25 avril 2016 |
La Revue POLYTECHNIQUE 04/2016 |
Éditorial
Éditorial (4/2016)
Une petite bosse qui crée le mystère
Lors des 51e Rencontres de Moriond qui se sont déroulées le 17 mars dernier à La Thuile, dans la Vallée d’Aoste, les physiciens des collaborations Atlas et CMS, deux des expériences du grand collisionneur de hadrons du CERN, ont présenté leurs résultats. Et c’est une petite bosse bien mystérieuse, apparue sur leurs courbes, qui crée l’émoi dans la communauté scientifique.
L’hypothèse de la découverte d’une particule nouvelle est évoquée. En effet, les premières données recueillies laissent apparaître, lors de la collision de protons à une énergie de 13 TeV, un excès de photons pouvant correspondre à la création d’une particule jusqu’alors inconnue. Si son existence était prouvée, sa masse serait de 750 GeV, quatre fois supérieure à celle de la particule la plus lourde que l’on connaisse à ce jour. Mais surtout, cette découverte serait susceptible de remettre en question le modèle standard, la théorie qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions.
Les physiciens calculent la masse de particules hypothétiques en observant certaines désintégrations créant des paires de photons. À partir de ces données, ils construisent des courbes de distribution et les comparent à celles produites lors de processus bien connus. Si une bosse apparaît, révélant une masse qui ne corresponde à aucune particule existante, on se trouve alors devant un nouveau phénomène.
Bien que le même signal se présente presque à l’identique dans les deux détecteurs Atlas et CMS – ce qui tend à éliminer l’hypothèse d’une erreur due aux instruments –, les données collectées restent toutefois compatibles avec la conjecture d’une fluctuation statistique. Il faudra donc attendre de nouvelles expériences, suite à la reprise des collisions dans le LHC fin avril, pour que l’on puisse savoir si ce léger excès de masse n’était qu’une simple fluctuation ou s’il confirme l’existence d’une particule encore inconnue.
Les deux expériences Atlas et CMS n’ont pas, à ce jour, dévoilé des résultats significatifs qui pourraient révéler la présence de particules prédites par des modèles alternatifs, comme le gluino, dans la théorie de la supersymétrie, par exemple. Mais ils laissent de nombreuses questions sans réponse. Aussi les physiciens sont-ils à la recherche d’indices d’une théorie dépassant le modèle standard, qui permettrait de répondre à certaines de ces questions. C’est dans ce contexte qu’ils imaginent de nouveaux modèles, pouvant expliquer des phénomènes résistant encore à l’analyse.
Ainsi, les gluons, qui assurent la cohésion des protons, pourraient, lorsque ces derniers entrent en collision, fusionner pour former cette particule mystérieuse, qui se désintégrerait immédiatement. Et cette désintégration pourrait créer, outre une paire de photons, d’autres particules indétectables qui composeraient… la fameuse matière noire !

par Michel Giannoni