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27 mai 2013 | La Revue POLYTECHNIQUE 05/2013 | Éditorial

Éditorial (5/2013)

La Suisse et les matières premières
Le Sommet mondial sur les matières premières s’est tenu du 15 au 17 avril 2013 à l’hôtel Beau-Rivage de Lausanne, pour la deuxième année consécutive. Un sommet, organisé sous l’égide du Financial Times, réunissant plus d’une centaine des plus grandes multinationales de négoce, où l’on a pu y trouver majoritairement des dirigeants d’entreprises et d’organismes gouvernementaux. Un secteur du traiding, qui a opté pour la discrétion helvétique auprès des banquiers et des jongleurs du monde de la finance. En effet, ces douze dernières années la Suisse, et plus particulièrement le paradis fiscal de Zoug et la région de notre beau lac Léman, sont devenus l’endroit où se négocie le tiers des matières premières dans le monde, une véritable plaque tournante de ce commerce. Un endroit où les banques privées sont nombreuses à se battre pour financer les activités de ces sociétés. Sur les douze plus grandes entreprises suisses en matière de chiffre d’affaires, sept revendent des matières ou les extraient. Loin d’être transparentes, leurs relations de propriété sont déguisées au moyen de filiales qui sont, suivant les dires, également abonnées à des pratiques douteuses. En plus, d’être installées chez nous, ces sociétés ne payent au mieux qu’un impôt risible de 5 % sur leurs bénéfices, alors qu’elles brassent des sommes faramineuses et font des milliards de chiffre d’affaires. Avec des recettes nettes de 20 milliards environ, ce secteur contribue au PIB suisse à hauteur de 3,5 %.
Quand on pense que jusque dans les années 2000, le négoce échappait au blanchiment d’argent et le secret bancaire empêchait des enquêtes un peu sérieuses. «Trou noir» qui échappe à tout véritable contrôle dans notre pays, ce secteur connaît déjà les assauts de puissantes ONG, mais également et surtout de l’UE et de Washington. Les principaux reproches que l’on peut faire à un grand nombre de ces multinationales sont la contribution à l’appauvrissement des populations, à la dégradation de l’environnement, ainsi qu’au déplacement forcé et massif de milliers de personnes. Les ressources sont souvent pillées dans les pays en voie de développement, par exemple. En Suisse, ce commerce, où les bénéfices n’ont cessé de croître depuis les années 90, enrichit une minorité de personnes de l’Arc lémanique, à peine 10’000, ce qui représente le 2 % des emplois de la région.
Malgré tout, le Conseil fédéral est hostile à faire le ménage envers ceux qui prennent des libertés avec le respect des droits humains dans leurs activités de négoce. En raison du poids des affaires de ces entreprises, le Conseil fédéral a toutefois approuvé un rapport, datant du 27 mars 2013, qui se contente d’aborder les différents aspects du secteur des matières premières, tout en offrant des recommandations sur le sujet. Ironiquement, venant de la part de ceux qui nous gouvernent, ça me rassure. L’organisation de ce sommet dans le pays d’Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, ne semble en aucun cas choquer nos politiciens.
 
par James Dettwiler