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16 juillet 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2024 | Technique médicale

Distribution de médicaments par fibre textile

Des chercheurs de l’Empa développent des fibres en polymères capables de délivrer des principes actifs avec précision sur une longue période. Ces « fibres à noyau liquide », qui contiennent des médicaments, se transforment ainsi en textiles médicaux de pointe.

Une innovation médicale de l’EMPA permet de délivrer des médicaments de manière ciblée via des textiles. © Empa

Le traitement d’une plaie ou d’une inflammation directement à l’en­droit où elle se produit présente des avantages évidents : le principe actif atteint immédia­tement sa cible, sans effets secon­daires sur les par­ties du corps non concernées. Tou­tefois, les méthodes d’administration lo­cales courantes atteignent leurs limites lorsqu’il s’agit de doser avec précision des principes actifs sur une longue pé­riode. Dès qu’une pommade sort du tube ou que le liquide d’injection s’écoule de la seringue, il est impossible de contrôler la quantité de prin­cipe actif libérée.

Une innovation dans les fibres médicales

Edith Perret, une chercheuse du laboratoire Advanced Fibers de l’Empa à Saint-Gall, développe des fibres médicales aux va­leurs internes très particulières : les fibres polymères entourent un noyau liquide contenant des principes actifs médicaux. L’objectif étant de créer des produits mé­dicaux aux capacités uniques, tels que des sutures chirurgicales, des pansements et des implants textiles capables d’adminis­trer des analgésiques, des antibiotiques ou même de l’insuline avec précision sur une longue durée. Cela permettrait éga­lement un dosage individualisé, en adé­quation avec une médecine personnalisée.

La chercheuse de l’Empa Edith Perret à l’origine des fibres polymères délivrant des médicaments de manière ciblée.

Des matériaux biocompatibles et biodégradables

Le matériau de la gaine de la fibre est un facteur décisif dans la transformation d’une fibre textile dans un dispositif médi­cal. L’équipe de chercheurs a choisi le po­lycaprolactone (PCL), un polyester biocom­patible et biodégradable déjà utilisé dans le domaine médical. L’enveloppe fibreuse contient le principe actif – un analgésique ou un antibiotique, par exemple – qu’elle libère progressivement dans l’environne­ment. Les chercheurs ont produit sur une installation pilote, des fibres PCL dotées d’un noyau continu de liquide, au moyen d’un filage par fusion. Les premiers essais en laboratoire ont montré que les fibres à noyau liquide étaient à la fois stables et flexibles.

Un contrôle précis des fibres

Les paramètres influençant la libération des médicaments à partir des fibres mé­dicales ont été étudiés à l’aide de subs­tances modèles fluorescentes, puis de différents médicaments. Les petites mo­lécules, comme l’analgésique ibuprofène, se déplacent progressivement à travers la structure de la gaine extérieure, tandis que les plus grosses molé­cules sont li­bérées aux ex­trémités des fibres . Les propriétés des fibres peuvent être contrôlées avec pré­cision grâce à divers paramètres, comme l’épaisseur de la gaine et la structure cris­talline du matériau.

Faisceau de fibres d’environ 1 mm de large agrandi 80 fois (microscopie électronique, photo colorée).

Efficacité à long terme et rechargement

La capacité à libérer un principe actif de manière continue sur une longue durée représente l’un des avantages des fibres à noyau liquide, permettant une large gamme d’applications. Les fibres de diamètres allant de 50 à 200 μm ont une taille suffisante pour être tissées ou tricotées en textiles résistants. Elles peuvent éga­lement être implantées dans le corps pour délivrer des hormones, comme l’insuline. De plus, après la libération du médica­ment, elles peuvent être rechargées avec de nouveaux principes actifs.

Un avenir dans les sutures chirurgicales

Les chercheurs de l’Empa veulent désor­mais doter les sutures chirurgicales de propriétés anti­microbiennes. Le nouveau procédé doit permettre de remplir des fibres à noyau liquide avec des substances médicales actives, afin que les tissus soient sutu­rés de manière à empêcher les germes de déclencher des infections. Edith Perret et son équipe sont convaincues qu’une col­laboration future avec des partenaires cli­niques pourrait ouvrir la voie à d’autres ap­plications cliniques innovantes pour ces fibres.