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08 janvier 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2015 | Énergie

Des progrès dans le développement des petits réacteurs

Une douzaine de pays font progresser le développement des petits réacteurs nucléaires modulaires (Small Modular Reactors, SMR). Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, cette catégorie de centrales électriques a le potentiel d’améliorer l’approvisionnement énergétique mondial.
Dans une étude intitulée «Advances in Small Modular Reactors Technology Developments», l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) recense 31 concepts de SMR. Dans son Bulletin 2/2015 dont nous reproduisons des extraits ci-après, le Forum nucléaire suisse présente ceux qui sont les plus avancés.

L’intérêt des pays membres pour le développement des SMR a augmenté, constate l’AlEA dans son étude. Elle explique cette évolution par plusieurs facteurs: la recherche de solutions permettant d’approvisionner avec souplesse des groupes cibles étendus, la nécessité de remplacer des centrales fossiles vieillissantes, la volonté de disposer de systèmes possédant des caractéristiques de sûreté passive et intrinsèque. Les SMR avancés reprennent, en effet, différents acquis des gros réacteurs en matière de sûreté et de fiabilité. Les développeurs y ajoutent le dimensionnement, l’exploitation, les matériaux et le facteur humain, concevant ainsi des solutions astucieuses d’un seul tenant.
 
Le Korea Atomic Energy Research Institute (Kaeri) est le premier développeur à avoir obtenu, en juillet 2012, l’homologation d’un SMR, le Smart (System Integrated Modular Advanced Reactor), un réacteur intégré à eau sous pression.
(Photo: Kaeri)

 

Les aspects économiques
Les SMR présentent aussi un intérêt économique. Tout d’abord parce que les modules seront produits en série. L’objectif est de construire ces modules en usine, puis de les livrer clé en main au client. On raccourcit ainsi les temps de construction, tout en augmentant la qualité. Par ailleurs, certains concepts de SMR sont conçus pour que l’on puisse exploiter plusieurs modules dans une tranche nucléaire. Cela permet notamment d’atténuer les pics d’investissement lors de la construction.
Certains concepts visent à fournir non seulement de l’électricité, mais aussi de la chaleur industrielle, pour les installations de dessalement, par exemple. Etant donné le faible niveau de puissance de leurs tranches (inférieur à 300 MWel, les SMR peuvent également être installés dans des régions reculées, qui ne sont pas raccordées à des réseaux d’électricité performants.
Les SMR regroupent un vaste éventail de conceptions et de technologies. Dans son étude, l’AIE distingue:
  • les SMR avancés (parmi lesquels figurent les réacteurs modulaires et ceux dotés d’une cuve intégrée);
  • les SMR innovants (parmi lesquels figurent les concepts de petits réacteurs de quatrième génération, qui sont modérés ou refroidis par un fluide autre que l’eau);
  • les SMR modifiés (parmi lesquels figurent les installations flottantes et celles conçues pour être ancrées aux fonds marins à proximité des côtes);
  • les SMR conventionnels de deuxième génération.
 
Les obstacles
Selon l’AlEA, l’intérêt pour la technologie SMR va croissant. Celle-ci est de plus en plus perçue comme une option pour la production d’électricité de demain. Mais pour que ces nouveaux concepts puissent prendre pied sur le marché, leurs développeurs doivent prouver qu’ils répondent aux plus hautes exigences en matière de sûreté et de fiabilité, et qu’ils peuvent être exploités de façon rentable. L’un des défis posés aux constructeurs de réacteurs étant les coûts de développement, l’AlEA estime qu’un soutien étatique pourrait être nécessaire jusqu’à la mise en service des premiers SMR de type avancé.
Les concepts de SMR englobent, entre autres, des réacteurs refroidis à l’eau, des réacteurs à haute température refroidis au gaz, ainsi que des réacteurs à spectre neutronique rapide refroidis au métal liquide. Dans son étude de septembre 2014, l’AlEA ne mentionne plus que les deux premières catégories, alors qu’elle avait pris en compte un éventail plus large de types de réacteurs dans sa publication de septembre 2012 («Status of small and medium sized reactor designs»).
 
