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01 août 2024 | La Revue POLYTECHNIQUE | Énergie & Environnement

Des algues comme énergie verte et locale

Source : Journal de Morges, par Sarah Rempe.

(De g. à d.) Jean-François Rubin (Maison de la Rivière), Pauline Lourenço (Maison de la Rivière), Alexandre Closset (Ellee Motion SA), Hugo Mireur (Ellee Motion SA) et Jérémy Olivier (HEPIA) poursuivent le même but: valoriser les macrophytes et la biodiversité.

Photo : Martin/VQH

Un projet mené notamment par la Maison de la Rivière vise à transformer des plantes aquatiques en hydrogène. De quoi créer une énergie 100% locale, mais aussi de favoriser la biodiversité.

Pourrait-on un jour se chauffer avec des algues? La question est naïve et bien simplifiée, mais, dans les faits, cela pourrait arriver. La Maison de la Rivière travaille depuis quelque temps avec plusieurs partenaires sur un projet nommé "Deep Blue Hydrogen" (littéralement, de l'hydrogène bleu profond), dont le but est de développer un système de macrophytes, plus précisément de macrophytes, afin de les transformer en hydrogène, tout en réduisant de manière diminuant l'impact carbone et soutiendrait la biodiversité.

Vraie demande

Ces derniers mois, la consommation énergétique et tout ce qui en découle ont beaucoup fait parler dans le pays. En 2021, soit avant la guerre en Ukraine, la Suisse importait 43 % de gaz de Russie, 22 % de Norvège et encore 19 % d'Europe. En hiver, on comprend donc que notre production ne suffit pas à faire la demande. Et en été, par contre, on produit beaucoup plus d'électricité que ce qu'on consomme, il faut alors la stocker, mais cela demanderait l'équivalent de 100 millions de batteries de voiture Tesla pour y parvenir, il est donc question d'anticiper les pénuries. Car, pour produire de l'hydrogène, il se conserve beaucoup plus facilement, explique Jean-François Rubin, directeur de la Maison de la Rivière.

C'est ici qu'intervient l'idée d'utiliser des macrophytes, afin de les transformer pour produire de l'hydrogène, de façon à être énergétique. "Actuellement, ce sont les communes qui s'occupent de faucarder (ndr: couper les algues), poursuit le directeur. Mais une charge qui leur coûte de l'argent, pour transporter et éliminer les déchets. On aimerait transformer ces derniers en une ressource qui rapporte."

Deux axes

Une volonté simple sur le papier, mais dont la réalisation demande de nombreux tests. Car les objectifs sont multiples. D'une part, récolter les macrophytes sur les lacs naturels et de l'autre en cultiver dans des récifs, ce qui permettrait également de favoriser la biodiversité. "La problématique sur ces étendues, c'est que le niveau de l'eau change constamment, détaille Jean-François Rubin. Dès lors, il n'est pas toujours possible d'y faire des plantations. Les fonds n'y trouvent leur compte que rarement et ils sont souvent stériles. En étudiant et cultivant plusieurs types de macrophytes, on pourra créer des habitats favorables à la faune aquatique. Pour le faire, la Maison de la Rivière est en train d'expérimenter un radeau particulier en série."

En ce qui concerne les macrophytes des lacs naturels, le faucardage sera dans un premier temps assuré par les communes. Il est prévu ensuite d'utiliser ce processus pour les sécher avant d'engager le processus de gazéification.

Pour cette phase pilote, les partenaires du projet "Deep Blue Hydrogen" pourront s'appuyer sur la société Clean Carbon Conversion, basée dans le canton de Schwyz. Cette dernière œuvre depuis plus de dix ans sur un procédé d'hydrolyse à haute température (1100 °C) qui possède une machine capable de gazéifier toutes les molécules organiques, quelle que soit leur provenance. "Le faucardage n'a lieu qu'une à deux fois par année, alors le reste du temps, on pourrait transformer d'autres biomasses, déclare Jean-François Rubin. Et si le projet est actuellement en Suisse allemande, l'idée est de pouvoir l'étendre à un niveau plus proche."

Sur les lacs artificiels

Avec l'aide de la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (HEPIA), la Maison de la Rivière a mis en place un radeau afin de tester la culture de différentes macrophytes. L'objectif est de déterminer celles qui sont les plus aptes à croître dans les caisses expérimentales créées pour l'occasion. Une quantité de biomasse est obtenue pour chaque espèce. "L'idée est véritablement de cultiver des macrophytes, souligne Jean-François Rubin. Par la suite, c'est des radeaux de ce type que des habitats favorables à la faune aquatique dans les lacs artificiels." (Cela permettrait de faire des herbiers pour la faune et dans un temps de récupération et transformation en matière de l'hydrogène), conclut-il.

Un atout de plus

En plus de l'hydrogène, cette "machine à gaz", a un second atout : elle est capable de générer un matériau qu'il reste après gazéification, expose Alexandre Closset. C'est un matériau solide, isolant, qui résiste et qui est surtout très riche en carbone." Le matériau est notamment très prisé pour les constructions. "Il allège un peu l'utilisation de l'eau, ce qui est par exemple très pratique pour les sols, là où on cherche à planter beaucoup d'arbres pour récupérer la chaleur," indique Jean-François Rubin. Et Alexandre Rosset de compléter : "On peut l'utiliser pour créer des matériaux de construction. Le marché du biochar est croissant en Europe."

L'accord de tous les partenaires, de ce projet prometteur. Ils se laissent deux ans pour effectuer tous les tests nécessaires à une éventuelle mise en œuvre à grande échelle.