le nouveau champ d’incertitudes infligées à l’industrie est principalement composé d’inquiétudes énergétiques qui, certes modérées pour l’hiver 2023, continuent de déployer des effets délétères en raison de la hauteur des prix.
Le baromètre industriel de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP) met périodiquement en lumière les tendances de fond de l’industrie de la précision en pratiquant une analyse prospective. Occupant environ un emploi sur deux dans la région du Grand Chasseral (Jura bernois), le secteur secondaire se caractérise par son homogénéité, une grande complémentarité dans les chaînes de valeur et une interdépendance entre ses entreprises.
Les prévisions effectuées par les entreprises en termes de volume d’affaires pour le premier trimestre 2023 démontrent la stabilisation trouvée par le secteur secondaire après un temps de suspension intervenu à l’automne 2022, principalement en raison d’interrogations, alors vives, sur la disponibilité d’électricité pour assurer la production. Les entrées de commandes devraient correspondre à celles des derniers mois pour la majorité des acteurs industriels. «Il convient de réitérer que le niveau de fonctionnement, respectivement de déploiement, de l’industrie régionale s’est fixé, depuis deux ans, à une hauteur considérable mobilisant l’essentiel des capacités de production. Cette phase de stabilisation demeure donc positive, spécialement en regard d’un contexte global compliqué par l’inflation, les conflits et les perturbations des chaînes d’approvisionnement » résume Patrick Linder, directeur de la CEP.
Une forte pression s’exerce chroniquement sur les résultats opérationnels en raison de la force du franc suisse ; elle s’opère aussi de manière conjoncturelle avec une tendance à la hausse des prix (matière et composants) et de façon ponctuelle (dans une durée difficile à évaluer) avec l’embrasement du prix de l’électricité. Ces différents facteurs impactent directement la profitabilité des entreprises et agissent négativement sur les marges. « L’irruption de nouvelles variables - déterminantes et ingérables - dans l’équation de la profitabilité des activités industrielles en Suisse en complique âprement la résolution » image Patrick Linder.
En termes d’investissement, les acteurs industriels manifestent pour les prochains mois une forme de réserve intervenant cependant après une séquence de grande intensité. Des disparités existent toutefois en la matière et des entreprises, de grande taille, entraînent avec elles le tissu industriel régional en poursuivant de massifs efforts d’investissement qui rejaillissent sur l’ensemble des acteurs. En effet, la dimension systémique de l’industrie régionale accentue l’importance de l’investissement pour la pérennité des PME complémentaires qui le constituent. Conditionnant en dernière analyse les capacités fondamentales d’innovation , le niveau d’investissement demeure donc satisfaisant malgré sa baisse.
Enfin, après une période incertaine à l’automne 2022, la plupart des entreprises affiche un aplomb retrouvé et envisage le maintien du niveau de développement voire, pour certaines, un déploiement sur 2023. « Le degré de confiance de l’industrie qu’il est possible de déduire au travers des anticipations du baromètre industriel est symptomatique du changement s’étant opéré entre l’automne 2022 et le début 2023 souligne Patrick Linder. Si les doutes sur l’approvisionnement électrique laissaient alors planer de graves menaces sur le maintien d’activités de production, ils ont été insensiblement transférés vers des problèmes plus opérationnels, donc gérables, malgré les difficultés engendrées ».
Craintes électriques momentanément repoussées
Les entreprises industrielles de la région du Grand Chasseral (Jura bernois) ont été invitées à développer l’impact pressenti des incertitudes concernant l’électricité (disponibilité et prix) pour leurs activités en 2023 et à procéder à une pondération par rapport à leurs autres préoccupations.
Une analyse d’ensemble démontre que les interrogations graves du mois de septembre au sujet de la disponibilité d’électricité pour alimenter des activités de production ont pu être progressivement tempérées. Les préoccupations critiques des entreprises concernaient en premier lieu des scenarii de pénurie qui ont peu à peu perdu en probabilité alors que la réalisation des cas de figure les plus sérieux du plan OSTRAL semblaient s’éloigner. Reste la question de l’explosion du prix du kilowatt/heure qui affecte diversement les acteurs économiques. Il faut tout d’abord rappeler que bon nombre d’entreprises avaient déjà négocié leurs tarifs électriques pour 2023, voire 2024 ou 2025, et restent donc préservées des grandes variations brutales intervenues depuis l’été 2022. Pour d’autres subsiste la contrariété engendrée par les coûts de l’électricité en dépit de mesures d’économie et, dans certains cas, de répercussions sur le prix des produits affectant ainsi la compétitivité des entreprises s’y résolvant. Déplaisant, le paramètre du coût est donc désormais intégré dans la plupart des plans et peut être géré malgré les difficultés supplémentaire engendrées.
En revanche, les acteurs industriels confirment l’inscription de la problématique dans le moyen terme, notamment au niveau du besoin de garantie de disponibilité d’électricité, respectivement de visibilité. La gestion fédérale erratique doit être déplorée, tout comme la communication lacunaire sur les différents plans d’action fustigée. « Une anticipation est nécessaire pour l’hiver 2024 afin d’éviter de nouveaux traumatismes inutiles alors que la plausibilité de pénuries reste est élevée » assène Patrick Linder. Parallèlement, les entreprises ont initié différentes actions de moyen terme pour amortir les éventuels impacts futurs sur leurs activités. De nombreux investissements sont par exemple à l’étude pour produire ou économiser de l’énergie (photovoltaïque, éclairage, isolation, remplacement d’équipements à la consommation élevée) mais c’est particulièrement dans le registre de l’efficience énergétique dans la production industrielle qu’un nouveau chantier s’est subitement ouvert pour tout le système de production régional. D’importantes avancées devraient pouvoir être obtenues à terme dans ce domaine, mais souvent, les données précises font défaut et empêchent des actions ciblées. C’est principalement par des tâtonnements, des essais concrets et le partage de bonnes pratiques que les entreprises sont parvenues, récemment, à améliorer leur consommation d’énergie dans le cadre de la production. Cette problématique promet donc d’être arpentée méthodiquement dans les prochaines années et pourrait alimenter des innovations.