Des abonnements
pour l'enrichissement
26 octobre 2015 | La Revue POLYTECHNIQUE 10/2015 | Éditorial

Éditorial (10/2015)

Haro sur le diesel!

L’incroyable et ahurissant scandale du fleuron de l’industrie allemande pourrait bien sonner le glas du diesel. Autrefois destiné aux poids lourds et aux bateaux, ce carburant alimente aujourd’hui la moitié des véhicules européens, grâce au développement du turbocompresseur. Mais pourquoi un tel succès, alors que le moteur diesel coûte plus cher que le moteur à essence? C’est qu’il consomme moins et que ce carburant est meilleur marché. Pourquoi donc?
Constitué d’une fraction C10à C18distillant entre 150 et 350 °C, le diesel est plus lourd que l’essence, qui est composée d’une fraction C4à C10de la distillation du pétrole, recueillie entre 30 et 200 °C environ. Comme le carburant s’achète au volume et pas au poids, on a davantage de kilos de diesel (de densité 0,85 env.) que d’essence (de densité 0,75 env.) dans le même volume, pour une enthalpie à peu près comparable.
Dans certains pays, le diesel est moins cher que l’essence, et ce pour deux raisons: un taux d’imposition plus bas, mais aussi des coûts de production considérablement moindres. En effet, le diesel est prélevé directement de la colonne de distillation du brut et ne subit, comme traitement, qu’une désulfuration sur un catalyseur de nickel-cobalt. L’essence, en revanche, sort en tête de colonne, il faut donc la séparer des gaz liquéfiés (butane, propane) et des gaz légers (méthane, éthane). Tout comme le diesel, elle subit une désulfuration, mais on doit encore la rectifier pour augmenter son indice d’octane, en la traitant dans des réacteurs chargés d’un catalyseur au platine. Et ce n’est pas tout. Il fallait autrefois y ajouter du tétraéthyle de plomb, aujourd’hui interdit, que l’on a remplacé par un autre additif plus coûteux, le méthyl-tert-butyl-éther (MTBE).
Diesel et essence polluent différemment. L’essence produit davantage de CO2que le diesel, mais celui-ci émet bien plus d’oxydes d’azote et de composés polyaromatiques insaturés sous forme de particules fines toxiques et cancérigènes, contrairement au CO2 qui n’affecte pas directement la santé.
Alors, existe-t-il des moyens de respecter des normes de plus en plus sévères? Outre le filtre à particules, la vanne EGR dirige une partie des gaz vers le moteur, tandis que les procédés LNT, NOx trap et SCR éliminent les oxydes d’azote par réduction catalytique. Cette technique a depuis longtemps fait ses preuves dans les usines d’incinération et les chaufferies de biomasse, mais elle a un coût et les responsables VW ont estimé que le logiciel incriminé était bien plus économique!
Notons encore pour terminer ce propos, que le risque d’incendie d’une voiture à moteur diesel est bien moindre, le point d’éclair de ce carburant étant de quelque 55 °C, alors que celui de l’essence est de - 40 °C. Mais le diesel n’a plus la cote. Le scandale Volkswagen l’a voué aux gémonies, à l’instar du nucléaire, des OGM ou du gaz de schiste!
 
par Michel Giannoni