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25 octobre 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2019 | Éditorial

Éditorial (10/2019)

Un visiteur venu d’ailleurs
Lorsque le 30 août dernier, Guennadi Borissov, un astronome amateur ukrainien, pointa vers le ciel le télescope de 65 cm qu’il avait fabriqué, il ne se doutait pas qu’il entrerait dans l’Histoire. L’astre qu’il vit dans sa lunette filait dans le ciel selon une trajectoire hyperbolique inhabituelle, à une vitesse de 40 km/s, tout aussi inhabituelle. Craignant qu’il s’agisse d’un objet menaçant, il publia ses paramètres sur le site Internet des astéroïdes dangereux, en précisant qu’il s’agissait probablement d’une comète. 
Alertés, les observatoires du monde entier pointèrent leurs télescopes afin de tenter de confirmer ou d’infirmer la rumeur selon laquelle cet objet constituerait la première comète jamais détectée venue de l’extérieur du Système solaire. Il s’agirait alors du deuxième corps interstellaire à être découvert après l’astéroïde Oumuamua, repéré le 19 octobre 2017.
Le 11 septembre, l’Union astronomique internationale confirma la nature extrasolaire de l’étrange visiteur et lui donna officiellement le nom de 2I/Borissov – 2I pour deuxième objet interstellaire et ­Borissov du nom de son découvreur, comme c’est la tradition pour les comètes.
Les premières observations montrent que la taille de cet astre serait de l’ordre de quelques kilomètres, alors que son prédécesseur, de forme plus allongée, ne mesurait que 200 m. Et contrairement à Oumuamua, qui était en train de quitter le Système solaire lors de sa découverte, 2I/Borissov a été observé plus tôt et bien avant son passage au plus près du Soleil, prévu pour le 7 décembre prochain. La comète se trouvera alors à moins de deux unités astronomiques de notre étoile et aussi de la Terre. Heureusement, tout risque de collision avec notre planète a été écarté. 2I/Borissov s’éloignera ensuite inexorablement pour quitter notre Système solaire et retourner dans l’espace interstellaire, vers une destination inconnue.
Les scientifiques qui ont commencé à analyser la composition chimique de cet astre, à l’aide du spectrographe Isis équipant le télescope William Herschel situé sur l’île de La Palma aux Canaries, ont déjà pu identifier, dans les gaz libérés par la comète, une molécule d’acide cyanhydrique (HCN). Par ailleurs, des images obtenues avec le télescope TRAPPIST-North (Transiting Planets and Planetesimals Small Telescope) au Maroc ont permis de mesurer la quantité de poussière éjectée par l’astre et d’estimer la taille de son noyau, qui serait comprise entre 0,7 et 3,3 km.
Deux objets interstellaires observés en l’espace de deux ans, donnent à penser que beaucoup ont déjà traversé notre Système solaire et qu’il y en aura d’autres. Cet astre venu d’ailleurs, façonné autour d’une étoile lointaine – probablement dans la constellation de Cassiopée –, qui parcourt la Voie lactée depuis des centaines de millions d’années, est évidemment, pour les scientifiques, une formidable source d’informations sur les mystères de notre galaxie.
 
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par Michel Giannoni