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30 novembre 2020 | La Revue POLYTECHNIQUE | Éditorial

De la vie sur Vénus ? Un « remake » ! (éditorial 11/2020)

Michel Giannoni

L’enthousiasme planétaire qu’a suscité l’annonce de l’astronome Jane Greaves lors d’une conférence de presse à l’université de Cardiff, le 14 septembre dernier, est révélateur de la démesure de notre société ultra médiatisée. « Découvrir des traces de vie sur Vénus, c’est la révélation du siècle, à relayer par les médias du monde entier ! », pourrait-on penser. Alors que la seule découverte – encore à confirmer – faite par l’équipe des universités de Cambridge, de Cardiff et du MIT, est la présence d’une quantité anormale de phosphine dans l’atmosphère vénusienne. Le reste n’est que spéculations.

La phosphine – un hydrure de phosphore de formule PH3 – est certes un marqueur biologique qui n’est synthétisé naturellement sur Terre que par certains micro-organismes, dans des zones humides ou marécageuses. Néanmoins, cette molécule a déjà été détectée ailleurs dans le Système solaire, dans les atmosphères de Jupiter en 1974 et de Saturne, un an plus tard. Et ces planètes n’abritent aucune forme de vie ! Dans cet environnement extra - terrestre, l’origine abiotique de cette molécule s’explique par une absence d’acidité et, surtout, par les quantités phénoménales d’hydrogène qui forment ces planètes géantes.

Or ce n’est pas le cas de l’atmosphère de Vénus, composée de plus de 90 % d’acide sulfurique – des concentrations mortelles, même pour des extrêmophiles terrestres comme Sulfolobus acidocaldarius, par exemple. En outre, comme la phosphine réagit violemment avec les acides et les oxydants, on comprend les doutes émis par plusieurs chercheurs sur la réalité de cette découverte, d’autant plus que le signal détecté dans le spectre de l’atmosphère vénusienne est extrêmement faible – une concentration estimée à 0,020 ppm. La production de PH3 dans de telles conditions est donc fort improbable.

Par ailleurs, bien que la phosphine soit un sous-produit de l’activité de bactéries, affirmer que sa présence dans les atmosphères de planètes de type tellurique serait un signe de vie, est pour le moins hasardeux. Visiblement, avec leur communiqué de presse, les chercheurs des universités britannique et du MIT ont voulu « faire le buzz », alors qu’une telle découverte devait d’abord être destinée à la communauté scientifique, sans insister autant sur l’aspect « signe de vie », un unique indice non confirmé étant insuffisant pour constituer une biosignature. L’article publié dans Nature Astronomy aurait d’ailleurs été refusé par une revue prestigieuse.

Cette annonce n’est certes pas une infox, il s’agit plutôt d’une sorte de « remake » des fameux épisodes de la mémoire de l’eau, de la fusion froide ou des neutrinos se déplaçant plus vite que la lumière. Et on espère vraiment que tel ne sera pas le cas du vaccin à ARN messager que BioNTech et Pfizer viennent de mettre au point pour se prémunir de la Covid-19, et qui suscite un immense espoir dans le monde entier.