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25 novembre 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 11/2013 | Éditorial

Éditorial (11/2013)

Gare aux aphorismes !
J’ai parfois tendance à me méfier des affirmations probantes de certains érudits concernant des sujets peu connus du commun des mortels. Ayant entendu dans une émission de radio d’une notoriété certaine, un professeur de philosophie déclarer d’un ton péremptoire, que la théorie de la relativité d’Einstein n’a jamais été vérifiée expérimentalement, j’ai bien dû constater qu’il se trompait.
La relativité restreinte affirme que le temps ne s’écoule pas de manière continue et que plus la vitesse augmente, plus le temps ralentit. Mais ceci n’est perceptible qu’à des vitesses proches de celle de la lumière. Et contrairement à ce qu’affirme ce pédagogue éclairé, cet étrange comportement a bien été vérifié, à maintes reprises.
Les physiciens américains Joseph Hafele et Richard Keating en ont apporté une première preuve en 1971. Ils ont placé des horloges atomiques d’une extrême précision à bord de deux avions qui firent deux fois le tour du monde, l’un volant vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. A la fin du voyage, après avoir comparé le temps indiqué à celui d’horloges restées au sol, ils constatèrent son ralentissement, exactement comme l’avait prédit Einstein.
Les rayons cosmiques en fournissent une autre preuve. Ces flux venant de l’espace entrent en collision avec les atomes de la couche supérieure de l’atmosphère, engendrant des muons, particules dont la demi-vie n’est que de 2 microsecondes. A la vitesse de la lumière, ils ne pourraient parcourir que 600 mètres. Or ils arrivent bien à franchir les 20 km d’épaisseur de l’atmosphère, puisque nos instruments au sol sont capables de les déceler. C’est parce que leur durée de vie se dilate considérablement, leur conférant suffisamment de longévité, qu’on peut les détecter à la surface de la Terre. Les faisceaux de particules du LHC, lancés à une vitesse proche de celle de la lumière, voient également leur temps de vie s’allonger, dans les proportions prévues par la théorie d’Einstein.
Quant à la relativité générale, qui décrit l’influence de la matière sur le mouvement des astres, elle fut confirmée dès 1919 par Sir Arthur Eddington, qui mesura la déviation des positions apparentes d’étoiles lors d’une éclipse solaire. En 1959, l’expérience de Pound-Rebka a permis de détecter une modification de la longueur d’onde d’une source monochromatique de cobalt, provoquée par le champ de gravitation terrestre. Enfin, le phénomène de lentille gravitationnelle - la déviation de la trajectoire de la lumière aux abords d’un corps massif - est couramment observé depuis de nombreuses années.
Le professeur de philosophie a très probablement confondu la fameuse théorie de l’illustre physicien avec celle des cordes ou de la gravitation quantique. Mais le profane ayant écouté le docte professeur ira répéter au Café du Commerce, que la théorie de la relativité d’Einstein n’a jamais été vérifiée expérimentalement ! Et qui pourra bien avoir l’audace de le contredire ?
 
par Michel Giannoni