Éditorial (3/2015)

Profils de visiteurs

Dans quelques jours, des foules de visiteurs venant de partout se rendront au site d’expositions de Hanovre où se tiendra à mi-avril la célèbre «Foire de Hanovre», manifestation gigantesque regroupant chaque année pratiquement tout ce que le monde peut proposer en matière de réalisations industrielles. Les chiffres donnent le vertige: 5000 exposants sur 200’000 mètres carrés de surface d’exposition et 180’000 visiteurs venus de plus de 100 pays.

Certains d’entre eux ne sont pas du menu fretin. En effet, il s’agit des fameux «décideurs» tant vantés par la publicité des organisateurs de salons et expositions. Ce sont notamment des directeurs de départements d’achats ou même des PDG de grandes entreprises. Ils se rendront à Hanovre pour conclure des affaires importantes. Les responsables de stands ont l’œil suffisamment aguerri pour les détecter et les courtiser. On les reconnaît à leur complet-veston bien coupé, à leur attaché-case et surtout à leur physionomie compassée. Cravate au vent et téléphone collé à l’oreille, ils voguent imperturbablement, avec aisance et sérénité, au travers des foules de visiteurs anonymes, tels de gros paquebots se frayant un passage au milieu d’une nuée de petits remorqueurs. Fleurant bon la lotion après-rasage, leur visage buriné, halé par la pratique assidue du golf et arborant une chevelure argentée artistiquement ondulée, ils évoluent fréquemment accompagnés de leur cour: une accorte secrétaire blonde en tailleur bleu roi moulant et deux ou trois jeunes requins en costume sombre.

Outre ces visiteurs fort attendus, il y a ceux que craignent le plus les exposants: par exemple de jeunes techniciens et ingénieurs du département R+D d’une firme concurrente. Ils se déplacent de préférence en petits groupes bruyants et démonstratifs. Leur trajectoire aléatoire les conduira immanquablement au stand du concurrent de l’entreprise qui les emploie. L’un d’entre eux s’approche d’un démonstrateur avec un air détaché, lui posant des questions précises et insidieuses, alors que ses collègues, restés prudemment à l’écart, se retiennent pour ne pas éclater de rire. Finalement notre «kamikaze» rejoint l’équipe, exhibant triomphalement un sac en plastique bourré de documentation.

Il y a aussi les élèves d’écoles professionnelles qui évoluent en masses compactes et s’abattent comme des levées d’étourneaux dans une vigne, ne laissant derrière eux que des présentoirs vides. Mais le gros de la foule est constitué de visiteurs solitaires. Ce sont des professionnels anonymes, n’ayant pas d’affaires précises à régler mais qui sont désireux de suivre l’évolution de la technique et d’élargir leur horizon professionnel. C’est surtout à eux que je dédie cette édition de La Revue Polytechnique, fortement consacrée à la Foire de Hanovre.

 

par Edouard Huguelet