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26 novembre 2012 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2012 | Éditorial

Éditorial (11/2012)

Confirmation d’une composante majeure de l’Univers
Le Sloan Digital Sky Survey (SDSS) est le plus grand programme de cartographie céleste jamais entrepris. A l’aide d’un télescope de 2,5 m de diamètre situé à l’observatoire d’Apache Point au Nouveau-Mexique, il a déjà permis de relever la position de centaines de milliers de galaxies.
Shirley Ho, astrophysicienne au Lawrence Berkeley National Laboratory et à l’Université de Carnegie Mellon l’utilise, avec son équipe, pour déterminer comment la matière ordinaire et la matière noire sont distribuées dans l’espace et le temps.
Or, ces scientifiques viennent de confirmer que le cosmos baigne dans une mystérieuse énergie – appelée énergie sombre ou énergie noire. Elle a été mise en évidence il y a une quinzaine d’années par l’observation de supernovæ très lointaines, observation qui avait révélé l’accélération de l’expansion de l’Univers. Shirley Ho et ses collaborateurs corroborent, par une méthode indépendante, l’existence de cette énergie dotée d’une pression négative, qui se comporte comme une force gravitationnelle répulsive. Pour ce faire, ils ont examiné, parmi les données du programme SDSS, quelque 900’000 galaxies des plus lointaines, situées dans un volume équivalant à celui d’une sphère de 4 milliards d’années-lumière de rayon. 
C’est en analysant la distribution et la concentration de ces galaxies, que les chercheurs ont pu établir qu’elles résultent d’oscillations qui se sont propagées dans la matière au tout début de l’Univers. La détermination de la taille et de la distance de ces oscillations, fournit une information sur l’évolution de l’expansion, ainsi que sur la force répulsive. Trois mesures avaient déjà été réalisées. L’équipe de Shirley Ho en a effectué une nouvelle, d’une très grande précision, qui a permis de conclure que l’Univers contient 73 % d’énergie sombre.
Sa nature reste un mystère. Elle serait comparable à ce que les physiciens appellent l’énergie du vide, modélisée par la constante cosmologique de la relativité générale et engendrée par la fluctuation du vide quantique (des paires de particules et d’antiparticules émergeant en permanence et disparaissant presque instantanément). D’autres conjectures postulent que l’énergie sombre pourrait être induite par l’existence de particules inconnues, conformes à des modèles de champ scalaire appelés «quintessence».
Ces travaux confirment l’hypothèse de l’énergie noire responsable de l’expansion accélérée de l’Univers. Quand le programme SDSS aura été complété, d’ici quelques mois, par le recensement de 1,5 million de galaxies, les scientifiques pourront alors mesurer les oscillations de la matière cosmique avec une précision de l’ordre de 1 %. 
La découverte de Shirley Ho et de son équipe est passée inaperçue dans la plupart des médias. Elle apporte cependant une contribution essentielle à la résolution d’une des plus grandes énigmes actuelles de la physique.
 
par Michel Giannoni