Du carbone dans le béton ou comment construire avec des matériaux négatifs en CO2
Stephan Kälin, empa
Le secteur de la construction comme puits de CO2 ? C’est sur quoi travaillent les chercheurs du « Concrete & Asphalt Lab » de l’Empa. En incorporant du charbon végétal dans le béton, ils explorent le potentiel d’un béton neutre ou même négatif en termes de CO2. Pour une praticabilité optimale, ils transforment préalablement le charbon en granulés et remplacent ainsi les granulats disponibles dans le commerce.
Pour atteindre l'objectif d'une Suisse climatiquement neutre d'ici à 2050, des stratégies et des processus présentant un bilan CO2 négatif sont nécessaires. Ces technologies dites à émissions négatives (NET) contrebalancent les émissions qui subsisteront probablement en 2050 et doivent contribuer à ce que le résultat du calcul des émissions soit en fin de compte "zéro net". Le secteur de la construction, l'un des principaux émetteurs, est particulièrement concerné. Près de huit pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de la production de ciment. Parallèlement, des efforts commencent à être faits pour utiliser le secteur de la construction, avec sa consommation massive de ressources, comme un possible puits de carbone. Ce qui semble paradoxal ne sera possible que si nous commençons à "construire avec du CO2", c'est-à-dire à utiliser le carbone pour la fabrication de matériaux de construction et à le retirer ainsi de l'atmosphère à long terme. Pour que de telles visions deviennent un jour réalité, il faut un grand travail scientifique préalable – comme celui qui est actuellement effectué au "Concrete & Asphalt Lab" de l'Empa. Une équipe dirigée par Pietro Lura développe un procédé permettant d'intégrer le charbon végétal dans le béton de manière pratique.
Difficultés liées à la porosité
Le charbon végétal est produit par un processus de carbonisation pyrolytique à l'abri de l'air et se compose en très grande partie de carbone pur – le carbone que les plantes ont prélevé dans l'atmosphère sous forme de CO2 lors de leur croissance. Alors que le CO2 s'échappe lors de la combustion des plantes, il reste stable à long terme dans le charbon végétal. Aujourd'hui déjà, on trouve sur le marché les premiers produits en béton avec du charbon végétal intégré. Mais le charbon est souvent incorporé au béton sans être traité, ce qui peut entraîner quelques difficultés. "Le charbon végétal est très poreux et absorbe donc non seulement beaucoup d'eau, mais aussi des additifs coûteux utilisés dans la fabrication du béton", explique Mateusz Wyrzykowski, chercheur à l'Empa. "De plus, la manipulation est difficile et n'est pas sans danger. La poussière de charbon est problématique pour les voies respiratoires et présente un certain risque d'explosion".
Pour ces raisons, les chercheurs proposent dans leur article qui vient de paraître dans le "Journal of Cleaner Production" de transformer le charbon végétal en granulés. "De tels granulats légers existent déjà aujourd'hui à partir d'autres matériaux comme l'argile expansée ou les cendres volantes. Le savoir-faire en matière de manipulation de ces matériaux est disponible dans le secteur, ce qui augmente les chances de voir le concept passer à la pratique", explique Mateusz Wyrzykowski.
Zéro net à 20% de volume de béton