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04 avril 2016 | La Revue POLYTECHNIQUE 02/2016 | Électrotechnique

Du papier, du scotch et un crayon pour de l’énergie électrique

Un petit dispositif construit avec du matériel du commerce, à savoir du papier cartonné, un crayon et du scotch, fournit suffisamment d’énergie pour allumer quelques diodes. Cette astucieuse découverte d’un postdoctorant de l’EPFL a été présentée à une conférence mondiale sur les micro et nanosystèmes à Shanghaï.
Il est possible de produire de l’énergie avec du papier cartonné, un crayon et du scotch en téflon. Une équipe de l’EPFL, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Tokyo, a mis au point, grâce à ces matériaux, un dispositif d’une surface de 8 cm2, qui permet de générer une tension de plus de 3 V. Une manière simple, écologique et peu onéreuse de créer un courant équivalant à deux piles AA comme celles utilisées pour les télécommandes.

 
 
L’électricité statique pour la mise en marche
Le principe de base de ce système est bien connu, puisqu’il s’agit de l’électricité statique. Lorsque deux matériaux isolants, comme le papier et le téflon, entrent en contact, ils gagnent ou perdent des électrons.
Ce générateur d’énergie que l’on peut réaliser soi-même, est composé de deux petites cartes de papier, dont l’une des faces est recouverte de crayon à papier. Ce dépôt de carbone servira d’électrode. On applique du téflon sur l’autre face de l’une des cartes. Placées l’une sur l’autre, elles forment ainsi un sandwich composé de deux couches de carbone à l’extérieur, suivies de deux couches de papier et une de téflon au centre. Ces couches sont fixées de manière à ce qu’elles ne se touchent pas (le montage est décrit dans le film). Dans un premier temps, le système est donc neutre.
Une simple pression du doigt sur le système fait entrer en contact les deux isolants. Une différence de charge se crée: positive pour le papier, négative pour le téflon. Lorsque les deux cartes sont à nouveau séparées, la charge est répercutée sur les zones de carbone qui servent d’électrodes. Un condensateur placé sur le circuit récupère le faible courant généré.
 
Du papier de verre pour augmenter le rendement
Afin d’accroître le rendement de son dispositif, Xiao-Sheng Zhang, postdoctorant au Laboratoire de microsystèmes de l’EPFL et à l’Université de Tokyo, a utilisé du papier de verre. Pressé fortement contre les petites cartes, il leur imprime sa surface rugueuse, augmentant ainsi la zone de contact. Cette astuce permet d’améliorer de six fois l’efficience du dispositif. En appuyant avec le doigt â une fréquence d’une fois et demie par seconde, le condensateur fournit une tension équivalant à deux piles AA pendant un court laps de temps. C’est suffisant pour activer des micro ou nanocapteurs, qui n’ont besoin que de peu de puissance électrique pour leur fonctionnement.
 
 
Alimenter des capteurs de papier
Entièrement constructible avec les moyens du bord, ce genre de dispositif pourrait avoir un bel avenir. Les recherches sur l’utilisation de l’électricité statique dans le but de générer de l’énergie, regroupées sous le nom de TENG pour «tribo-electric nanogenerator», ont débuté en 2012.
«Celui que nous avons mis au point dans le cadre de ce projet européen est le premier à utiliser des matériaux naturels, compatibles avec l’environnement et d’utilisation courante», souligne Jürgen Brugger, professeur au Laboratoire de microsystèmes. Cela permet d’envisager des applications dans le domaine médical, par exemple. Des capteurs à bas coût en papier pour divers diagnostics, particulièrement pratiques pour le tiers-monde, sont d’ores et déjà expérimentés. Ce système de papier pourrait constituer l’étape suivante puisqu’il permettrait de se passer de batteries traditionnelles pour les alimenter. Ils ont, en outre, l’avantage de ne produire aucun déchet, puisqu’il suffit de les incinérer ou de les laisser se décomposer par dégradation naturelle.
La conférence IEEE-MEMS, au cours de laquelle ce système vient d’être présenté, est le plus important congrès mondial dans le domaine des nano et microsystèmes.
Ce procédé est bien expliqué sous YouTube: https://youtu.be/LHcRJ3SyZeU
 
Jürgen Brugger
Tél.: 021 693 65 73
juergen.brugger@epfl.ch