25 janvier 2016 |
La Revue POLYTECHNIQUE 01/2016 |
Éditorial
Éditorial (1/2016)
La curiosité de laboratoire qui a révolutionné le monde
La technique s’est brusquement mise à évoluer et cette tendance s’accélère de plus en plus. Tout a démarré aux Laboratoires Bell avec l’invention du transistor, par trois Américains: John Bardeen, William Shockley et Walter Brattain. C’était à la veille de Noël 1947. L’industrialisation proprement dite de ce qui fut d’abord considéré comme constituant une «curiosité de laboratoire» a démarré en 1950 pour bouleverser de fond en comble, en un premier temps, le domaine des télécommunications, puis par la suite tout le secteur industriel. Les trois inventeurs reçurent le prix Nobel de physique 1956.
Deuxième coup d’accélérateur: les circuits intégrés. À l’origine, un Américain du nom de Jack Kilby qui venait d’entrer en été 1958 au service de Texas Instruments. Alors que ses collègues étaient partis en vacances, resté seul dans le laboratoire d’électronique, il eut l’idée de réunir entre eux plusieurs transistors en les câblant à la main, juste pour voir ce qui se passerait. Trois mois après, Texas Instruments commença à développer des puces électroniques intégrant sur un même substrat plusieurs transistors interconnectés pour la réalisation d’unités logiques et de stockage de mémoire. Les circuits intégrés (CI) étaient nés. Sur cette base, des microprocesseurs (circuits programmables réunissant fonctions logiques et de mémoire sur une seule puce) apparurent sur le marché. L’inventeur dut attendre jusqu’à l’an 2000 pour recevoir le prix Nobel de physique récompensant sa découverte. Entre temps, il avait été nommé au directoire de la firme texane et avait accumulé plus de 80 brevets à son nom !
De plus en plus complexes et à densité sans cesse accrue, les microprocesseurs actuels réalisés en technique VLSI (Very Large Scale Integration) peuvent comporter sur une seule «puce» des milliards de portes logiques librement reconfigurables, donc programmables à volonté en utilisant des logiciels spécialisés. On en trouve partout au cœur des objets, du plus modeste article de masse aux grands équipements industriels, qu’il s’agisse d’électro-ménager, de matériel audiovisuel, ordinateurs, téléphones portables, électronique de loisirs, véhicules automobiles, machines ou même de jouets.
Progressivement, cette production a quasi totalement échappé à l’industrie occidentale. Quasiment tout est actuellement développé et fabriqué en Extrême-Orient (Japon, Corée, Chine, Singapour, Malaisie…). Les constructeurs européens ou américains de systèmes ne sont plus que des intégrateurs: ils placent les éléments dans des boîtiers et apposent leur étiquette ! Heureusement qu’il existe encore des applications dites «de niche» pour quelques domaines bien spécifiques.

par Edouard Huguelet