24 janvier 2014 |
La Revue POLYTECHNIQUE 01/2014 |
Éditorial
Éditorial (1/2014)
La quête des «infiniment»
À l’aube de cette année nouvelle, de grands rendez-vous de la science, des découvertes et des technologies vont à nouveau passionner le monde scientifique. Certains sont programmés, d’autres pleins d’incertitudes, nous promettant bien des surprises.
Nul besoin de faire appel à Madame Soleil pour prévoir, comme tous les onze ans, l’inversion imminente du champ magnétique de l’Astre du jour. L’activité de notre étoile, qui sera alors maximale, se traduira par l’apparition de nombreuses taches sombres, ainsi que par l’éjection d’un flux de particules chargées, à l’origine de belles aurores boréales dans les régions proches des pôles, mais aussi de perturbations dans nos équipements électroniques.
Ce mois déjà, la sonde Rosetta de l’Agence spatiale européenne a commencé ses manœuvres pour rejoindre la trajectoire de la comète Churyumov-Gerasimenko, autour de laquelle elle se mettra en orbite le 6 août. Après une période d’observation, un petit atterrisseur de 100 kg se posera le 11 novembre sur la surface de l’astre, afin d’analyser sa composition. On verra alors pour la première fois d’aussi près, l’un de ces petits corps de glace et de poussière venant de la ceinture de Kuiper et du nuage d’Oort, aux confins du Système solaire.
Le 13 août, la médaille Fields, prestigieuse récompense à des travaux de recherche en mathématique, attribuée tous les quatre ans et souvent comparée au prix Nobel, sera remise à Séoul, lors du congrès mondial des mathématiciens. Non loin de là, l’un des défis technologiques majeurs de cette décennie consistera à poursuivre le très long et fastidieux assainissement du site de Fukushima - notamment l’évacuation des 1535 barres de combustible usé entreposées dans la piscine no 4 - et, surtout, à stopper l’accumulation des eaux contaminées par la radioactivité et stockées dans les huit cents citernes dont les fuites se multiplient.
Au cours de cette année, afin de préparer son redémarrage en 2015, les techniciens du CERN vont travailler sur le LHC pour le doter d’une énergie double de celle avec laquelle il a fonctionné l’an dernier. Les physiciens espèrent que cette future configuration permettra d’entrevoir les signes d’une nouvelle physique, le Modèle standard n’étant plus pertinent à des énergies proches de celle du Big Bang.
Enfin, la quête de la matière noire, qui doit permettre d’expliquer la masse des galaxies et dont les premiers indices d’existence furent révélés par l’astronome suisse Fritz Zwicky en 1933, ainsi que le mystère de l’énergie sombre - cette force gravitationnelle répulsive responsable de l’expansion accélérée de l’Univers -, représentent les problèmes majeurs que la science aura encore à résoudre. Sans oublier le principe anthropique et l’explication des ajustements fins des constantes de la physique.
Des confins du cosmos au mur de Planck, avec la quête de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, les scientifiques ont encore bien du pain sur la planche !

par Michel Giannoni