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25 septembre 2019 | La Revue POLYTECHNIQUE 09/2019 | Éditorial

Éditorial (9/2019)

Pitié pour nos hormones !

Parmi les fléaux qui menacent notre population – dont il faut le dire, l’espérance de vie a fait un bond considérable depuis une cinquantaine d’années –, les perturbateurs endocriniens occupent une place de choix. Agissant à de très faibles doses, ces molécules xénobiotiques, polluantes et souvent toxiques bloquent ou modifient l’action des hormones qui régulent la croissance, le développement et la fonction de nombreux tissus, déréglant ainsi le métabolisme. Pratiquement toutes issues de la pétrochimie, elles sont présentes dans les pesticides, les cosmétiques, antibiotiques, détergents, plastifiants, agents ignifuges, tensioactifs, revêtements de sols et bien d’autres objets de la vie courante. Ces micropolluants organiques persistants, qui traversent sans encombre les stations d’épuration ne disposant pas de traitement quaternaire, sont impliqués dans des pathologies telles que l’obésité, l’altération des systèmes reproducteurs, aussi bien masculins que féminins et même dans certains cancers.
Or, dans une étude publiée le 3 septembre, analysant quelque 70 biomarqueurs, l’agence nationale Santé publique France a mesuré la présence de ces substances dans l’organisme de 1104 enfants et 2503 adultes – soit un échantillon représentatif de la population de l’Hexagone. Et les résultats sont alarmants. En effet, ces molécules sont des perturbateurs endocriniens ou des cancérigènes avérés ou suspects, dont les concentrations les plus élevées ont été trouvées chez les enfants. Parmi celles-ci figurent des solvants tels que les éthers de glycol, le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les dibenzo-p-dioxines, les furanes et les biphényles polychlorés (PCB), ainsi que les diphényléthers polybromés utilisés pour ignifuger des objets tels que téléviseurs, ordinateurs, tapis, coussins en mousse, etc. Ces molécules peuvent persister dans l’environnement pendant plusieurs décennies en s’accumulant dans l’atmosphère, la biosphère, ­l’hydrosphère et la lithosphère.
Un autre perturbateur hormonal, le bisphénol A, qui était utilisé dans certains plastiques – notamment dans les biberons –, a été remplacé récemment par d’autres composants, notamment le bisphénol S. Mais ce composé à base de soufre serait bien pire que son prédécesseur. En effet, une étude publiée le 17 juillet dernier dans la revue Environmental Health Perspectives, a montré que cette substance reste bien plus longtemps dans l’organisme et à des concentrations beaucoup plus élevées que le bisphénol A. Les raisons de cette découverte tardive sont probablement à rechercher dans le nombre insuffisant d’étude effectuées avant la commercialisation de ce produit.
En Suisse, le bisphénol A n’est interdit que dans les biberons, alors qu’en France, depuis 2015, il l’est dans tous les contenants alimentaires, tels que canettes, boîtes de conserve, etc. Étrange !
 
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par Michel Giannoni