 
Quatre SMR déjà en construction
Plus de 45 concepts de SMR prévus pour différentes applications sont actuellement en développement. La construction de quatre d’entre eux a déjà été lancée: le Carem-25 en Argentine, le HTR-PM en Chine, ainsi que le KLT-40S et le RITM-200 en Russie. Le Carem-25 et le HTR-PM sont des installations de démonstration. Deux réacteurs KLT-40S iront alimenter la centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov installée près de la ville de Vilioutchinsk, au large de la péninsule du Kamtchatka. Quant au RITM-200, il est destiné à assurer l’approvisionnement en énergie d’un brise-glace.
Le prototype argentin Carem-25 est officiellement en construction depuis le 8 février 2014.ll s’agit d’une installation de démonstration d’une puissance électrique de 25 MW, qui est bâtie à côté des réacteurs à eau lourde sous pression d’Atucha, à quelque 100 km au nord-ouest de Buenos Aires. Il constitue la variante la plus petite de la «Central Argentina de Elementos Modulares» (Carem), dont la puissance s’échelonnera entre 150 et 300 MW. Le Carem est un système intrinsèquement sûr à eau sous pression de conception indigène, dans lequel le refroidissement du réacteur se fait par circulation naturelle.
La centrale nucléaire flottante Akademik Lomonosov est en construction depuis 2007. Elle fonctionnera avec deux réacteurs KLT-40S d’une puissance électrique de 35 MW chacun, qui seront alimentés par de l’uranium enrichi à moins de 20 %. Le cycle du combustible est de 28 mois. Le réacteur est conçu pour une durée de vie de 40 ans. Le premier réacteur KLT-40S, avec sa cuve, ses éléments internes, son pressuriseur, ses pompes de caloporteur, ses générateurs de vapeur et sa tuyauterie, a été placé avec succès sur la barge en septembre 2013. La centrale nucléaire flottante est construite par le chantier naval Baltiskii Zavod à Saint-Pétersbourg. La construction doit se terminer fin 2016 et la production d’électricité débuter en 2017.
La Russie prévoit, par ailleurs, de mettre en service le premier brise-glace nucléaire de classe LK-60 vers 2017. Il sera propulsé par deux réacteurs de type RITM200. Tout comme le Carem, le RITM-200 sera doté d’une cuve intégrée contenant à la fois le cœur du réacteur et le générateur de vapeur. Chaque réacteur aura une puissance thermique de 175 MW et sera équipé de quatre pompes de circulation externes. Le taux d’enrichissement du combustible est inférieur à 20 %. Le brise-glace pourra rester en service plusieurs années sans devoir être réapprovisionné en combustible.
Dans le cadre de son plan scientifique et technologique 2006-2020, la Chine a lancé une série de projets de recherche et développement. Parmi eux figure le Shandong Shidaowan (également appelé Shidao-Bay 1), un réacteur de type HTR-PM (High-Temperature Gas-cooled Reactor-Pebble Bed Module) en construction depuis décembre 2012 sur la côte est de la Chine. L’AlEA classe ce type de réacteur parmi les SMR innovants. L’hélium utilisé pour le refroidissement sort du réacteur à une température pouvant atteindre 750 °C, si bien que le réacteur peut aussi être utilisé pour des procédés nécessitant de la chaleur à haute température. Le combustible du HTR-PM se compose de microbilles d’uranium enrobé, qui sont regroupées dans des boules de graphite de 6 cm de diamètre. Le taux d’enrichissement du combustible est de 8,5 %. Une tranche nucléaire comprend deux modules d’une puissance thermique de 250 MW chacun qui entraînent une turbine. Elle fournit ainsi une puissance électrique de 200 MW. Le HTR-PM sert de réacteur de démonstration.
Dans sa vue d’ensemble actualisée des SMR. l’AlEA a intégré plusieurs nouveaux concepts:
  • ACP-100 (China National Nuclear Corporation, Chine)
  • DMS (Hitachi-GE Nuclear Energy, Japon)
  • GT-HTR300 (Japan Atomic Energy Agency, Japon)
  • ELENA (centre de recherche de l’Institut Kourtchatov, Russie)
  • MHR-T (OKBM Afrikantov, Russie)
  • MHR-100 (OKBM Afrikantov, Russie)
  • RUTA-70 (Research and Development Institute of Power Engineering et Institute of Physics and Power Engineering, Russie)
  • HTMR-100 (Steenkampskraal Thorium Ltd., Afrique du Sud)
  • SMR-160 (Holtec International, Etats-Unis)
  • SC-HTGR (Areva, Etats-Unis)
  • Xe-100 (X-energy, Etats-Unis)
 
Bibliographie
  • Les petits réacteurs, une autre voie pour l’industrie nucléaire. Sciences et Avenir, octobre 2014
  • Des petites centrales nucléaires modulaires, éventuellement nomades: utopie ou avenir? Bernard Bonin, CEA
  • Les réacteurs nucléaires de faible puissance ou SMR, Jacques Chénais, Conférence «Partager le Savoir», Lisbonne, 15 mai 2014